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nant les artistes espagnols et dans ce qu'il dit au sujet des tableaux conservés dans les appartemens de BuenRetiro, l'on trouvera des réfléxions sur l'art qui en décè lent une étude approfondie.

Les observations de M. Rehfues sont judicieuses, et sa manière de voir paraît impartiale; on se sent donc porté à le suivre avec confiance, même dans les matières où l'on manque des connaissances indispensables pour adopter réellement, ou pour réfuter son opinion: mais ce qu'on ne saurait admettre, par exemple, c'est l'exactitude des tableaux comparés de la population de l'Espagne. Dans les derniers recensemens on a mis probablement tout le soin qu'une pareille opération exige, mais les dénombremens antérieurs n'auront été faits, en beaucoup d'endroits, que par approximation, en sorte que les suppositions et les analogies auront donné des résultats essentiellement faux. Dans le court espace de vingt-six années, la population de l'Espagne aurait été réduite de douze millions à six millions, si l'on en croyait le rapport des historiens espagnols. M. Rehfues en reconnaît l'invraisemblance, mais il ne conteste point un accroissement, moins frappant et cependant extraordinaire, qui dans le dix-huitième siècle, en quatre-vingttrois ans, aurait augmenté de six millions, c'est-à-dire, doublé le nombre des habitans de l'Espagne. Cette augmentation aurait été plus rapide encore dans le royaume de Valence : en 1718 il n'avait, dit M. Rehfues, que 318, 850 habitans, et en 1808 il en contenait plus d'un million. Quelque favorables qu'aient été les circonstances, ce changement paraît trop grand; mais fût-il prouvé incontestablement, il laisserait encore beaucoup de doutes sur les six millions d'hommes que l'Espagne doit avoir acquis en moins d'un siècle. Diverses causes peuvent en, gager la population d'un pays à se porter principalement sur telle ou telle province; mais que la nation espagnole toute entière ait multiplié à ce point, c'est ce qu'on ne voudra croire que d'après les preuves les plus authenti¬ ques, malgré le repos de la monarchie, et malgré la di minution du nombre des ecclésiastiques ou des nobles, et de celui des domestiques. Le sol est bon dans une

grande partie de l'Espagne, et l'agriculture y est susceptible d'une extrême amélioration; l'on peut donc s'amuser à suivre en idée cet accroissement progressif de la population: au milieu du vingt-unième siècle l'Espagne aura environ cent millions d'habitans; Voltaire aurait eu grand tort de rire des calculs systématiques par lesquels on avait voulu justifier, de nos jours, la multiplication rapide que les récits des anciens historiens supposent quelquefois.

Ce qui ajoute à la défiance sur ce point, c'est de voir M. Rehfues persuadé que Tarragone a eu jadis deux millions et demi d'habitans, que Mérida entretenait une garnison de quatre-vingt-dix mille hommes, et que sous les Maures, Grenade en nourrissait trois millions. Ces diverses sommes sont exprimées en chiffres, et l'on croirait volontiers que l'imprimeur a mis à ces trois nombres un zéro de trop, en déplaçant les virgules; mais comme on trouve, au premier volume, un erratum pour une faute de ce genre qui est étrangère à ceci, l'on ne peut guères en imputer d'autres à l'imprimeur.

A ces renseignemens extraits de récits un peu suspects, qui égalent Grenade au Pékin des Pères Jésuites, et Tarragone à la capitale des Romains sous Auguste, succède un tableau détaillé des diverses provinces d'Es pagne, d'après le dénombrement fait en 1788. Il résulte de ce tableau que les provinces les plus montueuses et les moins fertiles, la Galice et la Biscaye, sont proportionnellement les plus peuplées. Ainsi la prospérité des peu.ples n'est point essentiellement liée à la fertilité du sol, à l'abondance des denrées, aux bienfaits de la température; rarement même elle en est le résultat. On l'a observé au milieu des Alpes, dans les départemens du Simplon et du Mont-Blanc, dans celui de l'Adda au royaume d'Italie, et dans le canton suisse du Tésin, les vallées fertiles et d'une heureuse exposition nourrissent ou plutôt fatiguent un peuple triste, faible, sale et dénué de tout; la force, la propreté, l'aisance, l'énergie, le contentement frappent aussitôt la vue lorsque le voyageur s'élève dans les vallons voisins des neiges perpétuelles, où une terre sans printems ne produit que de

l'herbe et des sapins. L'observation est générale, le fait est constant, les causes en sont naturelles; mais l'évidence même est inutile, car les passions de quelquesuns parlent beaucoup plus haut que la raison de tous.

L'auteur s'est rendu directement de Bayonne à Madrid, et ne paraît pas avoir visité d'autres provinces ; il observe néanmoins que les deux Castilles, la Manche, l'Estramadure et le royaume de Léon manquent d'arbres, et que celui de Valence est bien cultivé; il parle de la dégénération des chevaux Andalous; il donne une étymologie vraisemblable du mot merinos, et dans un article. particulier, il fait connaître le climat de Madrid aussi bien qu'il se puisse quand on ne donne pas les résultats d'observations météorologiques faites avec les instrumens dont rien ne peut remplacer la précision. Il parle, trop succinctement peut-être, de l'aspect du pays, des productions et de la température des différentes parties du royaume; le peu qu'il en dit se trouve principalement dans le premier chapitre, qui seul est intitulé Voyage. Dans le chapitre VIII, on verra réunies les observations relatives aux abus qui affligeaient l'Espagne. Des traits épars dans les chapitres Ier et IIIe forment une peinture attachante de la nation basque qui n'a point dégénéré des anciens Cantabres, et qui s'enorgueillit encore de ce

nom.

Cette notice sur les peintres espagnols que j'ai déjà citée, forme, sous le titre d'Appendice, un article particulier. J'observerai à cette occasion que la renommée des artistes espagnols n'a pas été favorisée par le sort. Plusieurs peintres du second ordre en Flandre, en France, ou en Italie, sans égaler les Murillo, les Luca-Giordano, les Juan de Juanez, ou les Velasquez, ont une réputation plus universelle. Outre l'isolement dans lequel l'Espagne se trouvait depuis long-tems, quoiqu'un prince français en occupât le trône, une autre cause doit avoir affaibli la célébrité des grands artistes de ce royaume; ils n'ont point adopté généralement une manière particu lière, ils n'ont point formé précisément une école. La classification des tableaux espagnols en écoles romaine, vénitienne, flamande, etc., en fournit la preuve. L'une

de ces écoles est, à la vérité, nationale, mais elle n'a point un faire qui la distingue des écoles étrangères, car on la nomme aussi éclectique.

M. Rehfues oppose à son tableau de l'Espagne en 1808, un morceau historique aussi curieux que sagement écrit, qui est intitulé: Les Espagnols du quatorzième siècle, et dont l'auteur n'est point désigné. Mais ce fragment, auquel on ne voit qu'un rapport vague avec le reste du livre, ne donne rien moins qu'une idée générale des Espagnols de ces tems-là : c'est tout simplement le récit des exploits de quelques milliers d'Aragonais, etc.. qui, sous la conduite de ce Roger que la faiblesse de T'empereur Andronic nomma César, et sous celle de quelques autres aventuriers, étonnèrent par leur bravoure les Turcs et les Grecs, et les eussent étonnés aussi par leur cruauté, si des excès de ce genre eussent pú surprendre dans un siècle si fécond en désordres.

DE SEN...

LE PARADIS PERDU DE JEAN MILTON, traduit de l'anglais par J. MOSNERON. Quatrième édition, revue et corrigée avec beaucoup de soin; précédée de la Vie de Milton et ornée de son portrait. Prix, 3 fr., et 4 fr. franc de port -A Paris, chez François Louis, libraire, rue de Savoie, n° 6.

Ce n'était pas une entreprise téméraire que celle de traduire Milton après Dupré de Saint-Maur et Racine le fils. Le premier avait été élégant, correct, mais peu fidèle; le second, fidèle jusqu'à la servitude, étouffa son original sous le poids de la littéralité. Eclairé sur les défauts de ses deux prédécesseurs, et témoin des progrès qu'a faits l'art de traduire dans le dernier siècle M. Mosneron publia, en 1788, une nouvelle traduction du Paradis perdu, dont nous annonçons aujourd'hui la quatrième édition. On convint généralement qu'au mérite de l'exactitude et de la fidélité, elle réunissait à un assez haut degré le sentiment des beautés poétiques de Foriginal, et qu'elle suffisait, comme l'a dit un litté

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rateur distingué dont je me plais à citer ici le témoi gnage, pour faire apprécier le génie de l'auteur anglais. Ce suffrage des critiques et du public n'a point empêché M. Mosneron de révoir son ouvrage, et d'en faire disparaître quelques taches que le premier travail y avait laissées. Une préface modeste et à laquelle on ne peut reprocher, peut-être, que de porter en quelques endroits le caractère de la récrimination contre des censures de journaux, expose les principes de l'auteur sur la manière de traduire les poëtes. On croit d'abord qu'il va remettre en question, si les poëtes doivent être traduits en prose où en vers; question déjà trop débattue, et que d'ailleurs tout traducteur croit suffisamment résolue par le fait même de sa traduction, selon qu'elle est en vers ou en prose. Mais M. Mosneron s'abstient sagement de cette discussion, et se borne à l'exposition de ses principes sur la traduction en général. Ces principes sont d'une saine doctrine; également éloignée du faux système d'une version trop libre, et du système non moins faux à la faveur duquel on voudrait, sans égard au génie particulier de chaque langue, reproduire dans une traduction, non-seulement les tours et la pensée, mais presque l'idiôme de l'auteur original : système qui, sous le spécieux prétexte des importations dont on peut enrichir la langue dans laquelle on écrit, ne tendrait à rien moins qu'à la corrompre.

M. Mosneron, plein d'un respect qu'on ne peut blamer pour le génie fier et sombre du poëte anglais, combat l'opinion de ceux qui prétendent qu'une traduction pour être bonne doit réunir l'élégance à la fidélité. Le mot élégant, appliqué à Milton, lui semble une insulte faite à son auteur. Je crains que M. Mosneron ne confonde l'élégance avec la mignardise. L'élégance, comme on doit l'entendre ici, comme on peut la désirer dans tous les ouvrages d'esprit, n'est autre chose qu'ùné liberté noble, un air facile et naturel; c'est la grâce qu'on a, tandis que la mignardise est la grâce qu'on se donne. Je crois donc qu'une traduction de Milton pourrait être élégante et cependant fort bønne, comme lé serait une traduction d'Homère, de cet Homère à qui

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