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était passé en proverbe. Crestien de Troyes, dans son Chevalier au lyon, fait dire à Kex, vs. 593: Après mangier, sanz remuer,

Vet chascuns Noradin tuer."

Ce dicton explique les paroles de Renart, et la citation empruntée à Crestien de Troyes montre que le nom de Noureddin ne prouve pas que la 20e branche du Renart a été écrite en 1147. Il en est de même du passage cité de la 13 branche. Halape était un nom géographique qui désignait un endroit éloigné. Je lis de même dans le Renart le nouvel, vs. 2884: Ne cuit mie jusqu'en Halape

Ait nul home qui le vausist.

Sans doute les souvenirs de la deuxième croisade avaient créé cette manière de parler. Je trouve une expression tout à fait analogue dans le Chevalier au lyon de Crestien, vs. 6532:

Mialz volsist estre pris an Perse
Li plus hardiz, antre les Turs,
Que leanz estre.

Au

Ici la Perse doit être prise aussi peu à la lettre que Halape dans la 13 branche du Renart. reste, quand les Musulmans firent-ils des prisonniers devant Alep?

>> Un autre indice d'ancienneté, c'est assurément, selon M. Paulin Paris 1), le rôle que joue, plusieurs fois dans le roman, la Prétresse ou femme de prêtre.” Il le fait remonter au moins jusqu'à la première moitié du XIe siècle.

Il est vrai, dans la 9e branche il est question de la » femme au prestre", vs. 3414, qui est appelée la » prestresse", vs. 3538; mais dans la 20° branche

1) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, p. 387.

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il n'est question que de sa »> >> putain", vs. 10556, 10628, quoique dans le Reinhart, vs. 1701, 1717, elle s'appelle encore » la femme au prêtre" (des pfaffen wîp). L'expression dont se sert l'auteur de la 20e branche 1) semble prouver qu'il écrivit plus tard que ne le pense M. Paulin Paris, qui du reste avoue luimême qu'» on n'insista vivement sur ces défenses [de contracter mariage] qu'à partir de la fin du douzième siècle."

Mais nous savons qu'il y a eu des prêtres mariés même jusque dans le xire siècle 2). Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver, dans la 9e branche, l'expression » la fame au prêtre", qui se retrouve aussi dans la 7°, vs. 2605, 2653, et dans le fabliau du Provoire qui mengea les mores, vs. 62 3), comme dans celui de Constant Duhamel 4) nous trouvons, vs. 762, la » moillier" du prêtre, et vs. 730, 765, >> la prestresse."

Or, ni la 7 branche du Renart, ni ces deux fabliaux ne sont plus anciens que les ouvrages de Pierre de Saint-Cloud.

Il me semble qu'aucune considération bien soutenable plaide en faveur d'une date aussi ancienne que la première moitié du douzième siècle, qu'on pourrait assigner aux poëmes de notre trouvère.

Rien aussi ne semble indiquer qu'ils soient plus modernes que nous le pensons.

Il est vrai, M. Grimm 5) est de l'avis de Méon que le

1) Dans la 28 il est de même question de la ,,putain” du prêtre, vs. 20880, 21057; de sa ,,pute", vs. 21893; elle est appelée ,, la meschine au prestre," vs. 21824.

2) M. Grimm, Reinhart Fuchs, p. CXLII; von Raumer, Geschichte der Hohenstaufen, tom. VI, p. 232 et suiv.

3) Dans Méon, Fabliaux et Contes, tom. I, p. 98.

4) Ibidem, tom. III, p. 319. 5) Reinhart Fuchs, p. CXLI.

Conte Tibaut,

Par qui la terre est maintenue,

dont il est question vs. 16136 de la 25° branche (la première œuvre de Pierre), est » Thibaut, comte Palatin de Champagne et de Brie, né en 1201, et mort en 1253". Mais pour quelle raison faudrait-il penser plutôt à celui-là qu'à ce Thibaut, comte de Champagne ou de Troyes, qui, en 1197, succéda à son frère mort en Syrie, et qui lui-même, à l'âge de 25 ans, mourut en 1201? La dernière supposition me paraît plus fondée 1): elle prouverait que nous ne nous sommes pas trompé sur la date de ce poëme, qui doit tomber de 1197 à 1199.

Je crois avoir répondu à toutes les objections possibles, et j'ose poser en fait que Pierre de Saint-Cloud a écrit les poëmes que nous avons révendiqués comme sa propriété, de 1200 à 1209.

1) Lorsque, dans la branche 20, Pierre, ou postérieur, fait dire à Renart, vs. 11751:

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un arrangeur

c'est une allusion à Tiebaut l'esclavon" ou Tiebaut d'Orange", l'ennemi acharné de Guillaume au cort-nez et de la religion chrétienne, qui est souvent mentionné dans les chansons de geste concernant Guillaume d'Orange. Voyez mon édition tom. II, p. 15 et suiv., 76.

Je retrouve une allusion au même personnage dans le Roman d'Erec de Crestien de Troyes, vs. 5730:

Se fust Thiebauz li esclavons.

XXV.

Il nous reste à dire peu de chose des autres branches du roman. La différence de style entre celles-ci et celles que nous croyons devoir attribuer à Pierre de Saint-Cloud est plus qu'évidente. Toutes elles me semblent présenter une rédaction remaniée.

Les différents poëmes qui forment ce qu'on est convenu d'appeler le Roman de Renart, se trouvent réunis, d'une manière plus ou moins complète, dans plusieurs manuscrits. L'ordre dans lequel ils se suivent n'est pas partout le même. On connaît onze

manuscrits, qui, pour la plupart, par de grandes lettres majuscules enluminées ou par des rubriques, divisent les branches en certains groupes. Il n'y a que le n°. 7607 de la Bibliothèque Impériale de Paris, qui ne connaisse pas ces divisions; mais le compilateur de ce volume ne cherchait pas seulement à donner une collection aussi complète que possible, il y a de plus introduit un classement nouveau, sans tenir compte de l'ordre observé dans les collections partielles. Huit manuscrits commencent par les branches 20-21-22, qui forment le premier groupe. Deux débutent par les premières aventures du Reinhart 1), précédées du prologue que forment les 22 (ou

1) Le ms. 195 C de la Bibliothèque de l'Arsenal, et celui du duc d'Aumale.

20) premiers vers de l'édition de Méon. De cette

manière :

Prologue, br. 5, 6, 7, 15, 14-5, 19.

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Dans cinq autres manuscrits les mêmes branches se suivent, mais on y a intercalé par-ci par-là une autre aventure. P. e. le no. 1980: Prol., br. 5, 6, 15 (deux fragments des br. 13 et 18), 19. No. 7607-5: Prol., br. 5, 6, 7, (25), 1-5, etc. Les branches 2, 3, 4 forment aussi un groupe à part dans six manuscrits: elles manquent dans deux autres.

Quant à la première branche de Méon, elle peut se diviser en plusieurs parties.

I, prologue, vs. 1-22; II, la naissance de Renard et d' Ysengrin, vs. 23-240; III, les bacons volės, vs. 241-336; IV, l'adultère d'Hersent, vs. 337-530; V, le viol, vs. 531-748.

La branche complète ne se trouve que dans les compilations les plus modernes: le ms. 7607 et les deux manuscrits de La Vallière 2717 et 2718.

Le prologue détaché du reste se trouve dans six manuscrits, ce sont les nos. 2, 3, 4, 6, 7 (numéros de M. Rothe), et celui du Duc d'Aumale.

Dans deux manuscrits toute la branche, sauf le prologue, manque, ce sont les nos. 3 et 4.

Trois manuscrits, nos. 2, 6 et 7, ne contiennent que les deux dernières parties de la branche, la deuxième et troisième partie en sont absentes.

Le manuscrit no. 5, contient les parties 1-3, qui se suivent, mais les deux dernières aventures y manquent.

Le manuscrit du Vatican contient les parties 1-3 dans un endroit, et donne beaucoup plus loin les parties 4-5.

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