Immagini della pagina
PDF
ePub

neur. Soliman arrive au moment de cette catastrophe; mais est-il bien naturel que ce héros abandonne un siége si important pour courir sur les mers après sa maîtresse ?

Il y a de l'invention poétique dans le projet de Sélima qui, avec ses compagnes, va demander aux cheva liers le corps de son mari Dragus tué sous les murs de Malte; le grand-maître les admet au festin pompeux qu'il donne en réjouissance de ses succès. Un chevalier y prend sa harpe et chante les hauts faits des héros chrétiens. On trouvera, dans cette fiction, de la fécondité, de l'agrément et de l'intérêt. Mais il suffit de lire seulement les argumens sommaires de presque tous les autres chants de ce poëme, pour voir que la manière de l'Auteur est plus historique que poétique, ce qui ne devrait pas être. Le génie de la poésie n'aime point à chanter des faits connus et déjà célébrés, il veut créer. Il ne s'abaisse point sur des pages d'histoire, sur des mémoires, des récits; la poudre de toutes ces paperasses souillerait ses ailes sublimes. Voyez sur un sujet à-peu-près pareil le génie créateur du Tasse. Dans son poëme (peut-être la plus haute gloire de l'esprit humain), il n'y a de réellement et exactement historique que le fait du Siége de Jérusalem. Tout le reste est invention, et quelle invention! On en peut dire avec l'auteur,

Magnanima menzogna. !

E qual ver a te si puo preporre ? ( Chant IV.)

De ce reproche de peu d'invention dans la Maltéïde, nous exceptons volontiers l'épisode de Soliman qui s'éloignant de Malte, aborde dans une île délicieuse où la Nature, qui l'y reçoit, lui apparaît sous une forme terrible, et lui fournit des secours. Le tableau que l'auteur fait de la Nature est grand et poétique, on le lira avec plaisir.

Au sixième chant, Mahomet avait apparu en songe à Soliman, pour l'exhorter à presser le siége de Malte. Ces apparitions se suivent de trop près d'ailleurs l'apparition de la Nature n'est pas bien motivée; elle n'était point nécessaire à la marche du poëme.

Nec Deus intersit nisi dignus vindice nodus. HORAGE,

[ocr errors]
[ocr errors][subsumed]

La Discorde, le démon des combats, et la gloire révélant au grand maître les destinées de Malte, interviennent encore dans ce poëme, dont elles écartent la monotonie qui résulterait du récit historique. On y verra avec plaisir l'épisode de Linna, au quinzième chant mais non pas les tentatives de l'Amour pour exciter les Turcs contre les Chrétiens, tentatives confondues par l'Eternel, et présentant l'idée d'une rivalité peu raiso nable.

[graphic]

La puissance du ciel triomphant sépare les deux chefs combattans, le grand-maître Lavalette et Solimanelle dénoue et termine l'action épique en déclarant Elvire vengée, les chrétiens innocens de sa mort, et en con seillant à Soliman, qui a tué le coupable ravisseur, de retourner dans ses Etats.... Cette fin est satisfaisante; mais peut-être fallait-il à un poëme si important une conclusion plus remarquable.

Il nous reste à parler du style: il offre des taches et des beautés. Les taches sont des vers prosaïques. Si l'auteur, par exemple, annonce que l'ennemi a pénétré dans Malte, il dit:

Dans Malte enfin pénètre une troupe guerrière;
Mais contre elle marchait le jeune Larivière...
Dans un calme profond s'avançait à sa suite
Un escadron formé d'une troupe d'élite.
Tout-à-coup il s'arrête, il écoute, il entend,
Un bruit sourd et confus qui jusqu'à lui s'étend.

Ce récit n'a pas la couleur poétique.
l'épisode qui porte ce nom,

Gusman, dans

Goûtait un doux repos au déclin de ses ans :
Heureux, il possédait pour unique richesse,
Des champs, de frais enclos, charme de sa vieillesse;
Le soin de leur culture occupait ses loisirs,

Et dans leurs seuls tributs se bornaient ses désirs.
D'une terre stérile enrichissant le fond,

Il en avait enfin rendu le sol fécond.

Nous pourrions multiplier ces citations de vers prosaïques, mais nous aimons bien mieux prouver que

M. Halma sait, en maints endroits, racheter ces défauts par de très-bonnes tirades.

Voici comme il peint l'île sauvage où Soliman vit Elvire:

C'était au fond d'une île et déserte et sauvage
Que le cruel Ismar lui cachait son outrage.
Ce lieu favorisait ses coupables desseins.
Un ombrage touffu, des antres souterrains,
Des rochers dont la cime allait toucher la
Des abymes, des monts d'une vaste étendue,
Tout, dans ce solitaire et lugubre séjour,
Se prêtait aux larcins d'un criminel amour.

nue

[ocr errors]

Un bruit sourd en tout tems au loin s'y fait entendre.
L'horreur semble y régner; jamais une voix tendre
N'y charma les échos par d'agréables sons ;

Le berger n'y vient pas fredonner ses chansons,

etc.

Il décrit encore fort bien les funérailles de Dragut, que dirige Sélima.

Ses compagnes, comme elle, avaient voilé leurs charmes
Et de leur tendre amour exprimaient les alarmes.

Des guerriers les suivaient.....

Déplorant en secret les malheurs de la guerre,
Le front courbé, l'œil morne et fixé vers la terrç,
Cheminaient au bruit sourd d'un airain gémissant,
Dont les échos plaintifs multipliaient l'accent.
Tous en ordre filaient dans sa marche imposante,
Leur troupe était pareille à la vague dormante
Qu'un paisible aquilon soulève mollement

Dans les champs aplanis de l'humide élément.

Enfin, si un langage presque toujours correct, un heureux choix de termes nobles, des sentimens élevés, des pensées justes, l'éloignement de toute afféterie et de mauvais goût suffisent pour faire réussir un ouvrage, la Maltéide droit prétendre à des succès. L'auteur a fait preuve d'un grand courage en osant entreprendre une épopée, dans ce siècle où il ne paraît que des opuscules. A ce titre seul il mériterait des ménagemens; mais on lui doit de plus des éloges pour le talent qu'il a montré dans quelques épisodes et dans un assez grand nombre de descriptions.

D.

COUP-D'EIL rapide sur les révolutions de la philosophie depuis Thalès jusqu'à l'Université impériale.

C'EST chez les Grecs qu'il faut aller chercher l'origine de foutes nos connaissances; c'est d'eux que nous tenons notre philosophie. Sans parler ici des sept sages, d'Orphée et de quelques autres philosophes peu connus, je passerai de suite à Thales, Pythagore et Xénophane. Thalès fonda l'école d'Ionie, et donna le premier en Grèce des leçons de physique et d'astronomie. Il eut pour disciples Anaximène, qui regardait l'infini comme le principe de tout; Anaxagore, qui reconnut un premier principe intelligent, immatériel, et fut accusé d'impiété. A cet Anaxagore succéda Archelaus de Milet, qui donna des leçons à Socrate, auteur d'une révolution dans la philosophie.

Pythagore forma en Italie une école célèbre. Il chercha vainement le principe de nos connaissances dans les nombres et l'harmonie, et eut sur la morale des idées élevées et sévères, dont quelques-unes menaient à l'enthousiasme. C'est à son école que se forma Héraclite, maître d'Hippocrate, qui prit pour fondement de sa philosophie l'expérience dirige par la raison. La secte assez nombreuse de Pythagore s'éteignit au milieu des persécutions.

Xénophane est le chef de la secte éléatique. Il soutenait que tout est immuable. Il compte, parmi ses disciples, Leucippe et Démocrite, auteurs du système des atômes, et les sophistes Protagoras et Diagoras.

La plupart de ces philosophes eurent des idées assez justes sur la morale; tous s'égarèrent sur la physique; tous mêlèrent à quelques vérités beaucoup d'erreurs sur le priucipe de nos connaissances et sur l'art de raisonner. Bientôt, sur-tout dans la secte éléatique, on vit les sophistes se multiplier. Plus un peuple est ingénieux, vif et subtil, plus celte espèce de charlatans doit pulluler. Aussi se répandirent-ils de toutes parts dans la Grèce. Ils se donnaient en spectacle dans les différentes villes, attiraient la foule et surprenaient la multitude par l'abondance de leurs paroles et la subtilité de leurs idées. On peut voir dans les philosophes à l'encan du railleur Lucien, jusqu'où ces espèces de joueurs de gobelets avaient porté le délire et la déraison, et comment, après avoir fait devenir un homme pierre à l'aide d'un syllogisme, ils le faisaient redevenir homme à l'aide d'un autre syllogisme.

[ocr errors]
[ocr errors]

Pour tirer la philosophie de ce chaos, il fallait un homme d'un courage héroïque, d'un esprit profond, adroit, insi nuant, animé d'un vif désir de la vertu et de la vérité. Socrate fut cet homme; il se fit un devoir de combattre et de confondre ces corrupteurs de la morale et de la raison. Il fit changer de face à la philosophie, et disparaître toutes les sectes anciennes. Il existe un Dieu, disait-il, il est immuable, éternel, différent de la matière. Voilà tout ", ce que je sais, et il sera dangereux d'en savoir davannlage. Nous ne sommes pas faits pour connaître la nature "des choses, mais seulement leur rapport avec nous. » Rien n'était plus raisonnable, mais on continua de deviner au lieu d'observer; en s'égara dans de vains systèmes, et l'abus des mois prit la place de l'expérience.

[ocr errors]

Platon et Aristote, les deux disciples les plus célèbres de Socrate, n'eurent pas toujours la sagesse et la réserve de leur maître. Le premier fut doué d'un beau génie, d'une imagination brillante, d'une éloquence entraînante, et eut une élocution noble et riche. Le second montra un esprit plus étendu, plus méthodique, plus subtil, plus observateur. Tous deux eurent sur nos études et nos idées une influence immense qui se fait encore sentir de nos jours. Platon qui admettait des essences immuables, éternelles, nécessaires, qui dégageait nos ames de la matière et les purifiait par la vue de ces essences, régna sur les philosophes païens et chrétiens des six premiers siècles de notre ère, et donna naissance aux contemplatifs, aux illuminés; mais au moins ses disciples écrivirent avec éloquence, et nous ont laissé des ouvrages où se montrent la noblesse et la grandeur des idées, l'élévation de l'ame, une morale pure et sublime. Aristote voulant combattre les essences de Platon, ne fit qu'y substituer de nouvelles erreurs, et nous donna la matière, la forme et la privation. Il voulait détruire les abstractions de Platon et en créait d'une autre espèce. Il montra du génie dans ce qu'il dit de l'influence du langage sur les idées, et dans sa nomenclature de toutes les formes possibles du raisonnement, où il indique avec précision celles qui sont fausses et celles qui sont vraies; mais, en s'arrêtani au mécanisme du raisonnement plutôt qu'au raisonnement même, il contribua à égarer les esprits et fit naître la scholastique qui depuis le onzième siècle régna exclusivement dans les écoles catholiques sur la philosophie, la physique et la théologie. Ses disciples auxquels il parvint souvent défiguré, et qui ne le

« IndietroContinua »