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Raynouard et Fauriel, qui ont maintenu et propagé bien des erreurs du » citoyen" Legrand.

En 1826 Méon donna son édition en quatre volumes, qui, en 1835, fut suivie d'un Supplément avec >> variantes et corrections", publié par M. P. Chabaille.

Le livre de Méon est fait aussi bien qu'il était possible à cette époque, mais c'est plutôt un livre destiné aux gens du monde qu'un document qui puisse servir de base à des recherches scientifiques.

que

Le travail de M. Chabaille pouvait en effet suppléer à ce que le texte de Méon laissait à désirer. Et il l'a fait dans une certaine mesure. Les pièces jusque-là inédites publiées par M. Chabaille, ainsi que les variantes recueillies sur quinze manuscrits, auxquelles il faut ajouter les corrections la comparaison du texte imprimé avec le manuscrit a fournies, sont de précieux éléments pour la critique. Malheureusement le point de vue auquel s'est placé M. Chabaille, devait nécessairement laisser son travail incomplet. Quant aux variantes, » celles qui ne pouvoient servir à modifier, développer ou éclaircir le texte ont été écartées" 1). En cela il a agi sagement; mais le choix qui a été fait, fut, à ce qu'il paraît, assez restreint. Bien des passages du texte de Méon suscitent des doutes que les variantes ne lèvent pas; et cependant il n'est pas présumable que dans ces cas tous les manuscrits soient d'accord avec celui qui a servi de base à l'édition de Méon. Les corrections aussi, sont fort incomplètes: la nouvelle liste que nous en donnerons à la fin de ce travail, le prouvera.

1) Supplément, p. XXI.

Malgré les lacunes qu'elle contient, la publication de M. Chabaille nous a été d'un grand secours pour notre étude.

L'édition de Méon donna lieu à deux articles de Raynouard, insérés dans le Journal des Savants de Juin 1826, p. 334-345, et d'Octobre 1827 p. 604-614. Ces articles, il faut bien l'avouer ne tiennent pas ce que promettait le nom célèbre de leur auteur.

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Une ère nouvelle pour l'étude du Roman de Renart fut inaugurée par la critique étrangère, lorsque, en 1834, M. Jacob Grimm publia, à Berlin, son livre admirable intitulé: Reinhart Fuchs. Dans le sixième

chapitre de son introduction, p. CXV-CXLVIII, et dans une partie du dixième, p. cxcv-ccIV, M. Grimm s'est occupé spécialement du Renart français; mais toute sa dissertation, aussi savante qu'ingénieuse, mérite l'attention la plus soutenue de quiconque veut se rendre compte de la formation, des développements de la légende de Renart. Qui n'a pas étudié à fond ce livre, ne peut avoir voix au chapitre.

En 1840 M. Grimm, ayant trouvé des fragments d'un texte plus ancien du vieux Reinhart allemand, publia une suite au livre précédent, intitulé: Sendschreiben an Karl Lachmann über Reinhart Fuchs.

Après lui vint M. A. Rothe, le savant professeur de l'Académie Royale danoise de Soroe, qui, en 1845, publia une étude consciencieuse sous ce titre : Les Romans du Renard examinés, analysés et comparés. précédés de renseignements généraux et accompagnés de notes et d'éclaircissements philologiques et littéraires.

La plus grande partie de cette œuvre méritoire

est consacrée au Renart français, dont les diverses branches y sont analysées et jugées avec une grande liberté d'esprit.

Les philologues français, de leur côté, ne laissèrent pas dormir la question. Fauriel, le brillant auteur de l'Histoire de la Littérature Provençale, écrivit pour le XXIIe volume de l'Histoire Littéraire de la France, publié en 1852, une excellente étude sur le Roman du Renart, p. 889-946, que sa connaissance de l'allemand rend d'autant plus précieuse, qu'elle lui a qu'elle lui a permis de discuter les opinions de M. Grimm au point de vue français. C'est lui qui le premier a abordé la question des rapports entre la rédaction actuelle du roman et les textes qui l'ont précédée.

En 1854 l'infatigable et savant M. Édélestand du Méril publia un volume de » Poésies inédites du Moyen Age, précédées d'une histoire de la fable ésopique", dans laquelle il parle longuement (p. 102-131) des poëmes de Renart.

En publiant, en 1856, une nouvelle édition du Reinaert flamand, qui est en grande partie une imitation de la vingtième branche française, je fus moimême conduit à parler de celle-ci, et naturellement aussi de la date de sa composition. J'avais donc eu déjà l'occasion d'étudier les questions que soulève le Renart français; et si cette étude n'avait pas amené une solution que je puis regarder encore aujourd'hui comme satisfaisante, elle avait redoublé l'intérêt que depuis longtemps je portais à ce sujet.

Toutes ces recherches, faites à des points de vue divers, par tant de savants, devaient, selon toute apparence, avoir mis en lumière tout ce qu'il est possible de savoir sur l'origine et la formation des 32

branches du Roman de Renart. Il y avait bien encore des points obscurs, la date de ces poëmes n'était pas fixée, les noms de leurs auteurs restaient inconnus, à un seul près, celui de Pierre de Saint-Cloud, à qui l'on attribuait des branches que probablement il n'avait jamais composées; en un mot l'histoire de ce monument curieux de la vieille littérature française laissait encore beaucoup à désirer. Mais Fauriel

s'était posé ces questions: >> Comment en découvrir l'origine? comment en suivre la marche, les développements, les variations et la décadence?" Et il y avait donné cette réponse, sur laquelle tout le monde semblait d'accord: >> De telles questions, prises à la rigueur et dans leur intégrité, seraient impossibles à résoudre aujourd'hui; peut-être est-ce trop présumer de croire que l'on puisse encore en étudier avec fruit, et avec un certain intérêt, quelques points détachés." 1).

On en était là, lorsque, en 1861, parurent deux traductions du Renart en français moderne. L'une, en vers, de M. Ch. Potvin, précédée d'une introduction où il est question de l'origine de l'ancien poëme; l'autre, en prose, due à la plume élégante de M. Paulin Paris, et qui l'a fait suivre d'une » Nouvelle Étude sur le Roman de Renart", sous forme d'une notice lue à l'Académie des Inscriptions et BellesLettres, dans la séance du 25 Novembre 1860.

On comprendra facilement que lorsque le livre de M. Paris eut trouvé son chemin jusqu'à l'ultima Thulé de ma résidence, ce qui n'eut lieu qu'assez tard, la Nouvelle Étude excita vivement ma curiosité. Le titre même de sa dissertation, nouvelle étude,

1) Histoire Littéraire de la France, tom. XXII, p. 903.

semblait dire que M. Paulin Paris, plus hardi ou plus heureux que ses devanciers, avait attaqué avec succès les questions qui jusque-là étaient restées sans solution. Son titre était tout une promesse, et le nom si justement illustre du savant auteur faisait présumer, sinon une solution complète de tous les points douteux, du moins une lumière nouvelle parmi tant de ténèbres.

Cependant mon attente fut déçue. La notice de M. Paris, quelque ingénieuse qu'elle soit, n'a pas fait avancer la question d'origine d'un seul pas: si j'ose dire toute ma pensée, elle l'a plutôt fait rétrograder.

Il est vrai, M. Paris ne se range pas à l'opinion reçue, et il s'évertue surtout à combattre le système de M. Grimm, mais les conclusions auxquelles il est arrivé ne satisferont, je le crains, personne, parce qu'il leur manque une base solide. Les vues du savant académicien sont neuves, mais toutes personnelles elles n'ont que la valeur de conjectures, d'hypothèses plus ou moins ingénieuses, et encore, minées au flambeau de la critique elles s'évanouissent.

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Le nom de M. Paulin Paris, sa haute position scientifique, le patronage sous lequel il a placé sa dissertation, donnent à son œuvre un dangereux prestige. C'est pourquoi j'ai cru obéir à un devoir en examinant son système, en le réfutant dans la mesure de mes forces.

Dans cette intention je me suis remis à étudier les textes et leurs commentaires : les textes surtout. Le résultat de ce travail a été une découverte dont j'ai été étonné moi-même, et qui, si elle résiste, comme je l'espère, au creuset de la critique, fera envisager le Roman de Renart sous une lumière nouvelle.

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