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sation des Communes et le pouvoir croissant de l'Église, eurent appris les avantages de la finesse, le renard, à qui son intelligence donnait une supériorité marquée sur les autres animaux, fut investi du premier rôle et protesta, par ses succès, contre le train habituel des choses."

On comprend facilement que ce changement de rôle n'est pas resté sans quelque influence sur le caractère d'Ysengrin, et l'on ne s'étonnera pas de le trouver quelquefois le lourdeau dont vient à bout l'astucieux et subtil Renart. Mais le trait principal de son caractère n'a pas été altéré: il reste toujours voleur et vorace, cruel et féroce, et justifie toujours son nom 1).

Quant à Renart, il faut avouer que les idées dominantes des siècles postérieurs qui ont réagi sur la tradition, ont altéré bien plus fortement son caractère. Sa supériorité d'esprit, sa finesse, tourna, sous la main des trouvères, à la ruse et à la perfidie; ou plutôt c'est le mauvais côté de sa nature qu'on met de préférence en évidence 2). Car n'oublions pas que de tout temps l'astuce du renard a été remarquée.

Dans Aimoin (Liv. v, ch. 53) nous lisons cette phrase: >> ad similutidinem dolosae vulpis convertit se ad refugium dolosae fraudis"; et déjà Grégoire de Tours raconte (Livre VIII, chap. 6) que Gunthram voulant infliger une insulte à deux nobles Francs,» multas eis perfidias ac perjuria exprobravit, vocans eos saepius vulpes ingeniosas." Et c'était

1) Encore aujourd'hui, en Hollande, un homme hargneux, difficile à vivre, est qualifié d'Isegrim.

2) Voyez les épithètes colligées par M. Grimm, Reinhart Fuchs, p. XXIX-XXXIII.

certainement une grosse injure, puisque déjà dans la Loi Salique il est dit: »si quis alterum vulpe clamaverit, 120 denarios, qui faciunt solidos 3, culpabilis judicetur" 1).

Les scrupules de Fauriel étaient donc assez peu fondés, et, en fin de compte, ils ne l'ont pas empêché de >> regarder l'idée première du Renart cómme germanique et fort ancienne" 2).

M. Édélestand du Méril, qui, dans l'Histoire de la fable ésopique qu'il a placée en tête d'un curieux volume de Poésies inédites du Moyen âge, a été amené à parler des romans de Renart, ne s'est pas laissé retenir par les mêmes considérations. Néanmoins lui aussi fait ses réserves. » L'ignorance, dit-il, où nous sommes à la fois et de la patrie primitive de ce cycle et des formes particulières à chaque pays, nous empêche de déterminer avec certitude le vrai sens de Reinhart". Il est cependant porté à admettre l'étymologie proposée par M. Grimm, et il convient au moins que » le prénom Renart, Reinardus, Reinhart, indique sinon son origine teutonique, au moins l'influence qu'exerça l'Allemagne sur le développement de ce genre de poésie" 3).

Si le consciencieux savant français ne préconise

1) Lex Salica, tit. XXX, de Conviciis, éd. de Merckel, p. 17. 2) Histoire Littéraire de la France, tom. XXII, p. 893. 3) Poésies inédites du Moyen âge, p. 104-105. Raynouard en rendant compte, dans le Journal des Savants de 1826, de l'édition du Roman du Renart de Méon, donne (p. 337) une étymologie erronnée du nom du principal personnage, mais il paraît se prononcer pour l'origine germanique.

En parlant de la fable de Renart, M. Phil. Chasles a dit: „Elle est si profondément germanique, que l'on en trouve des traces jusqu'au fond du XI et du XII siècle." Études sur les premiers temps du christianisme et sur le moyen âge.

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pas comme indubitable l'origine germanique des mes qui forment le cycle de Renart, il n'est arrivé à des conclusions contraires à l'opinion M. Grimm, dont il s'écarte plutôt par la forme d laquelle il énonce sa pensée que virtuellement.

En résumé, tous les savants éminents qui jusqu se sont occupés des Romans de Renart et dont n avons passé en revue l'opinion, s'accordent sur point essentiel: tous admettent la tradition nation et populaire comme le berceau des poëmes qui form le Roman de Renart.

III.

Depuis, il paraît qu'il s'est fait un revirement d'idées sur ce point, et l'on semble plus porté à soutenir ce que j'appellerais l'opinion française.

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C'est celle qui nie qu'on soit en droit d'attribuer l'origine de ces poëmes à une tradition nationale née spontanément parmi les Germains. Ils dériveraient, au contraire, en ligne directe des apologues grecs et orientaux.

Si je dis que cette opinion s'est manifestée en dernier lieu, je n'oublie pas que déjà Robert, dans son Essai sur les fabulistes qui ont précédé La Fontaine 1), avait dit que l'original français du Roman de Renart n'était qu'une traduction du latin, et que >> le conte latin lui-même, si nous en jugeons par ce que l'on en a extrait, semble avoir été inspiré par la fable composée de Calila et de Dimna."

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Mais ce n'est que comme en passant, sans étude approfondie de la matière, que Robert a énoncé sa manière d'envisager le problème, qui n'était pas encore posé sérieusement. Je m'attache de préférence

1) Il est en tête du premier volume de son ouvrage intitulé: Fables inédites des XII, XIII et XIV siècles, et Fables de la Fontaine, etc.; le passage cité se trouve à la page CXXII.

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aux auteurs qui ont consacré une étude spéciale ce point d'histoire littéraire.

En 1861 M. Ch. Potvin, professeur à l'Unive sité libre de Bruxelles, a publié Le Roman du R nard mis en vers, précédé d'une introduction et d'un bibliographie.

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Dans cette introduction il s'occupe des origine du cycle poétique de Renart. » Le latin dominait dit-il; c'est lui qui servit aux débuts du Renar Non seulement les premiers poèmes du cycle sor en cette langue, mais on retrouve, dans les fabu listes latins antérieurs, les divers épisodes et souver l'idée principale des œuvres du genre nouveau Trois sujets, tout d'abord, se partagent les poètes: L'Isengrimus, complété dans le Reinardus Vulpes. L'œuvre de Pierre de Saint-Cloud. La cour ple nière. Isengrimus? Deux fables des Fabula extravagantes le contiennent presque en entier; Re nardus? Mone le divise en 15 récits, que je retrouv à l'exception de trois dans les fables latines. L branche de Pierre de Saint-Cloud? L'auteur lu même la dit extraite d'un livre latin: Aucupre.... Sauf la Naissance du renard, dont on découvrir peut-être un jour l'origine, les sujets de Pierre d Saint-Cloud se retrouvent dans les poésies latines le Physiologus et les faux Ésopes. Reinaert d

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Vos et la 20 branche de Méon, à leur tour, em pruntent beaucoup aux auteurs latins et s'en réfèren à la connaissance qu'en ont les lecteurs. . . . Toute les autres branches ne sont guères que des imitati des développements de ces trois sujets, qu eux-mêmes se mêlent et se confondent. Une grand partie de ce que les trouvères y ajoutent est du

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