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Long-tems Espercieux chercha les nobles traces
De ces Grecs si vantés, ses modèles chéris,
Avant que son ciseau du vainqueur d'Austerlitz
Pût offrir à nos yeux une immortelle image (2).
Perrault par un chef-d'œuvre obtient un juste hommage;
Mais ce chef-d'œuvre est-il l'essai de sou compas?
A ses beaux airs Grétry ne préludait-il pas ?

De degrés en degrés s'élève le génie.

Dans le sein de l'étude, au printems de leur vie,
Quand ces grands écrivains, qu'on admire toujours,
Pleins d'un feu créateur, préparaient leurs beaux jours',
Etaient-ils donc alors la gloire de la France?

Molière, heureux vainqueur de Plaute et de Térence
Dans le cœur des humains d'abord n'a point fouillé.
Son Médecin volant, son Jaloux barbouillé,
Sont-ils marqués au coin des peintures brillantes
L'effroi des faux dévots et des femmes savantes ?
Racine, dont long-tems un stupide travers,
A, malgré Despréaux, proscrit les plus beaux vers,
De Phèdre, à son début, conçut-il la merveille ?
Et Corneille naissant fut-il le grand Corneille (3) ?

amis, qui sont tous des artistes distingués, m'ont dit aussi qu'il était effectivement bien loin d'annoncer qu'il deviendrait un jour le plus grand peintre de son tems.

Ah! pourquoi ne conserve-t-on pas les essais de ros grands maîtres? Ils devraient être aussi précieux que leurs chefs-d'œuvre. Ces premiers élans du génie enfanteraient de nouveaux miracles. Le jeune homme qui veut s'élancer sur les pas de ses modèles, est rebuté à l'aspect de tant de monumens glorieux : mais son amne se repose avec plaisir sur les premiers jours de ces mortels qui ont fait retentir l'univers de leur nom; alors leurs chefs-d'œuvre ne le découragent plus, il travaille hardinient, et s'écrie, dans un noble enthousiasme : ils ont commencé comme moi, peut-être finirai-je comme eux.

(2) C'est cet habile sculpteur qui a exécuté, pour l'arc de triomphe de la place du Carrousel, le bas-relief représentant la bataille d'Austerlitz.

(3) Ses premières comédies sont sèches, languissantes, et ne laissaient pas espérer qu'il dût aller si loin, comme ses dernières font qu'on s'étonne qu'il ait pu tomber de si haat. La Bruyère.

Vint-il, aux premiers jours de son noble destin
Cinna, Pompée, Horace, et le Cid à la main ?
Et ce fruit de l'Amour, d'une bonne fortune
Mélite, faisait-elle espérer Rodogune ?

Non, sans doute, et pourtant de ses contemporains
Il n'a point essuyé d'injurieux dédains :

Après Mélite encore ils ont souffert Clitandre..
Nos pères, protégeant sa muse jeune et tendre,
Témoins de ses progrès, de ses travaux fameux,
L'ont vu naître, grandir, et surpasser leurs vœux.
Ah! dans leurs jeunes ans, ces maîtres du Parnasse
Nous ressemblaient, n'avaient qu'une superbe audace,
Que la soif de la gloire, aiguillon des grands cœurs,
Noble feu qui d'avance annonce des vainqueurs.
Oui, dans ces vrais enfans des filles de mémoire
Le premier des besoins, ce besoin de la gloire,
Fut bientôt assouvi par de brillans travaux;
Mais alors, confondus avec d'obscurs rivaux
Ignorés de la France et s'ignorant eux-même,
Il n'avaient pour tout bien que cet instinct suprême
Qui devait les guider vers des lauriers lointains ;
Alors, nourris d'espoir, mais toujours incertains ,
Racine, de la lice entrouvrant la barrière,
D'un œil timide encor mesurait la carrière,
Molière n'offrait rien digne d'un souvenir,
Et tout le grand Corneille était dans l'avenir.

A de pareils discours tu répondras sans doute
Qu'au milieu de la nuit se frayant une route
Loin de ses devanciers qui marchaient au hasard,
Corneille du chaos tirait alors son art.

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Mais, malgré les efforts de ce génie immense,
L'art commence toujours dans celui qui commence ;
Selon les tems divers que nous parcourons tous
Il naît, il croit, il brille et décroit avec nous.
C'est en vain qu'un grand homme y marque son passage,
Nous donnons à cet art les défauts de notre âge;

Et, pleins de son talent,
Nous payóns le tribut que

à nos

yeux déployé,
payé.

lui-même

On a vu, je le sais, des enfans du

a

Permesse

Qui, jetant tout leur feu des te ur première ivresse,

Ont pourtant mérité d'êtré alors

applaudis;

Mais qui, par l'indulgence un instant accueillis
Donnaient, en remportant leur unique victoire
Assez pour l'espérance et trop peu pour la gloire;
Et qui, depuis l'effet de ces jours éclatans,
Dorment sur des lauriers desséchés
par le tems.
Le vrai poête. ami de l'équité sévère,
Sait toujours dédaigner une palme éphémère :
S'il immole à son nom, plaisirs, repos,

Il veut unir sa gloire à l'immortalité.

santé,

On vante cet auteur qu'aveuglent tes louanges,
Qui te prône, à son tour, dans ses livres étranges :
Mais croyez-vous aller, par des sentiers obscurs
Vous encenser tous deux dans les âges futurs?
L'avenir juge mieux que lè siècle où nous sommes.
Parfois la faux du Tems raccourcit les grands hommes.
Il doit anéantir tel qu'on vante aujourd'hui,
Et tel, que l'on dénigre, obtiendra tout de lui.
J'en reviens à ces morts si grands par notre estime
Leur vaste gloire accable un coeur pusillanime;
Mais, suivant leurs progrès, l'élève courageux,
Se console, s'enflamme, et s'illustre avec eux.

Oui, lorsque renfermé dans mon humble retraite
La nuit, seul, tourmenté d'une ardeur inquiète,
J'admire, avee effroi, les chefs-d'œuvre divers
Dont ces Dieux du Parnasse ont peuplé l'Univers,
J'use en vain mon courage en de stériles veilles.
Ici, je suis aux pieds de l'aîné des Corneilles,
Et les regards altiers du chantre des Romains
Font tomber aussitôt la lyre de mes mains.
D'une imposante voix j'entends le grand Racine :
Audacieux mortel, de ma muse divine

Ton orgueil prétend-il égaler les attraits?

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Et Despréaux, sur moi faisant pleuvoir ses traits
Me dit: D'un vain plaisir fuis l'amorce perfide.
Mais j'aperçois Mélite et vois la Thébaïde !
O ciel ! de mon bonheur comment peindre l'excès ?
Vous ne m'effrayez plus par vos brillans succès,
Je vois vos premiers pas, écrivains qu'on admire!
Aussitôt je reprends mes transports et ma lyre,

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(

(4)

Mon audace renaît, et, malgré leurs autels,

Je me dis: Tous ces Dieux n'étaient que des mortels (4)·

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Si dans l'âge présent, plein de censeurs caustiques
Où pour un vrai poëte on compte cent critiqués,
Le père d'Athalie avait coulé sès jours,
Lui qu'ont souvent blessé de frivoles discours,
Lui que les cris des sots, l'injustice et l'envie
Ont arrêté, douze ans au milieu de sa vie,
Que la froideur d'un roi conduisit au tombeau,
Dans notre âge, privé de l'appui de Boileau,
Laissant tomber sa plume au seul nom de satire,
Le sensible Racine eût vécu sans écrire (5) ;
Et du Pinde français les jeunes nourrissons,
Au lieu de ses beaux vers, liraient des feuilletons.
Pour moi, qui, dès l'enfance errant sur le Parnasse,
De ce maître fameux cherche avec soin la trace,
Qui, de son art divin chaque jour plus épris,
Viens allumer ma verve au feu de ses écrits,
Rien ne peut m'effrayer: ce grand homme, à mon âge
Ignoré comme moi, n'avait pas mon courage.
Je sais de l'injustice arrêter les complots,
Je méprise l'envie et je berne les sots.
Cette audace intrépide honora mon enfance.
Je vis à mon aspect sourire l'espérance:
C'est elle qui d'abord accueillit mes essais
Et me fit méditer de plus brillans succès.
Ennemi de tout nom obtenu par la brigue
Je laisse à nos Cotins, les prôneurs et l'intrigue,
Je laisse, sans regrets, en proie à leur courroux,
De vains lauriers flétris par leurs venins jaloux,
Que Plutus leur accorde un regard favorable!
Moi, toujours amoureux de la gloire durable,
Seul avec l'amitié dans un coin retiré,

Summi sunt homines tamen.

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QUINTILIEN.

et

(5) On sait que depuis Phèdre jusques à Athalie, Racine fut donze ans sans vouloir reprendre la plume. Il s'arrêta à trente-huit ans, comme il donnait une tragédie chaque année, c'est douze chefsd'œuvre que nous avons perdus. Voilà les bienfaits de l'injustice et de

l'envie !

Loin des sots, des fâcheux, aux travaux consacré,
J'interroge mon cœur, je cherche à me connaître.
Je ne suis rien, hélas ! mais je serai peut-être,
Si quelques jours encor m'exemptant de sa loi,
La mort ne se met point entre la gloire et moi.
F. DE VERNEUIL,

(

CLÉMENCE ET LE TROUBADOUR

ROMANCE DU DOUZIÈME SIÈCLE.

L'AIR était froid, la nuit obscure,
L'horloge allait sonner minuit :-.
Tout se taisait dans la nature,
Les vents seuls faisaient quelque bruit;
Quand le troubadour le plus tendre,
Au pied d'un antique donjon,
Disait Clémence, viens entendre
De ton doux ami la chanson.

J'entrais dans mon adolescence
Lorsque je perdis mes parens.
Le ciel semblait à la souffrance
Avoir dévoué mon printems.
Je me mis à courir la terre;
Et tous les soirs, pour me loger,
Je chantais aux barons la

guerre,

Ou l'amour à quelque berger.

Un jour, le plus beau de ma vie,
En suivant le cours d'un ruisseau,
Je me trouvai dans la prairie
Qui s'étend près de ce château ;
Je prends ma harpe et je commence
Ma plus tendre chanson d'amour.
Presqu'aussitôt je vois Clémence
Paraître au haut de cette tour.

Du donjon descend un beau page,
Qui me dit: Jeune Troubadour,
Clémence vient dans ce bocage
Ecouter tes doux chants d'amour.
Oh! que mon ame fut émue
En contemplant tant de beauté

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