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Pœna reversura est in caput ista tuum.

Exemplis occidit ipse suis.

(ID., Ibis.)

(Ov., Ars amat., I.)

Ils sympathisaient sous ce rapport avec le public, qui généralement voyait avec satisfaction retomber sur les auteurs ou promoteurs de mesures iniques les dispositions pénales qu'ils avaient créées ou conseillées, comme il arriva dans la circonstance mentionnée par Tacite en ces termes : « Quo lætius acceptum sua exempla in consultores recidisse.» (Annal., VI, 10.)

C'est apparemment sous l'influence de ces idées qu'avait pris naissance la doctrine poétique dont j'ai parlé en traitant des contrats et obligations, et suivant laquelle il était licite et de bonne guerre de combattre la fraude par la fraude.

J'ai dit que les poëtes étendaient le système pénal du talion au delà des limites que lui avait assignées le législateur.

En effet, d'après la loi des Douze Tables, ce mode de pénalité se bornait aux attentats contre les personnes ayant eu pour résultat tout au moins la fracture d'un membre. S'il n'y avait pas eu rupture, mais luxation seulement, la peine n'était que d'une amende plus ou moins élevée suivant la condition de la personne lésée. Elle se réduisait à vingt-cinq as d'airain pour les simples voies de fait et les injures; de façon que chacun pouvait se donner la satisfaction de frapper et d'injurier son prochain moyennant cette faible somme; ce que fit, dit Aulu-Gelle, un certain Lucius Veratius, qui s'avisa un jour (sans doute pour faire la censure de la loi) d'attaquer tous ceux qu'il rencontrait et de leur faire remettre vingt-cinq as par son esclave, après les avoir maltraités.

Ajoutons que même pour la fracture d'un membre l'agresseur pouvait se rédimer de la peine du talion en transigeant avec sa victime.

Il ne sera peut-être pas sans intérêt de dire ici comment les Romains eux-mêmes appréciaient cette dernière peine. Aulu-Gelle nous l'apprend dans cette controverse dont j'ai déjà noté quelques passages. Qu'on me permette de la citer encore sur le point en question.

On se demandait dans quelle mesure pouvait s'exercer le talion, s'agissant d'un membre rompu.

Pour être juste, disait-on, le talion ne doit être que l'exacte représentation du mal que l'on a éprouvé œil pour œil, dent pour dent. Il faut que le blessé traite l'auteur de sa blessure absolument de la même manière qu'il a été traité lui-même, c'est-à-dire qu'il lui brise le même membre, sur le même point, par le même procédé, et sans qu'il en résulte de plus graves conséquences que celles qu'il a subies dans sa personne. Le coupable, en effet, n'est pas tenu de souffrir qu'on le blesse plus grièvement qu'il n'a blessé; si la vengeance dépasse l'offense, il doit lui être permis de se venger à son tour, retaliari; et comme en ceci rien n'est moins aisé que d'établir de part et d'autre une compensation pårfaitement équilibrée, il peut arriver que le talion naisse indéfiniment du talion et se perpétue de la sorte jusqu'à extinction des deux adversaires.

Et puis, quel moyen de rendre la pareille, lors, par exemple, que la blessure n'a eu pour cause que l'imprudence ou un accident fortuit? En un tel cas, le blessé ne saurait être autorisé, en bonne justice, à rendre volontairement et de dessein prémédité le mal qui ne lui a été fait qu'imprudemment ou fortuitement : il ne peut, lui aussi, que blesser par imprudence ou par accident. Or, comment la chose est-elle possible (1)? A ces objections, fort sérieuses, des adversaires du talion,

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(1) « Nonnulla in istis legibus nec consistere quidem visa sunt, velut illa alex talionis. Præter enim ulciscendi acerbitatem, ne procedere quoque « executio justa talionis potest. Nam cui membrum ab alio ruptum est, si ipsi itidem rumpere per talionem velit, quare an efficere possit rumpendi << pariter membri æquilibrium? In qua re primum ea difficultas est inexpli<«< cabilis. Quid si quis membrum alteri imprudens ruperit? Quod enim per imprudentiam factum est, retaliari per imprudentiam debet. Ictus quoque « fortuitus et consultus non cadunt sub ejusdem talionis similitudinem. « Quonam igitur modo imprudentiam poterit imitari, qui in exsequenda ta« lione, non licentiæ jus habet, sed imprudentiæ? Sed et si prudens ruperit, * nequaquam patietur aut altius se lædi, aut latius. Quod cujusmodi libra «< atque mensura caveri possit non reperio. Quin etiam si quid plus erit

a

« aliterve commissum, res fiet ridiculæ atrocitatis, ut contraria actio mutuæ << talionis oriatur, et adolescat infinita quædam reciprocatio talionum. »> (AULU-GELL., XX, 1.)

que répondaient les partisans de la règle posée par la loi des Douze Tables? Que l'auteur de la blessure avait l'option de transiger avec le blessé ou d'en passer par le talion, et que s'il optait pour le talion, c'était très-volontairement qu'il le subissait; que, quant à la difficulté d'une exacte réciprocité de blessures, elle avait été levée par un édit du préteur, aux termes duquel le juge, en toute hypothèse et même lorsque le coupable ne voulait point pactiser, devait estimer le dommage et convertir le talion en une condamnation pécumiaire (1).

Ainsi, d'après Aulu-Gelle, les magistrats romains jugeaient eux-mêmes que la peine du talion n'était point praticable. Ils la prononçaient, parce que la loi leur en faisait un devoir; mais ils n'en permettaient pas l'exécution, et la remplaçaient par une condamnation à des dommages-intérêts envers la partie lésée.

Réduit, de fait, par ces tempéraments aux proportions d'une simple indemnité, le talion perdait jusqu'aux apparences d'une peine, et ne conservait plus que les caractères d'une réparation purement civile, qui n'intéressait que la partie plaignante et dont la poursuite était laissée à son entière discrétion.

Ce n'était certes pas ainsi que les poëtes entendaient ce système de répression. Imbus des préjugés séculaires qui en matière pénale s'étaient perpétués avec la loi des Douze Tables, ils admettaient le talion, et semblaient même en provoquer l'application dans tous les cas punissables. Mais ils le voulaient à titre de peine publique, et non pas seulement à titre de réparation privée ou de vengeance exercée dans un intérêt particulier.

C'est ce que feront voir les extraits qui vont suivre.

(1) « Quoniam acerbum esse hoc genus pœnæ putas, quæ, obsecro te, «< ista acerbitas est, si idem fiat in te quod tute in alio feceris; præsertim «< cum habeas facultatem paciscendi, et non necesse sit pati talionem, nisi «< cum tu elegeris? Quod edictum autem prætorium de æstimandis injuriis probabilius esse potest? Nolo hoc ignores hanc quoque ipsam talionem << ad æstimationem judicis redigi necessario solitam. Nam, si reus qui depacisci noluerat judici talionem imperanti non parebat, æstimata lite judex « hominem pecuniæ damnabat. Atque ita, si reo et pactio gravis et acerbatalio « visa fuerit, severitas legis ad pecuniæ mulctam redibat, » (AUL.-GELL. XX, 1.)

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II. Molifs de l'institution des peines.

Le but de toute bonne législation pénale, disait Publius Syrus, doit être d'extirper non les criminels, mais les crimes :

Res bona est non exstirpare sceleratos, sed scelera.

On ne punit pas un coupable parce qu'il a failli; car, ainsi que le faisaient observer Plaute et Térence, la punition ne peut défaire ce qui a été fait :

Quid vis fieri? Factum est illud; fieri infectum non potest.

(PLAUT., Aulularia, IV, 10.)

Accusando, factum fieri infectum non potest.

(TER., Phormio, V, 8.)

C'est aussi ce que disait Juvénal à l'un de ses concitoyens, qui se plaignait de la violation d'un dépôt et voulait en obtenir sévère justice. «Supposez, écrivait-il dans sa treizième satire, que vous teniez le coupable, enchaîné aussi étroitement que possible, et qu'il dépende de vous de le faire mourir votre argent n'en sera pas moins perdu; et si vous l'immolez, vous n'y gagnerez pour toute consolation que l'odieux du sang répandu :

Abreptum crede hunc breviore catena
Protinus, et nostro (quid plus velit ira ?) necari
Arbitrio. Manet illa tamen jactura, nec unquam
Depositum tibi sospes erit; sed, corpore trunco,
Invidiosa dabit minimus solatia sanguis.

Pourquoi donc punit-on le malfaiteur? Pour qu'il ne récidive point,

Ne quid simile tentare audeat,

(SEN., Octavia.)

et surtout pour que son châtiment serve à d'autres de leçon et profite dans l'avenir. Telle était la doctrine de Platon, ainsi rapportée par Sénèque : « Nemo punit quia pecatum est, sed ne peccetur revocari præterita non possunt; futura prohibentur (1). »

(1) « C'est un usage de nostre justice, dit Montaigne, d'en condamner aul

Il faut donc admettre que les peines sont instituées non pour la satisfaction d'une vengeance particulière, impuissante à révoquer le fait accompli, mais en vue d'arrêter par leur effet exemplaire la propagation du crime:

Continuoculpam ferro compesce priusquam

Dira per incautum serpant contagia vulgus.

(VIRG., Georg., III.)

Virgile disait cela des épizooties. Il conseillait en ce cas le sacrifice immédiat du sujet atteint de la maladie, afin de sauver tout le troupeau. Mais il me paraît que sa métaphore était prise de l'usage qui se doit faire du glaive de la justice, dont l'office est de prévenir la contagion du crime par une prompte répression.

La plupart des poëtes s'accordaient, du reste, en ce point que ce n'était pas tant le crime commis que les crimes à venir, c'est-à-dire ceux qui pourraient être commis par imitation, que l'on devait se proposer de réprimer par la punition du coupable. Les extraits que voici sont tous conçus dans

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cuns, pour l'advertissement des aultres. Les condamner parcequ'ils ont failly, ce seroit bestise, comme dict Platon; car ce qui est faict ne se peut desfaire. Mais c'est afin qu'ils ne faillent plus de mesme, et qu'on fuye l'exemple de leur faute. On ne corrige pas celuy qu'on pend on corrige les aultres par luy.» (Essais, III, 8.)

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