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explication donnera-t-on de ces paroles de Renart luimême, br. 25e vs. 15876:

Si ai maint bon conseil doné:

Par mon droit non ai non Renart?

Après ces conclusions, il faut bien se demander: qu'est-ce qui a porté M. Paulin Paris à se former une opinion si peu soutenable? Et je ne vois qu'un motif possible, c'est le patriotisme. C'est une belle chose que l'amour de la patrie, mais il faut se tenir en garde contre l'exagération des meilleurs sentiments, surtout quand cette exagération tend à fausser notre jugement.

M. Paris a cru la gloire littéraire de la France menacée: il a pensé que M. Grimm préconisait l'antériorité des poëmes allemands ou flamands sur le roman français, et il s'est inscrit en faux contre cette prétention.

>> Trois grandes compositions, dit-il 1), parvenues jusqu'à nous, ont partagé la critique moderne, qui tour à tour a réclamé pour chacune d'elles le mérite de l'antériorité. C'est le Renart françois, le Reinardus Vulpes latin et le Reineke fuchs flamand ou allemand."

Si jusqu'ici la critique a balancé entre ces trois compositions avant d'en saluer l'une comme l'avantcoureur des autres, M. Paris ne partage pas cette incertitude: >> c'est un poëte français à qui l'on doit l'invention de la guerre de Renart et d'Ysengrin” 2).

>> Il s'en faut de beaucoup peut-être qu'on ait conservé tous les récits qui pouvoient entrer dans le

1) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, à la suite de Les aventures de maître Renart, etc. p. 327.

2) Ibidem, p. 329–330.

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cycle de Renart : . . . . [quelques-uns] ont pu de France, où on les jugeoit indignes d'entrer dans le Recueil ordinaire, passer en Allemagne et dans les Pays-Bas, où l'on se seroit empressé de les traduire et de les imiter. Voilà toute la concession que nous puissions, à la grande rigueur, faire à M. Grimm. Quant à ces aventures particulières, recueillies par le Reineck, le Reinart et le Reinardus, on peut assurer qu'elles n'ont pas le cachet de l'esprit françois. Jamais je ne croirai qu'un de nos trouvères ait imaginé de faire mourir Ysengrin, torturé, broyé, par une truie, abbesse d'un couvent de porcs de tous les âges; que Renart ait évité le supplice, non plus en prenant la croix et le blanc manteau, mais en révélant à Noble le lion la place du trésor du roi Emmeric, et en accusant sottement de trahison son père défunt et tous ses meilleurs amis; nous ne prétendons rien à de telles imaginations, velut agri somnia, et nous les abandonnons de grand cœur aux moines, aux poëtes flamans ou allemans qui les ont recueillies.

>>> C'est le beau privilége de la littérature françoise du moyen âge, de n'avoir traduit ou imité que des ouvrages latins; tellement qu'on auroit grande peine à citer un seul de nos trouvères qui ait, avant le quinzième siècle, emprunté la moindre chose aux muses flamandes, allemandes etc. De la France, au contraire, le flot littéraire fécondoit toute l'Europe; et chaque nouvelle étude dans les domaines du moyen âge constate mieux cette vérité, que M. J. Grimm lui-même est bien près de reconnoître" 1).

1) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, à la suite de Les aventures de maître Renart, p. 354–355.

ne connurent de

>> Les imitateurs étrangers notre Renart que la grande branche du Jugement. L'œuvre de Pierre de Saint-Cloud, si remarquable d'invention et de style, les branches de Chantecler, la vengeance de Drouineau, les épisodes de Primaut et de Tybert furent toujours pour eux lettre close. Au lieu de remplir les vides que laissoit le Jugement avec d'aussi charmantes compositions, ils essayèrent d'inventer à leur tour: je ne veux pas abuser de nos avantages, mais Dieu sait ce qu'ils imaginèrent” 1).

On le voit, M. Paris rabaisse autant qu'il peut les poëtes flamands et allemands au profit des trouvères français; nous verrons bientôt de quel droit. Mais ce qui mérite tout d'abord notre attention, c'est que M. Paris attribue à M. Grimm des choses fort étranges. L'éminent philologue serait bien près de reconnaître que, pendant le moyen âge, les poëtes allemands et flamands ont traduit ou imité des ouvrages français, et que le contraire n'a pas eu lieu. Sur ce point je répondrai simplement à M. Paris que tous ceux qui, en Allemagne et aux Pays-Bas, s'occupent de l'étude du moyen âge et l'on ne contestera pas à M. Grimm la première place parmi les médiévistes ne sont pas bien près de reconnaître ce fait; mais que tous le proclament comme une vérité incontestable, dont jamais personne n'a douté. Pour s'en convaincre M. Paris n'a qu'à feuilleter le premier manuel voulu, allemand, flamand ou hollandais, qui traite cette matière. Cependant M. Grimm prétendrait encore que pour le Roman de Renart ce sont les trouvères de la France qui ont imité des compositions étrangères; enfin il a eu l'idée de sou

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1) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, à la suite de Les aventures de maître Renart, p. 356–357.

tenir que le modèle des imitations allemandes étoit perdu." Si Méon, dans son édition du Roman de Renart eût préféré une autre disposition des branches, en donnant, comme plusieurs manuscrits, la première place au Jugement, M. Grimm n'eût peutêtre pas eu cette idée bizarre 1).

Je n'ose presque pas dire toute ma pensée sur les reproches adressés à M. Grimm par M. Paulin Paris, qui ne s'est formé une opinion qu' » après avoir lu et relu les différens textes de Renart, et les dissertations dont ces textes ont été l'occasion").

Cependant le grand poids qu' en France doit avoir l'opinion de M. Paris, la circonstance que sa dissertation a été lue à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, me forcent à dire la vérité avec la plus grande franchise, puisque c'est le seul moyen de combattre avec succès une opinion erronnée signée d'un tel nom, émise sous un tel patronage.

Eh bien, la vérité est que M. Paulin Paris s'est attaqué à des moulins à vent. Jamais M. J. Grimm n'a eu les idées qu'on lui prête sur la formation des poëmes français. Ceci est le point capital, qui doit ébranler la clef de voûte du système de M. Paris. Ce point, nous allons d'abord le mettre en lumière, pour discuter plus tard la question de la disparition des modèles qui ont servi aux imitations allemandes. Or voici comment M. Grimm s'exprime sur les questions que M. Paris lui fait résoudre si étrangement.

Par rapport au Reinhart allemand, »il saute aux yeux, dit il 3), que la source où est puisé le plus

1) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, p. 356.

2) Ibidem, p. 323-324.

3) Reinhart Fuchs, p. CVIII: „Es fällt in die augen, dass die quelle des ersten deutschen ein französisches gedicht war."

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ancien poëme allemand, fut un ouvrage français. Quant à l'auteur du Reinaert flamand, »il affirm lui-même qu'il a traduit du français" 1). - » D'aprè ses propres paroles, l'auteur puisa, à la prière d'un dame, qu'il ne nomme pas, à une source française" 2

D'ailleurs, »> non-seulement la multitude des nom d'animaux place le poëme français au premier rang il faut aussi le lui concéder parce qu'il est la bas sur laquelle sont fondés les ouvrages allemands e flamands" 3).

Enfin voici quelques considérations plus générales >> Considérés dans leur ensemble, les poëmes latins allemands et flamands sont surpassés par le roman fran çais, non-seulement quant à la multitude des fables, mai encore par rapport à certains détails remarquables "4)

>> De toutes nos investigations il résulte qu'au xI siècle la tradition de Renart eut le développement 1 plus ample et le plus animé dans le Nord de 1 France et dans les Pays-Bas; les poëmes français e sont la source la plus riche et la plus limpide "5)

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1) Reinhart Fuchs, p. CLI: Er versichert selbst, aus der französischen verdeutscht zu haben."

2) Ibidem, p. CLVI:,,Willem schöpfte, auf bitten einer frau derer namen er verschweigt, eingeständig aus französischer quelle. M. Willems a voulu prouver, il est vrai, que la 20e branche d Renart français était une traduction du Reinaert flamand (Reinaer de Vos, inleiding, p. XLII), mais, dès 1856, je crois avoir prouv à l'évidence que le poëme flamand est une imitation, Souver libre, de la branche française; voyez l' introduction de mon Reinaer p. XLVII-CXXV.

3) Ibidem, p. CCXXVIII: „Aber nicht bloss die vielheit de thiernamen verleiht der französischen dichtung einen vorzug, auc deshalb ist er ihr einzuräumen, weil die deutschen und nieder ländischen bearbeitungen auf ihr als einer grundlage ruhen."

4) Ibidem, p. CXXXIX: „Allgemein betrachtet wird die la teinische, deutsche und niederländische dichtung an menge de fabeln, wie an einzelnen treffenden zügen von der französische überboten."

5) Ibidem, p. CXVI:,,Alle unsere untersuchungen stelle

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