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de la loi anglaise. La réponse de l'étranger est toute prête : il dira que vous n'avez aucun droit de pourvoir à cet inconvénient en imposant une servitude à sa propre navigation. Si la question était même réduite à ces termes, qu'il faut de deux choses l'une ou que tous les navires anglais puissent échapper frauduleusement à la police de l'Angleterre, ou que tous les navires étrangers soient injustement molestés, la Grande-Bretagne ne serait point fondée à opter pour le second terme de cette alternative. Lorsque vous vous plaignez qu'on ne peut assurer l'accomplissement d'une prescription légale sans l'exercice d'un tel droit, la réponse est que vous ne deviez pas faire de prescription légale dont vous ne pouvez assurer l'accomplissement sans empiéter sur les droits d'autrui. »

On nous dit que nous ne devons pas être plus susceptibles que les Américains qui ont admis cette prétention. L'orateur soutient que l'Amérique n'a rien consenti de pareil à ce qui est contenu dans le traité que la France vient d'accepter. I a toujours été déclaré par le négociateur américain, que, bien que l'Amérique ne voulût pas que son pavillon servit de protection à la traite, elle ne concédérait rien sur ce point, et, comme il n'a point été possible de s'entendre à cet égard, le résultat a été de faire demander par le négociateur, que l'Amérique augmentât le nombre de ses navires sur la côte d'Afrique, afin qu'elle fût en mesure de faire complètement et partout sa police. Lord Aberdeen, provoqué par le message du président des Etats-Unis, a déclaré qu'il n'avait été fait de part ni d'autre aucune concession. Le représentant des Etats-Unis à Londres lui écrivait textuellement: Il n'a rien été demandé ni concede, chacune des deux nations est donc restée exclusivement en droit de visiter les navires portant son pavillon.

L'orateur examine ensuite les résultats de l'exécution du traité pour notre commerce. Il demande quelles instructions nos armateurs doivent donner à leurs capitaines; si on leur dira qu'ils ne sont soumis qu'à la surveillance française. Que devront-ils faire vis-à-vis des croiseurs anglais qui, sur quelque soupçon, croiraient devoir les arrêter? Devront-ils obéir ou résister? S'il y a résistance, et par

suite conflit, à qui en seront la faute et le tort? Si, au contraire, ils doivent obéir, est-il vrai de dire que notre commerce est replacé sous la surveillance de notre pavillon?

L'orateur déclare qu'il n'a pas le désir de faire une opposition inutile, quand il n'y a point ici de préoccupations politiques qui doivent troubler la vue caline que la Chambre doit porter sur cette question. Les observations qu'il lui soumet en ce moment lui sont dictées par un sentiment véritable pour l'avenir de notre commerce maritime. Il faut que le langage qui partira de cette tribune avertisse le gouvernement anglais que les yeux sont ouverts sur sa conduite; que tout abus, quel qu'il fût, provoquerait une résistance absolue, compromettrait le traité qui vient d'être commun, et lui ferait manquer le but qu'il poursuit avec tant de persévérance et d'habileté.

Si le droit de visite est indispensable pour la répression de la traite, il faut le dire; mais alors on sera en dissentiment avec la Chambre qui en a formellement demandé la suppression.

On se rejette, pour exercer le traité, sur la réciprocité de la mesure entre les deux nations et sur ce que, ce droit de vérification de pavillon existant déjà dans le droit maritime, on peut s'en servir pour la répression de la traite. L'orateur conteste la vérité de ces assertions on veut, par une confusion entre la piraterie et la traite, appliquer à celle-ci le droit créé pour l'autre. Le droit maritime ne se prète point à cette assimilation.

D'après ces principes, les hautes mers sont absolument libres, sauf deux exceptions: 1o en temps de paix pour la piraterie, 2o en temps de guerre pour la vérification des pavillons; mais ce dernier droit a été limité par les traités de 1778 et de 1786, et surtout par le mode d'exécution et les règles qui ont été créées. Sans doute on n'a pas voulu aban. donner ces principes, et le Gouvernement et les Chambres Jes ont expressément rappelés en 1839 et 1841. Aujourd'hui on veut créer une troisième exception pour le cas de traite. L'orateur engage la Chambre à protester contre cet abandon, résultat de cette influence funeste qui a pesé sur nous dans tant d'occasions, qui nous a entraînés dans l'affaire du

Texas, et qui nous entraînera dans celle de l'Orégon. Successivement et partout, nous faisons des concessions de principes, d'alliances, d'intérêts et de dignité.

L'orateur n'entend point mettre en doute la sincérité et le patriotisme du négociateur du traité du 29 mai; il n'en attribue les fautes qu'à ce que, pour s'éclairer sur ces matières, il a cu recours à nos officiers de marine, que la géné rosité naturelle à leur profession expose à se trouver en défaut dans des questions si compliquées. Le négociateur anglais qui lui était opposé, le docteur Lushilgton, est un homme expert et profondément savant dans ces matières.

C'est par un oubli déplorable des principes, qu'on est arrivé à cette assimilation de la traite et de la piraterie. On la fonde sur ce que les navires de traite ont souvent plusieurs commissions, sur ce qu'ils commettent des déprédations à la côte et sur ce qu'ils sont armés pour le combat.

Quant aux doubles commissions, l'orateur invoque l'opinion de M. de Portal, rapporteur de la loi de 1825, pour établir qu'on n'a entendu parler que des commissions de guerre, des lettres de marque, ayant pour objet l'accomplissement de vols et de pillages, et non point les commissions de commerce destinées à couvrir des actes d'une tout autre nature. Il s'attache ensuite à démontrer que l'ordonnance de la marine, invoquée en cette circonstance, ne s'applique en rien au cas dont il s'agit.

Quant aux déprédations à la côte, il fait observer qu'elles sont formellement exceptées par la loi de 1825, qui les considère comme faits de piraterie.

Enfin, quant aux armements, il prie la Chambre de remarquer qu'il n'y a pas de navire commerçant dans les parages où l'on fait la traite, qui ne soit obligé de s'armer pour sa propre défense; l'assimilation qu'on a voulu créer est donc inexacte en tous points, et notre droit maritime la repousse.

L'exécution du traité fera naître des difficultés de toutes parts, et que feront nos croiseurs, s'ils rencontrent sous pavillon américain un navire paraissant suspect? iront-ils

jusqu'à l'arrêter? et la France se rendra-t-elle commune avec l'Angleterre cette querelle contre l'Amérique ?

C'est en vue d'une pareille éventualité que M. Cass, chargé d'affaires d'Amérique, avait déposé au Ministère français une protestation contre le traité de 1841. Il n'y aurait rien d'étonnant de voir cette protestation se renouveler contre le traité de 1845.

L'orateur n'espère pas qu'un amendement soit adopté par la Chambre. Il en présentera un cependant, parce qu'il est nécessaire qu'une protestation, partie de la minorité, apprenne à l'Amérique que les grands principes du droit des gens maritime ne sont point abandonnés.

La séance est levée.

Signe SAUZET, Président;

DE L'ESPÉE, BOISSY-D'ANGLAS, DE LAS-CASES,

LACROSSE, Secrétaires.

Collationné:

Le Secrétaire-Rédacteur,

Signe CERCLET.

PRÉSIDENCE DE M. SAUZET.

Séance du Mardi 3 Février 1846.

-Le procès-verbal de la séance du 2 est lu et adopté. M. BEHAGHEL sollicite et obtient un congé.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet d'Adresse au Roi.

- On reprend la discussion du sixième paragraphe.

UN MEMBRE dit qu'il vient défendre le paragraphe qui appelle la Chambre à manifester de nouveau son adhésion à la convention du 29 mai 1845, en reconnaissant que cette convention a pour effet de replacer notre commerce sous la surveillance exclusive du pavillon national. Il reprendra la question dans les termes où l'a posée l'orateur entendu à la fin de la dernière séance. Il examinera s'il est vrai, comme on l'a dit, que la convention de 1845 n'ait fait que substituer au droit de visite, tel que l'avaient consacré les traités préexistants, un droit de visite, en réalité plus rigoureux, puisqu'il serait affranchi de la limite des zones, du nombre des croiseurs, du choix des officiers et de la juridiction nationale.

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