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<< claritate, vel negotii magnitudine insignis. » (Epist., II, 10.) Dans une autre lettre, le même avocat écrivait que plaidant devant le tribunal centumviral il avait été obligé d'y traiter de minutieuses questions de chiffres, si bien qu'il semblait que cette haute juridiction ne fût autre que celle des judicia privata « Intervenit frequens necessitas computandi ac << pene calculos tabulamque ponendi, ut repente in privati <«< judicii formam centumvirale judicium vertatur. » (VI, 3.) Peut-être les centumvirs étaient-ils alors en disgrâce auprès des préteurs, qui les saisissaient de pareilles contestations. Peut-être, aussi, et cette hypothèse me paraît plus vraisemblable, avait-on été amené par le fait même de la répartition du collége centumviral en quatre sections à déverser sur chacune de ces sections une partie du trop-plein des autres tribunaux, en réservant les grandes causes pour les assemblées générales.

On a vu tout à l'heure que les poëtes parlaient de ce tribunal en lui donnant figurément le nom de la lance, hasta, qui lui servait d'emblème. Recueillons encore quelques autres textes qui le désignent par son appellation juridique.

Dans un passage de ses Tristes, dont j'ai cité plus haut un fragment, Ovide, avant de dire qu'il avait plusieurs fois rempli la fonction de judex privatus, rappelait qu'il avait aussi prononcé comme juge sur le sort des accusés (j'indiquerai plus loin à quel titre) et sur des procès de la compétence des centumvirs, dont il faisait partie:

Nec male commissa est nobis fortuna reorum,

Lisque decem decies inspicienda viris.

(Trist., 2.)

Il reproduit ce souvenir de son passé dans l'une de ses épîtres ex Ponto, adressée à un célèbre avocat de Rome. « Si je n'étais en exil, écrivait-il, peut-être, grâce à la charge de centumvir, à laquelle j'étais habituellement appelé, eussé-je siégé au nombre des cent juges qui vous ont entendu : >>

Utque fui solitus, sedissem forsitan unus
De centum judex in tua verba viris.

(III, 5.)

On remarque que dans ce dernier extrait le poëte énonce assez nettement que le tribunal des centumvirs siégeait au nombre de cent juges, sedissem unus de centum. Un texte tiré du Carmen ad Pisonem peut être interprété dans le même sens; on y lit que la lance des décemvirs appelait en justice les plaideurs tremblants, et ordonnait d'assurer le jugement. des causes par le concours de cent juges :

Seu trepidos ad jura decem citat hasta virorum,

Et firmare jubet centeno judice caussas.

Mais il s'agit là peut-être, comme dans cet autre fragment de Martial,

Dum centum studet auribus virorum,

(X, 19.)

d'un quadruplex judicium, ou tout au moins d'une assemblée de deux des sections du tribunal des centumvirs (1).

Dans l'extrait du Carmen ad Pisonem que je viens de citer, il est encore question des décemvirs, et leur lance y est personnifiée comme faisant l'office de præco. Cela veut dire apparemment que les décemvirs assesseurs du préteur réglaient, comme je l'indiquais plus haut, le rôle et l'appel des affaires, et qu'ils avaient dans la juridiction centumvirale une certaine part de direction. Il paraît, du reste, qu'ils formaient aussi le conseil du président et le suppléaient au besoin. Aussi leur position était-elle honorée. Ovide se glorifiait de l'avoir occupée, et d'avoir joui des préséances auxquelles elle donnait droit :

Inter bis quinos usus honore viros.

(Fast., IV.)

Les judicia privata, fonctionnant par le ministère soit d'un judex ou d'un arbiter, soit des recuperatores, soit des

(1) Ceux de mes lecteurs qui voudront prendre une idée de l'appareil d'une audience centumvirale lorsque toutes les sections étaient réunies pour le jugement d'une grande cause dans la basilique Julia, pourront consulter deux lettres de Pline, la 33e du livre 6, et la 5o du livre 21. Ils y verront que, de même que dans quelques-unes des audiences de nos cours de justice, le public des deux sexes s'y portait en foule, se disputait les places réservées, et circonvenait jusqu'aux siéges des juges.

centumviri, telles étaient donc, avec celle du préteur, les principales juridictions instituées pour le contentieux, durant la seconde période de l'histoire du droit romain.

Je crois trouver l'indication de cette organisation judiciaire dans un passage des Ménechmes de Plaute, où il est dit par un des personnages qu'en sa qualité de patron, il est obligé d'aller plaider pour ses clients,

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Populum, aut in jure, aut ad judicem. . .

Si je ne me trompe, les tribunaux que Plaute entendait spécifier par cette triple désignation étaient : 1o ad populum, celui des centumvirs, ou selecti judices, qui très-probablement existait déjà du vivant de ce poëte, et qu'on appelait alors populus, apparemment parce que le personnel en était choisi dans les tribus, et peut-être même élu par le peuple; 2o in jure, celui du préteur; 3o ad judicem, celui des juges délégués par le préteur, sous les noms de judex, d'arbiter, ou de recuperatores.

Cette interprétation se confirme par le texte suivant, que j'emprunte à l'Art d'aimer d'Ovide:

Quam populus, judexque gravis lectusque senatus,

Tam dabit eloquio victa puella manus.

« Votre éloquence, est-il dit dans ce texte, que j'aurai à reproduire dans une autre partie de cet ouvrage, n'aura pas moins de succès auprès d'une jeune fille que devant les centumvirs, que devant le sénat et les autres juridictions. » Le tribunal centumviral est ici manifestement désigné, sous la dénomination de populus. Le judex gravis, c'est le judex ou l'arbiter ou le tribunal des recuperatores. Ovide ajoutait à ces juridictions celle du sénat, parce que dans son siècle le sénat faisait souvent l'office de tribunal criminel.

Observons que les centumviri, les judices et les recuperatores n'étaient point des magistrats. Ce titre n'appartenait qu'au préteur, à ses décemvirs, et à quelques autres fonctionnaires des juridictions criminelles, dont je parlerai dans la troisième partie de mon livre. La dénomination générale appliquée à tous les citoyens portés sur les listes du préteur

pour faire partie du collége centumviral, ou pour remplir, à l'occasion, la fonction de judex, était celle de selecti judices, parce qu'ils étaient véritablement élus, ou du moins agréés par les parties, qui pouvaient exercer un certain nombre de récusations parmi ceux que leur proposait le préteur. Elle est employée dans le vers suivant d'Horace, par lequel il est dit que le père de ce poëte l'engageait à prendre pour exemple l'un des hommes honorables que les plaideurs désiraient pour juge:

Unum ex judicibus selectis objiciebat.

(Sat., I, 4.)

Il existait encore deux autres juridictions civiles, celles des ædiles et des tribuni ærarii.

Le tribunal des édiles était une sorte de justice municipale, qui ne procédait pas suivant les formes et la rigueur du droit, mais d'autorité et de bonne foi. Il en est fait mention dans les Ménechmes de Plaute. Un personnage de cette pièce rapporte qu'il a plaidé devant les édiles une cause dont il avait accepté le patronage, et qu'il a dû soutenir là de nombreuses luttes de parole:

Apud ædiles, præliis factis, plurimisque,

Pessumisque, dixi causam.

De même que les judices, les édiles pouvaient s'adjoindre des assesseurs, pour prendre leurs conseils. Je trouve la constatation de ce fait dans un texte de Juvénal portant que jamais un homme pauvre n'est inscrit comme légataire dans un testament ni appelé en conseil par les édiles :

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Je fais remarquer que cette dernière locution, in consilio est, se rapporte exactement à celle par laquelle Plaute, dans un passage cité plus haut, faisait allusion à la fonction d'assesseur du judex; « Huc in consilium advocasti. » Je la retrouve dans le fragment suivant d'une lettre de Pline le jeune « Frequenter judicavi, frequenter in consilio fui. »

Quant aux tribuns du trésor, ærarii, ils connaissaient de certains litiges de peu d'importance, tels que ceux ayant pour objet le payement de salaires. Il est parlé de cette compétence dans la septième satire 'de Juvénal. « Bien rarement, dit le poëte, un précepteur parvient à se faire payer de son salaire, si minime qu'il soit, sans recourir à l'autorité judiciaire du tribun : >>

Rara tamen merces, quæ cognitione tribuni

Non egeat.

Ces tribunaux spéciaux étaient-ils saisis par la désignation du préteur, ou bien agissaient-ils en vertu de leur autorité propre ? Cette question n'est point éclaircie par mes documents. J'incline à penser que le plus souvent, sinon toujours, c'était par la voie du prétoire que les affaires litigieuses arrivaient à leur siége.

Il y aurait sans doute beaucoup encore à dire sur ce sujet; mais je m'en tiens à ce qui précède, l'exposé que je viens de faire, et dont les éléments m'ont été en partie fournis par les poëtes, n'ayant pour objet que de servir de préface à la présente section, dans laquelle vont être classées celles de mes citations qui ont trait à la procédure civile, aux litiges et à quelques usages judiciaires de l'époque dont je m'occupe. J'aurai d'ailleurs occasion de parler, dans le cours de cette section, d'une autre juridiction, celle des arbitres volontaires ou compromissoires, qui concourait aussi à l'administration de la justice, mais qui n'appartenait pas à l'ordre des tribunaux officiellement constitués.

J'ai maintenant à montrer, toujours à l'aide de mes documents poétiques, comment s'engageaient les procès, comment s'exerçait la vocatio in jus, et quelles en étaient les suites, après que le préteur avait accordé l'action et délivré la formule.

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