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il devait nous raconter comment Renart a » decéu”

Tant baron que n'en sai le conte,

Il est

et il ne nous a donné que deux aventures. évident que le conte par lequel Pierre de Saint-Cloud voulait égayer son auditoire ne peut se terminer ici. Or, cette fin qui manque, peut-elle se retrouver ? Ne se cacherait-elle pas par hasard parmi tant de branches du roman?

Il faudrait que ce fût une branche qui remplît bien des conditions. Il faudrait qu'elle manquât de tête, comme la onzième est dépourvue de queue; qu'elle commençât d'une manière abrupte. Elle devrait ignorer le viol de Hersent commis sous les yeux de son mari, et Ysengrin devrait y être présenté comme l'ami de Renart. De plus, les deux compagnons devraient y essayer de se venger du roi. Tout cela devrait encore être entremêlé de nouvelles aventures dans lesquelles Renart se joue de plusieurs autres » barons." Enfin cette branche devrait rappeler l'esprit, la manière, la diction, la tournure de phrase, le système rhythmique de la onzième.

Eh bien! cette branche elle existe. Dans l'édition de Méon même il y en a une qui remplît toutes les conditions voulues à tel point, que ce qu'il y a de plus étonnant dans tout cela, c'est que jusqu'ici personne ne l'ait signalée.

VIII.

Cette branche, c'est la 30, qui qui a pour titre : C'est la branche de Renart com il fu emperères.

M. Rothe affirme, il est vrai, qu'» il est évident qu'elle est postérieure à la plupart des autres; (qu') elle date probablement du quatorzième siècle, ou tout au plus de la fin du treizième. Le nom de l'auteur est inconnu et il n'y en a aucune trace 1).”

J'espère néanmoins, qu'après avoir pesé les considérations que nous allons développer, on m' accordera qu'il faut réformer cet arrêt.

Le savant Danois avait cependant remarqué que >> c'est une particularité que la vive amitié d' Ysengrin pour Renart" 2) je m'étonne que cela ne l'ait pas mis sur la voie.

Quoi qu'il en soit, commençons toujours par interroger le texte.

Voici le début de la branche, vs. 24345 (tome III, p. 167 de l'édition):

Ce fu en la douce saison

Que cler chantent li osellon

Por le tens qui est nez et purs,
Que Renart ert dedenz les murs

1) Les Romans du Renard examinés, etc., p. 240. 2) Ibidem, p. 241.

De Malpertuis son fort manoir,

Mais moult ot son cuer tristre et noir

Por sa viande qui le lache.
Durement s'estent et s'afaiche,

De fein li dolent li bouel.
Devant lui vit venir Rovel
Son fil qui de fain vet plorant,
Et Hermeline maintenant

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Qui moult par est et simple et coie,
Et Malebranche et Percehaie

Qui moult parfont chiere dolente.

N'i a celui ne se demente,
De lor mère sont moult dolent,
Qui plore de fain durement
Et moult par fist dolente chiere.
Renart li dist:,,Amie chiere,

Por qoi vos voi-je si ateinte?"

,, Sire, fet-el, je sui enceinte, D'enfant ai tot le ventre plein, Mais certes je ai si grant fain,

Que j'en quit perdre mon enfant."

Remarquons que la situation est absolument la même qu'au début de la onzième branche, dans laquelle l'auteur rappelle encore cette situation au commencement de la deuxième aventure 1).

Or la onzième branche se termine d'une manière abrupte par ces mots:

Atant est le conseil remès,
Si vet Renart à son repère,
Et Ysengrin son chier compère

Est retornez à son manoir.

Ici fait Pierres remanoir

Le conte où se volt traveillier,

Et lesse Renart conseillier.

Méon a donné une variante des cinq derniers vers, tirée du manuscrit de La Vallière no. 2718, dans lequel cette branche est la dernière. On y lit:

Et Ysengrin le deputaire
Est venus à son domicile,

1) Voyez ci-dessus, p. 141 et 142.

Sa femme trueve et sa famile.
Ichi fait Perrins remanoir
Le livre de Renart pour voir,
Duquel s'est volus travillier
Ysengrin laist à consillier;
Se par ce meschiet Ysengrin
Li blames en ert sus Perrin.

Sans aucun doute cette conclusion est d'un scribe qui se doutait, à ce qu'il paraît, que la branche était incomplète. Les trois vers qui terminent le texte reçu ne seraient-ils pas également l'œuvre d'un copiste?

D'autre part les cinq premiers vers de la trentième branche ne sont qu'un pâle reflet du début de la onzième. En les retranchant, nous pourrons, sans aucun effort, ressouder les deux parties de l'œuvre lacérée de Pierre de Saint-Cloud.

En effet, qu'est-ce qui nous empêche de lire:

Atant est le conseil remès,

Si vet Renart à son repère,
Et Ysengrin son chier compère
Est retornez son manoir.

Renart ot le cuer tristre et noir
Por sa viande qui le lache.

On voit que le jongleur qui le jongleur qui a séparé les deux parties a gardé le mot manoir du texte de Pierre, et qu'il s'est donné peu de frais d'imagination pour déguiser l'amputation.

Le vers 24351:

Por sa viande qui le lache,

n'a pas de sens si Renart n'a pas quitté Maupertuis: il s'applique parfaitement au chasseur qui revient sans avoir trouvé de pâture pour sa famille aux abois.

Ce qui prouve encore que Renart rentre chez lui,

c'est que le trouvère dit qu'il vit venir son fils audevant de lui:

Devant lui vit venir Rovel,

expression dont l'auteur ne se serait certainement pas servi s'il voulait dépeindre Renart comme n'ayant pas quitté sa maison.

Le commencement de la 30 branche s'adapte donc parfaitement à la fin du fragment qui jusqu'ici a passé pour une branche complète.

Renart trouvant sa famille dans la même détresse se remet en chasse 1).

Bientôt il rencontre de nouveau son compère, qui se montre plein de bienveillance pour lui. Ysengrin l'avertit qu'une bande de vilains est à ses trousses, qui est aussi dangereuse pour son compère que pour luimême. Ils se sauvent ensemble. Ysengrin très-fatigué se couche sous un arbre et s'endort. Renart l'attache à l'arbre et se cache dans un buisson. Un vilain qui vient à passer attaque le loup, qui se défend en désespéré et finit par enfoncer ses dents dans la cuisse de son ennemi qu'il force à prendre la fuite, tout à fait dans la manière de la onzième branche. Pierre de Saint-Cloud aime à introduire des hommes dans ses récits, et à les mettre aux prises avec les animaux. Nous en trouverons encore d'autres exemples dans cette branche.

Renart revient délier sa victime. Ysengrin reconnaissant l'invite à venir dîner chez lui. Il veut retenir son compère pendant quelques jours dans sa demeure (vs. 24573)

1) Je suppose que dans le vs. 24381,

Si s'en issi tot maintenant,

il faut changer issi en rissi, c'est-à-dire r'issi.

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