Immagini della pagina
PDF
ePub

VII, vs. 449-498. Renart vit un vilain qui, à leur grande joie à tous, portait un gros bacon. Renart se mit à rire, et dit: >> Faites attention, sire Ysengrin." >> Que voulez-vous, compère?" >> Cette viande est-elle de votre goût?" Ysengrin et les siens répondirent tous d'un commun accord: » Oui."

[ocr errors]

Renart courut du côté par où le vilain devait passer. Il releva un pied et se mit à boiter; il affaissa ses reins, comme si on les lui avait cassés. Le vilain cria après lui et jeta le bacon sur l'herbe. Il avait envie de la peau de Renart. Il portait un gourdin effroyable. Renart regarda en arrière et l'attira vers la forêt.

Ysengrin se mit en mouvement. Avant que le vilain ne fût revenu, il s'était rendu maître du bacon et l'eut bien vite dévoré. On ne pensa guère à Renart.

Le vilain revint sur ses pas pour chercher son bacon: il vit dans le lointain Ysengrin qui lui avait causé cette perte. Il n'eut pas mal de chagrin: il ne trouva chair ni os. car tout avait été dévoré. Il se jeta sur l'herbe et déplora la perte de son bacon. Ysengrin se mit à rire. >> J'ai un fameux compagnon, dit-il; comment aurais-je pu faire un meilleur dîner? C'est à lui que j'en suis redevable.” Il ne se doutait pas du triste écho qu'aurait son rire. Renart vint à lui gaiement, et demanda: » Où est ma part?" Ysengrin repartit: » Demandez à votre commère si elle vous a gardé quelque cho» Non, Renart, dit-elle; tout me parut si bon. Que Dieu vous récompense! Mais ne m'en voulez pas; cela ne m'arrivera plus."

se.'

[ocr errors]

VIII, vs. 499-550.

Ysengrin.

» J'ai grand' soif", dit

>> Désirez-vous du vin ? reprit Renart, je vous en donnerai en quantité." >> Je serai votre homme lige, ma vie durant, si vous m'en procurez

[merged small][ocr errors]

Renart marcha vers une ferme dépendant d'une abbaye, et Ysengrin, Hersent, et leurs fils le suivirent. Renart les conduisit vers le cellier, et Ysengrin s'enivra. Il chanta une chanson à la manière de son père, et ne se soucia d'aucun malheur. Ceux qui devaient garder le vin se dirent: >> Qu'est-il arrivé? Il nous semble entendre un loup.' Tout à coup six hommes se montrèrent, dont chacun portait un gourdin. Renart se sauva. Dame Hersent et messire Ysengrin payèrent le vin avec les coups qu'ils reçurent on leur versa impitoyablement une rasade. » Si j'étais hors d'ici, dit Ysengrin, je ne boirais plus jamais de vin." Ils avaient eu un pauvre succès. La porte leur était fermée: ils sautèrent par-dessus une haie et se sauvèrent avec déshonneur.

[ocr errors]

Ysengrin se lamenta du mal et de la honte qui lui étaient échus en partage: lui-même avait été battu, sa femme rouée de coups, et ses fils n'avaient pas été oubliés. Ils lui dirent: Ils lui dirent: » Père, vraiment, votre chanson était hors de saison, ainsi que le reste de vos bêtises."

lez-vous ?"

Renart alla vers eux et demanda: >> De quoi par>> Par Dieu, dit Ysengrin, à nous quatre nous avons chèrement payé ce vin. Et puis mes fils se sont moqués de moi: voilà pourquoi je suis courroucé; tout ce que j'ai fait pour eux est peine perdue."

Renart voulut l'appaiser.

Compère, dit-il, cal

mez-vous; vraiment, si mon filleul dit des choses peu raisonnables, il n'y a pas lieu de s'en étonner, ce n'est qu'un garçon.'

[ocr errors]

IX, vs. 551-562. Renart et Ysengrin se sẻparèrent. Bientôt après Renart rencontra Baudouin, l'âne, qui portait un lourd fardeau. Son maître voulut le faire avancer, mais Renart le pria de s'arrêter. » Dis-moi, Baudouin, lui dit-il, pourquoi veux-tu rester un souffre-douleur? Les fardeaux ne t'empêchent-ils pas de jouir de la vie? Si tu voulais te joindre à moi, je te délivrerais de ce mal, et je te donnerais du pain en quantité suffi

sante

X, vs. 563-634. Il évita son compère. Ysengrin se trouva mal par la perte de son sang. Il dit: »Je regrette de mourir, mais je souffre encore plus à cause de ma chère femme, qui est noble et bonne, et qui s'est toujours gardée de tout péché. Elle eut toujours horreur du mal. J'ai du regret à cause de mes fils, qui seront orphelins: heureusement ils ont une mère qui les conduira dans le pays. Ce qui me console surtout, c'est que jamais elle ne se remariera.”

Cunin entendit ces lamentations.

vous, sire Ysengrin?"

[ocr errors]

>> Qu'avez

» Je suis horriblement bles

sé, répondit le loup, je n'en reviendrai pas, et ma

femme mourra de douleur."

n'en fera rien. Elle ne s'est

Cunin reprit: »Elle pas gardée aussi bien

que vous venez de le dire. J'ai vu entre ses jambes Renart qui est son amant; et il n'y a pas longtemps, puisque je n'ai eu le temps de manger ni de boire. Y a-t-il lieu de croire que ce fût malgré

elle, lorsque cela s'est fait à plusieurs reprises?" Ysengrin entendit une nouvelle qui lui fut lourde à porter. Il s'évanouit de douleur. Il ne sut s'il faisait nuit ou jour. Cela fit rire Cunin. Lorsque Ysengrin revint à soi, il dit: »Satan, je souffre, et de plus tu m'as fait un méchant mensonge; mais je ne suis pas assez fou pour te croire. Je t' arracherais les yeux si je t'avais ici-bas: tu n'en reviendrais pas." Cunin répondit: »Vieil animal, tu es

» cous."

Ysengrin se mit à hurler. Dame Hersent et ses fils survinrent et Ysengrin s'en réjouit. Il leur dit en pleurant: »Jamais je n'eus tant de plaisir à vous voir, mes chers fils et ma bonne femme. Si je perds la vie, c'est à Renart que je le dois: vengez-moi par sa mort. Ensuite Cunin m'a jeté hors de mon sens. Dans ma grande détresse il me conta une mauvaise histoire: il me dit que Renart a couché avec vous. J'en ai presque perdu la vie; je ne pourrais supporter cette pensée. Mais il ne faut pas ajouter foi aux menteurs. J'ai envie de lui arracher les yeux."

Dame Hersent répondit: »Je vous jure par Dieu. qu'il y a trois jours que je ne vis Renart. Sire Ysengrin, croyez-moi, laissez-là ces propos insensés." Ces mots firent du bien à Ysengrin, à son corps comme à son âme. Bientôt il fut complétement remis.

XI, vs. 635-725. Renart se retira dans son manoir: il craignit d'être attaqué. D'une cavité dans la forêt il fit bientôt une maison où il porta ses provisions.

Un jour Ysengrin passa auprès de cette maison dans la forêt il était dans un piteux état: la

faim le torturait. Un nouveau malheur l'attendait. Renart était à son aise: il avait fait rôtir des anguilles dont Ysengrin renifla l'odeur. >> Aha! pensait-il, ceci me paraît être un bon plat!" La bonne odeur l'attira vers la porte de son compère: il s'assit devant et commença à y frapper. Renart qui était plein de finesse, dit: » Pourquoi ne passezvous pas votre chemin? De toute la journée personne ne sortira ou n'entrera ici, soyez en sûr. Que cherchez-vous, malheureux? Partez d'ici au plus tôt. None est passée depuis longtemps: nous autres moines nous ne prononcerions pas une parole pour le trésor des Nibelunge."

[ocr errors]

» Compère, demanda Ysengrin, veux-tu rester moine ici jusqu'à la fin de tes jours?" - - » Certes, répondit-il, je m'y vois obligé. Tu m' as retiré ton amitié, sans faute aucune de ma part: tu voulais me tuer." Ysengrin reprit: » Quoique tu aies mal agi envers moi, je te pardonnerai, à condition que je serai ton compagnon." >> Tu peux me pardonner en toute sécurité: si je me sépare de toi à l'avenir, Si cela pût t'être agré

tu peux prendre ma vie. able, je t'offrirais bien deux morceaux d'anguille que j'ai de reste."

Ysengrin, plein de joie, ouvrit une large gueule. Renart y jeta les anguilles. >> Je serais très-heureux, dit le stupide Ysengrin, si j'étais cuisinier làdedans." Renart répondit: » Cela peut se faire facilement: si tu veux entrer dans la confrérie tu auras la direction des rôtis." Ysengrin n'eut pas besoin de réfléchir longtemps: »J'y consens", dit-il. >> Passe ta tête par ici," dit l'autre. Ysengrin ne se fit pas prier. Le malheur planait sur lui. Il avança sa grosse tête dans le trou, et frère Renart

« IndietroContinua »