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avait recommandé. Elle prit un peu de fumier sous son pied, et descendant de branche en branche, elle le laissa tomber sur sa bouche. Alors elle s' aperçut bientôt de la scélératesse de son compère, qui tenait ses dents prêtes, et happa le fumier. Sa commère lui échappa. Il s'était donné beaucoup de peine pour un pauvre dîner. Il en fut chagrin et dit: » Seigneur, comment cela se fait-il qu'un petit oiseau m'ait trompé ! Cela me fait de la peine, je l'avoue."

III, vs. 217–284. Renart était plein de finesse, mais aujourd'hui il n'a pas de bonheur: rien ne lui réussit. Sur un point élevé il remarqua un corbeau, appelé Tiecelin, qui, par ruse, s'était rendu maître d'un frais fromage. Il lui envia qu'il en mangerait sans lui. Il se mit à employer toutes ses ruses pour le lui enlever par un fin mensonge. Renart se tenait sous l'arbre sur lequel le corbeau mengeait le fromage. Il dit: » Est-ce toi Tiecelin? Ton cousin se réjouit de te rencontrer: il ne pouvait m'arriver rien de plus agréable. Je serais bien aise de t'entendre chanter à la manière de ton père. Celuilà chantait à ravir."

Tiecelin répondit: »Je ne dis pas de mal de mon père, mais je te jure qu'aucun de mes aïeux ne chanta mieux que moi, et je m'en réjouis." Il commença à chanter à pleine voix, de manière à ce que toute la forêt en retentît.

Renart renouvela sa prière pour qu'il chantât encore. En entonnant sa chanson, le corbeau oublia le fromage qu'il tenait sur la branche. Renart ne douta pas qu'il n'eût enfin son dîner, car le fromage tomba devant sa bouche.

Or entendez comment Renart, le mauvais traître,

>>

chercha la mort de son cousin, et encore sans que la nécessité l'y poussa. Il dit: » Écoute, Tiecelin, aide-moi, mon cher cousin. Hélas! tu ne connais pas mon malheur: ce matin je fus blessé. Ce fromage est trop près de moi: il a une odeur trop forte. J'ai peur qu'elle ne soit nuisible à ma blessure. Mon cher cousin aide-moi. Ton père me fut toujours affectionné, et j'entends dire que l'eau [du baptême] ne détruit pas la parenté. Ton cousin va mourir, et tu es en état de le sauver. Cette puanteur me fait bien mal." Le corbeau descendit aussitôt vers celui qui allait le tromper. Par amitié il voulut le tirer de sa peine, et par là il se mit en danger de mort. Renart commença à soupirer. Le corbeau voulut retirer le fromage: il pensa que Renart lui en saurait gré. Celui-ci sauta soudain sur ses pieds, sans qu'il parut blessé, et il montra son amitié à son cousin. Il n'avait cependant aucune raison pour lui faire du mal. Il lui arracha plusieurs plumes 1) et le malheureux ne s'échappa qu'avec peine. Renart était par trop roux (ze rôt) envers son cousin.

IV, vs. 285-312. Renart voulut dîner, lorsque, à son grand chagrin, survint un chasseur avec de bons chiens. Il en mit quatre à sa piste, qui l'eurent bientôt trouvé. Il dut laisser son dîner qui revenait de droit à son cousin.

Les chiens se ruèrent sur lui. Ce que son cousin put faire pour lui causer du mal, il le fit. Il cria après lui de toutes ses forces, car il était exaspéré :

vier

1) Le texte porte: vil..... der vedern. Faut-il peut-être lire: der vedern? La branche française porte, vs. 7343:

.....

Et neporqant qatre des pennes

L'en remestrent entre les quennes.

» Ce qu'un voisin fait pour l'autre est souvent rémunéré, à ce que l'on dit; cousin, cela t'est arrivé.”

Renart courait pour se dérober aux chiens. Pendant ce temps le corbeau ne dormait pas: il montra aux chiens la queue (la piste) de Renart. Une plus grande déconfiture n'eût pu lui arriver. Les chiens se mirent à lui arracher le poil: le chasseur à le piquer. Il eut besoin de toutes ses ruses. Il avisa un tronc d'arbre gisant par terre: il se jeta dessous. Plusieurs chiens sautèrent par-dessus, et le chasseur se rua derrière eux.

Renart s'échappa dans la forêt.

V, vs. 313–384. Il rencontra Tybert. Renart l'embrassa: >> Cousin, sois mille fois le bienvenu : je suis bien aise de te voir en bonne santé. On m'a beaucoup vanté ton agilité: tu devrais bien me la montrer. Si c'est vrai, je la proclamerai." Tybert répondit: » Cousin Renart, je suis content qu'on t'ait dit du bien de moi: je suis tout à ton service."

Renart agit en traître: il le dirigea vers une trappe au haut d'un sentier étroit (quelle mauvaise parenté!), et dit: >> Montre-moi ton savoir-faire; cours, mon cher cousin!"

Tybert connaissait la trappe, et dit: » Que saint Gal me protége contre les mauvaises intentions de Renart!" Il sauta par-dessus la trappe et courut de toutes ses forces. Lorsqu'il revint, Renart lui dit: >> Jamais animal ne fut plus agile que toi, cher cousin. Je veux te donner un bon conseil. Abstiens-toi de ces grands sauts: tu pourrais bien perdre la vie si un chien dressé au combat t'attaquait. Je connais de tels camarades."

Tybert répondit: »Tu n'es pas encore en droit

de préconiser mon agilité: cours après moi, et je te montrerai de nobles sauts, sur ma parole." L'un voulait tromper l'autre. Renart courut après son cousin, qui ne se hâta pas. Tybert sauta par-dessus la trappe et s'arrêta court. Il se heurta contre son cousin, dont le pied cela n'était pas injuste

se trouva pris dans le piége.

Tybert prit congé de lui: il le recommanda à Lucifer et se sauva à toutes jambes.

Renart resta en grand danger: il pensait sûrement mourir de malemort. Lorsqu'il vit venir le chasseur qui avait posé la trappe, il eut bien besoin de ruse. Il laissa pendre sa tête sur la trappe. Le vilain se hâta, car la gorge de l'animal était blanche comme la neige: il pensa qu'il en aurait au moins cinq escalins. Il souleva sa hache et donna un coup de toutes ses forces. Renart ne pouvait s'enfuir: il retira la tête, et il le fit à temps.

Le vilain frappa si fort qu'il mit la trappe en pièces. Rien d'aussi agréable n'arriva jamais à Renart. Il croyait avoir perdu la vie, et l'on avait déjà évalué sa peau à cinq escalins. Renart n'attendit pas: il quitta l'hôtel qui lui parut peu commode. Le vilain eut un air piteux: il se dit des injures à lui-même, et il dut payer le dégât de ses deniers.

VI, vs. 385-448. Quand Renart se fut tiré de ce mauvais pas, il rencontra bientôt Ysengrin. Entendez ce qu'il dit aussitôt qu'il l'aperçut. » Que Dieu vous donne le bonjour, seigneur! Commandez, et si je puis vous rendre service, à vous ou à ma dame, vous pouvez y compter. Je suis venu ici pour vous avertir, car j'ai appris que maint homme

vous hait. Voulez-vous de moi pour compagnon ? Je suis rusé, vous êtes fort: ayez confiance en moi. Rien ne résisterait à votre force et à ma ruse: je serais en état de démolir un château."

Ysengrin alla se concerter avec sa femme et deux de ses fils: ils tombèrent d'accord qu'il le prendrait pour compère. Depuis il en eut bien du chagrin.

Renart devint amoureux de dame Hersent et lui fit sa cour. Ysengrin s'était donné un mauvais compagnon: cela devait lui porter malheur.

Certain jour Ysengrin prit avec lui ses fils et se mit en campagne pour chasser. Il prit sa femme par la main, et la mit sous la garde de Renart: il la confia à sa fidélité et à son honneur. Renart fit la cour à sa commère, et Ysengrin avait en lui un mauvais chambellan.

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Ici commence une histoire singulière (inouïe). Renart dit à la dame: Commère, remarquez donc le dévore; si je me trouve malvous aime profondément."

grand chagrin qui me heureux, c'est que je >> Tais-toi, Renart, dit la femme de dant Ysengrin; mon seigneur est si beau, que je n'ai que faire d'un amant. Mais même si j'en voulais un, tu me paraîtrais trop faible." Renart répondit: »Dame s'il n'est question que de mes qualités, vous devriez me préférer même à un roi qui briguerait votre amour et chercherait votre déshonneur."

Là-dessus Ysengrin, son mari, survint, et le courtisan consommé fit comme si de rien n'était.

Ysengrin revint sans avoir trouvé de gibier: la faim le rendit chagrin. Il raconta à sa femme combien la campagne était appauvrie. » Jamais je n'ai connu une telle misère chaque pâtre a son chien."

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