neque mutari ac misceri omnia cerneres: nam imperium facile iis artibus retinetur, quibus initio partum est. Verum ubi pro labore desidia, pro continentia et æquitate lubīdo atque superbia invasere, fortuna simul cum moribus immutatur. Ita imperium semper ad optumum quemque a minus bono transfertur. Quæ homines arant, navigant, ædificant, virtuti omnia parent. Sed multi mortales, dediti ventri atque somno, indocti incultique, vitam sicuti peregrinantes 1 transegere; quibus, profecto contra naturam, corpus voluptati, anima oneri fuit. Eorum m ego vitam vitam mortemque juxta æstumo, quoniam de utraque siletur. Verumenimvero is demum mihi vivere atque frui anima videtur, qui, aliquo negotio intentus, præclari facinoris aut artis bonæ famam quærit : sed in magna copia rerum aliud alii natura iter ostendit. 8 9 6 4 III. Pulchrum est bene facere reipublicæ 10; etiam bene di ces déplacements d'autorité, ces mutations, ces bouleversements perpétuels car le pouvoir se conserve sans peine par les mêmes moyens qui l'ont acquis d'abord. Mais dès que le travail a fait place à la paresse, la modération et l'esprit d'égalité au caprice et à l'orgueil, la fortune change avec les mœurs. Ainsi le pouvoir passe toujours de celui qui mérite moins au plus méritant. Agriculture, navigation, architecture, tout obéit au mérite. Cependant que de mortels, esclaves de leurs sens et du sommeil, ignorants et grossiers, traversèrent la vie en simples voyageurs, demandant, contre le vœu formel de la nature, toutes leurs voluptés au corps, et ne voyant dans l'âme qu'un fardeau! Pour moi je ne mets pas de différence entre leur vie et leur mort, puisqu'on ne parle ni de l'une ni de l'autre. Au fond, celui-là seul me paraît véritablement vivre et jouir de son âme, qui, livré à quelque occupation active, cherche à se faire un nom soit par de belles actions, soit par un talent distingué : du reste, dans la variété infinie des choses humaines, la nature montre à chacun une voie différente. III. Il est bean de bien servir l'État; bien dire n'est pas non plus neque omnia mutari lubido atque superbia invasere, fortuna immutatur simul cum moribus. Ita imperium semper transfertur a minus bono ad quemque optumum. Quæ homines arant, navigant, ædificant, omnia parent virtuti. Sed multi mortales, dediti ventri atque somno, indocti incultique, transegere vitam sicuti peregrinantes : quibus, profecto contra naturam, corpus fuit voluptati, anima oneri. Ego æstumo juxta vitam mortemque eorum, quoniam siletur de utraque. Verumenim vero is demum intentus aliquo negotio, sed natura, in magna copia rerum, ostendit alii aliud iter. III. Est pulchrum facere bene reipublicæ; bene dicere etiam ni tout être changé et être bouleversé : car le pouvoir est conservé facilement par ces moyens, par lesquels il fut acquis au début. Mais dès que la paresse au lieu du travail, le caprice et l'orgueil au lieu de la modération et de l'esprit-d'égalité-et-d'équité ont fait-invasion, la fortune est changée en même temps avec les mœurs. Ainsi le pouvoir toujours est transféré d'un moins habile à tout homme le plus capable. Ce que les hommes labourent, naviguent, bâtissent, tout obéit au mérite. Mais beaucoup de mortels, livrés à leur ventre et au sommeil, ignorants et incultes, traversèrent la vie comme des gens qui voyagent : auxquels, assurément contre nature, [plaisir), le corps fut à volupté (un instrument de sur l'une et l'autre. appliqué à quelque occupation, d'une illustre action ou d'un exercice (talent) louable : dans la grande quantité des choses, III. Il est beau de faire bien pour la république ; bien dire aussi cere haud absurdum est: vel pace vel bello clarum fieri licet: et qui fecere, et qui facta, aliorum scripsere, multi laudantur. facta a Ac mihi quidem, tametsi haudquaquam par gloria sequatur ' scriptorem et auctorem rerum, tamen in primis arduum videtur res gestas scribere: primum, quod facta dictis sunt exæquanda; dehinc, quia plerique, quæ delicta reprehenderis, malivolentia et invidia dicta putant; ubi de magna virtute et gloria bonorum memores, quæ sibi quisque facilia factu putat, æquo animo accipit; supra ea, veluti ficta, pro falsis ducit. Sed ego adolescentulus initio, sicuti plerique, studio ad rempublicam latus sum, ibique mihi advorsa multa fuere: nam pro pudore, pro abstinentia, pro virtute, audacia, largitio, avaritia vigebant. Quæ tametsi animus aspernabatur insolens malarum artium, tamen inter tanta vitia imbecilla ætas, ambitione corrupta, tenebatur ; ac me, quum ab reli : sans valeur la paix comme la guerre peut donner la célébrité: beau. coup sont cités avec éloge pour avoir agi, beaucoup pour avoir écrit les actions des autres. Quant à moi, dût la gloire de l'écrivain rester infiniment au-dessous de celle qui s'attache à l'auteur des faits, je regarde comme particulièrement difficile d'écrire l'histoire : d'abord, parce qu'il faut proportionner le langage aux faits; ensuite, parce que la plupart des lecteurs, si vous reprenez la moindre faute, imputent votre blâme à la malveillance et à l'envie : vantez-vous le mérite éminent et la gloire d'un héros? chacun admet volontiers ce qu'il croit facile pour lui-même; dans tout ce qui passe sa portée, il ne voit que fictions, et partant que mensonges. Tout jeune encore, mes goûts me portèrent d'abord, comme tant d'autres, vers les affaires publiques, et là je rencontrai bien des déboires au lieu de la modestie, du désintéressement, du mérite, l'audace, la corruption, la cupidité régnaient partout. Bien que mon cœur, étranger à ces criminelles pratiques, les rejetât avec dédain, ma faible jeunesse, séduite par l'ambition, ne s'en trouvait pas moins retenue au milieu de tant haud est absurdum : scribere res gestas: delicta quæ reprehenderis; supra ea, Sed ego adolescentulus, latus sum studio initio ád rempublicam, ibique multa fuere advorsa mihi : nam pro pudore, pro abstinentia, pro virtute, n'est pas sot (sans mérite): devrait suivre l'écrivain il semble pourtant difficile à moi du moins d'écrire les faits accomplis par d'autres. sont à-égaler par les expressions, les fautes que tu auras reprises; et de la grande gloire des bons citoyens, aisés à accomplir pour soi; [grâce) ceux qui s'élèvent au-dessus de ceux-là comme s'ils étaient controuvés. Or moi tout-jeune, comme la plupart des jeunes gens, au lieu du désintéressement, audacia, largitio, avaritia audace, largesse, cupidité vigebant. Et tametsi animus insolens malarum artium aspernabatur ea, tamen ætas imbecilla, corrupta ambitione, tenebatur inter tanta vitia; étaient-en-vigueur. Et quoique mon âme, non-faite aux mauvaises pratiques, était retenu au milieu de si-grands vices; quorum malis moribus dissentirem, nihilominus honoris cupido eadem, quæ ceteros, fama atque invidia vexabat'. IV. Igitur ubi animus ex multis miseriis atque periculis requievit, et mihi reliquam ætatem a republica procul habendam decrevi, non fuit consilium secordia atque desidia bonum best p otium conterere; neque vero agrum colendo aut venando, servilibus officiis intentum, ætatem agere; sed a quo incept studio me ambitio mala detinuerat, eodem regressus, statui res hoot be exhorts gestas populi Romani carptim, ut quæque memoria digna videbantur, perscribere; eo magis quod mihi a spe, metu, partibus reipublicæ, animus liber erat. Igitur de Catilinæ conjuratione, quam verissume potero, paucis absolvam : nam id facinus in primis ego memorabile existumo sceleris atque periculi novitate. De cujus hominis moribus pauca prius explananda sunt, quam initium narrandi faciam. de vices; et tout en condamnant la corruption des autres, comme eux avide d'honneurs, comme eux aussi j'étais déchiré par la médisance et l'envie. IV. Lorsqu'enfin, après bien des tourments et bien des épreuves, mon âme eut retrouvé quelque calme; lorsque j'eus arrêté de passer le reste de mes jours loin des affaires, je ne songeai point à user dans l'indolence et l'oisiveté de précieux loisirs; pas davantage à cultiver la terre ou à chasser, enchaînant ma vie à de serviles devoirs; mais revenant à des travaux autrefois commencés et dont une funeste ambition m'avait tenu éloigné, je résolus de choisir dans l'histoire du peuple romain les faits qui me semblaient les plus dignes de mémoire, pour les traiter à fond; d'autant plus que mon esprit était libre de toute espérance, de toute crainte, de tout esprit de parti. Je retracerai donc brièvement, mais complétement et avec toute la vérité possible, la conjuration de Catilina, l'un des faits les plus mémorables, à mon avis, par la nouveauté du crime comme par celle du péril. Quelques mots d'abord sur le caractère de cet homme, avant d'entrer dans le récit. |