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parce que c'est lui qui, par ses démarches, m'a paru devoir encourir la responsabilité la plus grave; c'est celui auquel j'ai été obligé, à mon grand regret, de retirer ses fonctions, qui est venu me proposer la formation de la compagnie.

« J'ai examiné avec lui les motifs qu'il me donnait à l'appui de cette formation. Ces motifs étaient tirés du désir qu'il avait de donner à la compagnie des receveurs généraux une situation analogue au crédit réel dont elle jouit dans le pays, à la puissance qu'elle exerce, à la puissance qu'elle a, et par elle-même, et surtout par la situation que lui donne le Gouvernement.

« J'examinai la question, et, pour moi, Messieurs, indépendamment de ces motifs, j'en trouvai d'autres, et de trèsgraves, qui me firent penser que je devais donner mon assentiment à l'ouverture qui m'était soumise.

« L'adjudication du chemin de fer du Nord venait d'avoir lieu. Cette adjudication avait été faite à la suite d'une fusion sur laquelle M. le Ministre des travaux publics a donné avant-hier des explications qui me dispensent de revenir sur ce point. Cette fusion n'avait rien d'incompatible avec la loi la loi disait que les chemins de fer devaient être concédés avec publicité et concurrence; mais nulle part elle ne disait que, si la concurrence n'existait pas, malgré la publicité, le Ministre des travaux publics, armé d'ailleurs du droit de fixer un maximum, ne pût passer outre et procéder à l'adjudication.

Il y avait, à cet égard, des précédents nombreux ; nous avions des lois qui avaient autorisé des emprunts avec publicité et concurrence, (et cependant, dans des circonstances analogues, l'adjudication avait eu lieu.

« Je ne considérais nullement l'adjudication après la fusion comme contraire à la loi.

« Je ne la considérais pas non plus comme mauvaise en elle-même, et je l'avoue, moi, Ministre des finances', qui avais à livrer à cette compagnie un travail qui devait coûter près de 100 millions, je regardais comme une chose avantageuse pour le pays, avantageuse pour le Trésor qu'un capital aussi considérable fût dans des mains aussi solvables que celles qu'offrait la compagnie du chemin du

Nord. Mais cependant je voyais, dans l'exemple de cette fusion, pour l'avenir, deux espèces de dangers : l'un, c'est que le Gouvernement, par suite de cette combinaison, n'ayant contre les compagnies qui se présenteraient d'autre défense que celle du minimum, se trouvât, à un jour donné, dans une situation telle, qu'il eût à craindre soit de ne pas fixer un minimum assez bas, et d'être ainsi entraîné à un sacrifice au profit de la compagnie et aux dépens du pays, soit de fixer un minimum que cette compagnie jugerait trop bas, et d'arriver par suite à ne pas adjuger le chemin ce dernier résultat serait à mes yeux un trèsgrave inconvénient. La Chambre peut se rappeler que, toutes les fois que cette question a été agitée, je suis venu constamment parler à cette tribune de l'avantage que j'attachais à la prompte exécution des chemins de fer. Je crois qu'on ne saurait trop se hâter de mettre sous ce rapport notre pays dans une situation aussi avancée que celle des pays qui nous entourent j'ajouterai que cette grave considération est celle qui a surtout contribué à me faire abandonner un système auquel j'ai tenu longtemps et beaucoup, l'exécution des chemins par l'Etat, pour me rallier au système des compagnies, qui offre l'avantage d'une exécution plus prompte.. Je regardais comme un très-grand malheur que l'Etat fut exposé au danger de ne pas adjuger. Voilà le premier danger.

« J'en redoutais un autre qui existait déjà, c'était qu'alléchées par l'exemple de cette première fusion, il se format une multitude de compagnies qui, par elles-mêmes, n'auraient aucun moyen d'arriver à l'exécution d'un travail de ce genre, mais qui se formeraient pour traiter au dernier moment ou pour extorquer, par la menace d'une concurrence, des conditions avantageuses. Je craignais que les compagnies solides, sérieuses, qui se mettaient en avant, ne se trouvassent dans la nécessité de traiter avec ces autres compagnies ou de courir les chances de l'adjudication en concurrence avec ces compagnies qui, ne venant là que pour spéculer, ne se préoccuperaient pas du mérite réel et de la valeur de l'affaire, mais songeraient uniquement å escompter les bénéfices qu'elles pourraient réaliser par cette opération frauduleuse.

« Je voulais prévenir cet autre danger, et je me disais que, s'il y avait, en présence l'une de l'autre, seulement deux compagnies sérieuses, solvables, prudentes, le seul fait de la concurrence de ces deux compagnies mettrait le Ministre des travaux publics en mesure d'engager sans crainte sa responsabilité, à l'effet d'éloigner toutes les compagnies qui n'offriraient pas ces avantages; je voulais voir se présenter à l'adjudication deux compagnies sérieuses et qui se feraient concurrence dans des limites possibles. Par là s'évanouissait à mes yeux un danger que j'estimais presque aussi grand que celui de l'ajournement, le danger d'un chemin livré à une compagnie qui n'aurait pas de forces suffisantes pour mener l'entreprise à bonne fin.

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Je croyais par là rendre hommage au principe de la loi qui établissait la publicité et la concurrence; je croyais que je travaillais à organiser une concurrence sérieuse et prudente. Je trouvais dans la compagnie des receveurs généraux les moyens d'arriver à ce but. Je donnai donc mon assentiment à la proposition qui m'était faite.

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« Le préopinant m'a demandé tout-à-l'heure s'il était vrai que j'eusse corrigé de ma main la circulaire qui fut rédigée à cette occasion. Oui, Messieurs, je l'ai corrigée de ma main, je vais indiquer à la Chambre les corrections que j'ai faites, et elle verra qu'elles avaient un but unique. J'avais déclaré aux receveurs généraux que j'autoriserais leur compagnie, mais que c'était une autorisation, et non pas un encouragement ; que je ne voulais pas qu'ils se présentassent en quelque sorte patronés par le Gouvernement.

« Ils me produisirent un projet de circulaire dans lequel se trouvaient des phrases qui pouvaient laisser quelque doute sur la situation. On y disait : « Nous avons tous dû vouloir consulter S. Exc. le Ministre des finances; Son « Exc. approuve notre pensée. » J'ai substitué à cela : S. Exc. a déclaré qu'elle ne s'opposait pas à notre projet, tout en se réservant de veiller à ce qu'aucune de a nos souscriptions personnelles ne dépassât les limites a de prudence que nous impose la confiance dont elle nous « honore, »>

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« On ajoutait : « C'est donc sous la sanction de son aua torité que nous venons inviter chacun de nos collègues.»> J'ai supprimé cela, et je l'ai remplacé par ces mots : « C'est « donc avec son agrément, et sans qu'il soit accordé une a faculté exceptionnelle, que nous venons inviter chacun de « nos collègues. >>

« Voilà, Messieurs, les corrections que j'ai faites à la circulaire.

«La compagnie formée, des souscriptions nombreuses se présentèrent; mais, peu après, il se manifesta une crise à la Bourse, et les fondateurs de la compagnie conçurent des appréhensions; ils craignirent que ceux qui leur avaient confié leurs intérêts ne se plaignissent s'ils prenaient à eux seuls la charge toute entière de l'entreprise.

« Le préopinant disait tout-à-l'heure que j'avais reconnu l'insuffisance de la compagnie: il s'est trompé. Je n'ai pas cessé un seul instant de dire à la compagnie qu'elle ne se faisait pas une idée juste de sa force, qu'elle n'avait pas besoin du concours des autres ; qu'elle avait trouvé dans nos départements un assentiment assez considérable, et que cet assentiment avait d'autant plus de valeur et de force, qu'il émanait précisément des personnes dont le con. cours dans les compagnies des chemins de fer était le meilleur, de celles qui ne venaient pas pour jouer à la Bourse, parce qu'il n'est pas commode de jouer à la Bourse quand on habite à 200 lieues de Paris; mais qui viennent pour faire un placement sérieux et permanent mon opinion était donc qu'ils avaient tort de se croire insuffisants. J'ajoutai qu'ils pouvaient se joindre à un certain nombre d'autres compagnies, mais de manière à laisser subsister toujours une concurrence entre des compagnies sérieuses et prudentes.

« Nulle objection de ma part à la fusion avec certaines compagnies; mais j'avais soin d'avertir, avant toute espèce de fusion, que je ne pouvais me porter le défenseur de la formation de la compagnie des receveurs généraux, qu'autant que cette compagnie arriverait à prouver, lors de l'adjudication des chemins de Paris à Lyon, l'avantage que j'ai déjà indiqué plusieurs fois, celui d'une concurrence sérieuse; si, au contraire, l'on arrivait à une fusion totale,

je déclarais qu'il me serait impossible de prendre la dé. fense de cette compagnie à cette tribune, et j'avertis les receveurs généraux, et particulièrement celui qui avait eu l'idée de la formation, que je ne pouvais accepter une si+ tuation dans laquelle il me faudrait venir déclarer à cette tribune qu'il m'était impossible de défendre un haut fonctionnaire, et de le laisser en possession de ses fonctions.

« C'est avant toute fusion, je le répète, que j'ai tenu ce langage.

« Depuis, on s'est laissé entraîner à des fusions partielles dans lesquelles on a perdu sa liberté; je ne pouvais pas admettre pour excuse la perte de cette liberté.

«On était averti d'avance, on devait s'arranger en conséquence; ce n'est pas pour les circonstances qui ont accompagné une démission donnée au dernier moment, ce n'est pas à raison d'actes notariés, ou par suite d'argent donné, que la mesure dont on a parlé a été prise ; elle a été prise, parce que l'auteur du projet avait été déclaré par moi responsable de ce qui adviendrait de la société, relativement au but pour lequel sa formation avait été consentie. Il avait été averti, je le répète, avant toute fusion; s'il avait perdu sa liberté, il devait s'attendre à subir toutes les conséquences de cette aliénation de sa liberté; il devait avant cela prendre ses mesures,

Messieurs, ce n'est pas sans regret que j'ai proposé au Roi d'enlever ses fonctions à un ancien receveur général, qui, sous tout autre rapport, n'avait jamais démérité.

« Je puis dire que les relations personnelles que j'avais eues avec lui rendaient ce sacrifice plus douloureux pour moi. Il s'est trompé dans cette circonstance; mais, pour le reste, ce fonctionnaire n'a rien perdu ni de mon estime ni de la considération qui lui appartient. Mon devoir, dans cette circonstance, m'interdisait d'être indulgent,

« Je ne sais pas quel motif l'avait porté à laisser ainsi enchaîner sa liberté.

« Pensait-il que la bienveillance que je lui avais toujours montrée deviendrait un jour de la faiblesse ? S'il avait eu cette pensée-là, rien ne la justifiait; il y avait des précédents qui devaient lui prouver qu'en présence de motifs impérieux, je n'hésitais pas lorsqu'il fallait me séparer des

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