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le vilain qui, à la suite d'une convention, le lui livre. La branche 11e raconte donc l'histoire autrement que le récit auquel fait allusion l'auteur de l'Alixandre.

Maintenant voyons la cinquième branche. Elle aussi raconte la mésaventure de Chantecler, mais avec de tout autres détails. Renart persuade à Chantecler qu'ils sont cousins germains. Il s'étend en louanges sur Chanteclin, le père de Chantecler, qui savait chanter comme nul coq avant lui; et en chantant il fermait les yeux. Puis vient une scène que nous transcrirons puisqu'elle contient les détails mentionnés dans le Roman d'Alixandre. Vs. 1571: Dist Chanteclers: ,, Renart, cosin, Volez me prendre par engin."

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Les eulz cligniez, par grant aïr.
Lors ne volt plus Renars soffrir,
Par de desus un rouge chol

Le prent Renars parmi le col.

En retrouvant dans cette branche tous les détails indiqués dans le Roman d'Alixandre, on pourrait croire que nous avons sous les yeux le poëme auquel il fait allusion. Remarquons cependant, qu'ici non plus, le coq n'est appelé le gal1), mais toujours le coc. Ensuite, n'oublions pas que cette partie de l'Alixandre, écrite dans la première moitié du douzième siècle, suppose un poëme remontant, pour le moins, aux premières années de ce siècle. Or le langage, la manière prolixe de raconter de la 5o branche rappellent absolument la manière de Chrestien de Troies et de ses contemporains: on n'écrivait pas ainsi vers l'an 1100.

Si cela nous ramène nécessairement vers une composition plus ancienne, le texte de cette branche y renvoie de même.

Lorsque le poëte commence à raconter le songe du coq, il se réclame d'une autorité pour faire admettre cette chose incroyable. Vs. 1381:

Commença li cos à songier:
Ne m'en tenez à mençongier
Que il songa, ce est la voire,

Trover le poez en l'estoire.

Cette histoire c'était une estoire escrite, comme nous l'apprend l'auteur de la onzième branche, qui

1) Le mot gal, ou commençait à tomber en désuétude vers la fin du XIIe siècle, ou n'était pas en usage dans l'Artois: je ne l'ai trouvé que dans la Chronique des Ducs de Normandie, composée peu après 1160 et publiée par M. Francisque Michel, où je lis, tom. I, p. 566:

Ainceis que li gal fust chantant

Vindrent à Corci dreit errant.

s'y rapporte de même. Le vilain dans la ferme duquel la scène se passe était un vilain riche d'avoir; la rédaction primitive le disait; vs. 4938:

Que si li livres nos dit voir,

Où je trove l'estoire escrite,
De ci à Troie la petite

N'ot un vilain si aaisié.

Cette ancienne rédaction est perdue; mais nous possédons une traduction allemande d'un poëme français contenant l'histoire de la mésavanture de Chantecler, et qui certainement était plus ancien que les deux branches que Méon a publiées. Cherchons donc à déterminer si cette traduction ne représente pas le modèle reproduit, remanié dans ces branches.

En vieil allemand il y a un poëme de Renart dont l'auteur est un trouvère de l'Alsace, du nom de Heinrich der Glichesære. Ce poëte a travaillé sur un texte français. Cela est hors de doute, puisque les noms de plusieurs de ses personnages, comme Bertin, Hersant, Schantekler, Pinte, sont des noms français; puisque dans Uebelloch on reconnaît la traduction exacte de Malpertuis, le repaire de Renart; puisque les appellatifs villân, cous et bordúz sont empruntés à la langue romane.

C'est l'opinion de M. Grimm1). Personne n'a prétendu le contraire, et je crois pouvoir alléguer un nouvel argument en faveur de cette opinion.

Lorsque, dans cette partie du Reinhart qui correspond à la première moitié de la 20e branche française, le lièvre gagne la fièvre en voyant la fureur du roi, le poëte allemand dit, vs. 1481:

Der hase sach des künges zorn;

1) Reinhart Fuchs, p. CVIII; Sendschreiben an Karl Lachmann, p. 64.

Dô wand der zage sîn verlorn,

Daz ist noch der hasen site.

Or si cela n'est pas dénué de sens, parce que dans toutes les langues le lièvre est l'emblème de la peur, le jeu de mots n'est tout à fait naturel qu'en français.

Couart vit la colère du roi

Et le poltron se crut perdu:

C'est encore l'habitude des couards.

M. Rothe aussi est d'avis que le poëte allemand » connaissant infailliblement un poëme antérieur de Renart en français, et profitant de cette connaissance, a composé le premier un poëme de Reinhart dans l'ancienne langue allemande" 1). Et Fauriel de son côté n'hésitait pas à déclarer que, >> sauf deux exceptions, le Reinhart, tel qu'il nous reste, doit être considéré au fond et dans son ensemble comme l'imitation expresse d'un original français. Cet original sans doute n'existe plus; mais tels en sont, ou pour mieux dire tels durent en être les rapports avec le Renart allemand, que celui-ci peut nous en représenter jusqu'à un certain point la substance et la suite”2).

M. Grimm place l'origine du poëme allemand dans le deuxième ou tout au plus le troisième quart du Xe siècle3). Le modèle qu'il traduisait doit donc nécessairement remonter au moins vers les premières années de ce siècle ou même vers la fin du onzième 1). Et réellement nous avons vu que vers 1112 la fable de Renart était fort populaire à Laon et aux environs, témoin le récit de Guibert de Nogent, témoin l'auteur de l'Alixandre qui y fait allusion.

1) Les Romans du Renard examinés, etc. p. 61.
2) Histoire Littéraire de la France, tom. XXII, p. 905.
3) Reinhart Fuchs, p. CCLV; comp. p. CIX.

4) Comp. M. Grimm, Sendschreiben an Karl Lachmann, p. 6.

Arrêtons-nous un moment au Reinhart allemand, et tâchons de nous rendre compte des conclusions qu'on en peut tirer par rapport à son modèle français.

Fauriel a déjà fait la remarque fort juste, que

>> les rédactions allemandes du Renart sont d'une importance capitale pour l'histoire générale de la fable"1). Il a fait un fréquent usage du livre admirable de M. Grimm dans l'étude sur le Renart qu'il a publiée dans l'Histoire Littéraire de la France; mais d'un côté il n'a donné qu'un extrait assez superficiel d'une petite partie du texte publié par M. Grimm, et d'autre part il ne s'est pas préservé de certaines erreurs qu'il faut absolument relever.

Selon lui, le texte primitif de Glichesære serait perdu aujourd'hui. » Un autre poëte allemand s'empara un peu plus tard de ce texte, pour le remanier selon son caprice." Cependant, »d'après ce qu'il dit lui-même de son œuvre, il y a tout lieu de croire qu'il ne changea rien au fond ni au plan de la fable, se bornant à resserrer habituellement par des suppressions le texte de son auteur, sauf à le développer aussi parfois là où il le jugeait convenable. Depuis la publication de ce texte retouché de Glichesære M. Grimm a trouvé et publié un fragment d'une autre rédaction, qui est en haut allemand, et qui lui a paru plus ancienne; il en place le manuscrit à la fin du xire siècle, ou vers les commencements du XIII. Si ce fragment appartient à l'ouvrage perdu de Glichesære ou à quelque autre, c'est un point que l'éditeur laisse dans l'incertitude. Il ne dit rien non plus de l'époque où l'on peut en supposer la rédaction ❞ 2).

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1) Histoire Littéraire de la France, tom. XII, p. 899. 2) Ibidem.

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