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que ces témoignages » ne laissent pas d'être fort curieux, et de mériter une place dans la discussion, comme se rapportant à de vieilles fables germaniques qui, si elles ne sont pas primitivement identiques avec celles du Renart, sont du moins de même nature, et se rattachent de même à des histoires idéales d'animaux " 1).

Du reste il ne faut pas oublier que, dans le Reinhart Fuchs, M. Grimm n'a pas allégué ces témoignages comme preuves de la justesse de sa supposition que les traditions épiques du cycle de Renart fussent déjà répandues parmi les tribus germaniques au temps où celles-ci passèrent le Rhin pour envahir les provinces romaines, comme Fauriel donne à penser 2). Elles ne servent qu'à prouver que le lion, qui fait disparate parmi les animaux indigènes d'Europe, a eu, comme roi, l'ours pour devancier. M. Grimm lui-même déclare formellement que le plus ancien témoignage positif en faveur de la fable de Renart est toujours celui de l'autobiographie de l'abbé Guibert de Nogent, mort en 1124; mais que les récits de Frédégaire, d'Aimoin et de Fromond démontrent qu'il existait parmi les Germains, Francs et Goths, des traditions populaires appartenant au même cycle 3).

1) Histoire Littéraire de la France, tom. XXII, p. 891. Je ne puis m'empêcher de remarquer que l'exposé des témoignages que donne Fauriel à la p. 892, n'est pas très-précis.

2) Ibidem.

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3) , Eltester nachweis der bestimmten fabel von Reinhart und Isangrim ist uns noch immer die bekannte stelle aus abt Wiberts lebensbeschreibung, wogegen sich das allgemeinere vorhandensein einheimischer überlieferungen in diesem kreise, nach dem was Fredegar, Aimoin und Fromund enthalten, gar nicht bezweifeln lässt." Sendschreiben an Lachmann (über Reinhart Fuchs) von Jacob Grimm (Leipzig, 1840), p. 4.

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Ce qui a fait conclure M. Grimm à l'existen la tradition de Renart parmi les Francs dès les ve et vre siècles, ce sont des considérations éty giques sur les noms de Renart et d'Ysengrin, su le premier.

Il part de cette thèse: tous les noms de l'é des animaux étaient primitivement significatifs 1)

Tel acteur du cycle est nommé d'après ses o tés physiques ou morales, comme Brun, Belin, ant, Couart, Chantecler; tel autre porte un d'homme, soit emprunté, dans un but satyrique, personnage réel et historique, comme probable celui de Bernart (et ceux-là sont les moins fréque soit parce que le nom lui-même a une signification tout le monde comprend, et qui le rend applical l'animal à cause de son caractère dans la tradi

Les noms de Renart et d'Ysengrin appartien à cette dernière catégorie.

Renart, Reinhart, est une contraction de Re hart, plus anciennement encore Raginohard, Ra hard, forme qui revient souvent dans les chartes VII, VIIIe et IXe siècles.

En s'attachant surtout à la première partie mot, qui dans toutes les compositions est la importante, il est à remarquer que dans la lan gothique ragin, regin a indubitablement la signif tion de conseil. Dans les dialectes postérieur mot s'efface et ne se rencontre que dans des compo Les raginboron de la Loi Salique en font foi.

1),,Grundsatz ist: keiner (der thiernamen) war ursprüng leer, sondern jeder bedeutsam; nichtssagende benennungen wählen würde dem thierepos unangemessen scheinen." Rein Fuchs, p. CCXXIX.

ginhard devait donc signifier homme de bon conseil, conseiller (rathskundiger, rathgeber).

Or, M. Grimm a colligé 1) les passages des divers poëmes du cycle où apparaît cette attribution de Renart.

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Il devient senator dans l'Isengrimus vs. 522; il porte conseil dans Reinardus Vulpes, I, 178, 679, 692, 736; et Rom. du Renart, vs. 20238, 20360. Le loup lui demande conseil : Roman du Renart vs. 6325, 6340, 6363; il l'appelle même son conseiller au vs. 7796. Ailleurs c'est un vilain qui lui demande conseil, ibid. vs. 15895, ainsi que le moineau, vs. 25182. Le roi le nomme son conseiller, vs. 19714, et même » signor de ses consaus" Nouv. Ren., vs. 7172.

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Mais ce qui surtout est frappant, c'est que dans la 25e branche, il se trouve encore un passage qui, comme un écho lointain des temps où la signification du nom était intelligible pour tous, confirme que l'attribution de conseiller est la raison du nom. On y lit, vs. 15874:

Maint prodome ai-ge decéu
Et maint sage ai abriconé,
Si ai maint bon conseil doné:

Par mon droit non ai non Renart.

La juxtaposition de qualités si diverses prouve que, si la tradition de la signification du nom n'était pas encore tout-à-fait évanouie, le trouvère ne se rendait pas bien compte du vrai sens du mot, parce que maître Renart, par ses faits et gestes, lui apparaissait plutôt comme un trompeur qui

1) Reinhart Fuchs, p XXXIII-XXXIV.

Par son sens toutes decevoit

Les bestes quanqu'il en trovoit 1),

que comme un personnage qui usait de son sens pour donner conseil.

Toujours est-il que M. Grimm est en droit, de dire que le nom de Renart était un nom caractéristique et donné au goupil en connaissance de cause; et il me semble logique d'en tirer la conclusion comme il le fait, que l'attribution ou l'invention de ce nom doit avoir eu lieu à une époque, où la signification du mot ragin était encore généralement comprise. Cela l'amène à la supposition (vermuthung) que la fable du renard et du loup était déjà connue des Francs aux ive, ve et vre siècles, lorsque leur idiome n'était encore soumis à aucune influence du gaulois.

Cette conséquence tirée des considérations étymologiques, Fauriel la trouve encore » plausible, bien que peut-être un peu subtile", mais en fin de compte pas suffisamment autorisée 2).

Avant d'examiner les raisons que Fauriel pouvait alléguer contre le raisonnement de M. Grimm, remarquons que celui-ci attribue au nom d'Ysangrin, Isangrim, le sens de tranchant ou cruel comme le fer ou l'épée; et ce nom serait admirablement trouvé pour exprimer le trait caractéristique du naturel du loup, sa férocité que rien ne peut fléchir 3).

Or, voici le raisonnement de Fauriel qui ne lui permet pas de souscrire entièrement aux conclusions de l'éminent philologue allemand.

1) Branche I, vs. 100.

2) Histoire Littéraire de la France, tom. XXII, p. 892, 893. 3) Reinhart Fuchs, p. CCLII.

>> Le titre de conseiller, dit-il, de personnage de bon conseil, n'exprime guère, dans le Renart actuel, qu'un des traits accessoires, non le fond ni les côtés saillants de son naturel. Celui d'Isengrim va plus mal encore au loup de notre fable, espèce de lourdaud peu fougueux, dont Renart, qui n'est ni fort ni brave, est venu à bout de faire son jouet. Si donc il y eut une époque où ces deux noms convenaient strictement aux deux héros, il faut, ce nous semble, supposer depuis lors un grand changement dans leur caractère et leurs gestes."

Il est vrai que la tradition a subi des changements. Déjà M. Gervinus avait remarqué que les rôles des deux principaux personnages avaient été intervertis, en ce sens que dans les plus anciens poëmes le premier rôle appartient au loup, qui peu  peu a a cédé sa place au renard 1). La même observation a été faite par M. Édélestand du Méril. En lui, dit-il 2), se personnifiait le plus apprécié et le plus réel des mérites du temps, la force; la pensée capitale devait être alors le triomphe, au moins moral, du courage sur la fourberie et la ruse. Mais quand les progrès de l' industrie, l'accroissement de la fortune mobilière et l'amour du bien-être qui en sont la conséquence, eurent rendu la violence plus odieuse que l'astuce, parce qu'elle était plus imminente et qu'il était plus difficile de s'en défendre; quand les relations politiques que multiplièrent et embrouillèrent de plus en plus le développement du système feodal, l' organi

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1) Geschichte der poëtischen National-Literatur der Deutschen, 2e éd., tom. I, p. 138.

2) Poésies inédites du Moyen âge, p. 118-119.

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