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désir de l'âme qui souhaite d'avoir l'idée d'un objet , est une prière naturelle qui ne manque jamais d'ètre exaucée, et que l'expérience nous apprend que l'idée de ce que nous avons envie de connaître est d'autant plus présente et plus elaire, que notre désir est plus fort; » car, tant s'en faut que l'expérience m'apprenne cela qu'elle m'apprend certainement tout le contraire.

Il en est de même des nombres, car j'aurais beau désirer des années entières, et avec toute l'ardeur possible de savoir le nombre de la Période Julienne , dont j'ai parlé dans l'article précédent qui a pour ses trois caractères, cinq, six et sept ; on supposera tant qu'on voudra , que Dieu est l'auteur de nos idées, il est certain que je me trouverai trompé , si je m'attends que l'envie que j'en ai sera la cause occasionnelle qui déterminera Dieu à me rendre présente à mon esprit l'idée de ce nombre; mais, si je me sers pour le trouver de la méthode dont il est parlé dans un des Journaux des savants, je ne me souviens pas de quelle année , soit qu'on ait peu d'envie de le savoir, ou qu'on en ait une fort grande, ce sera la recherche qu'on en fera par cette méthode, que l'on pourra appeler une prière naturelle , qui ne manquera point d'étre exaucée. Cependant on assure que le désir est celle prière, qui ne manque point d'étre exaucée; car, outre ce que j'ai déjà rapporté, on dit un peu plus bas : « Nous ne souhai« tons jamais de penser à quelque objet, que l'idée de cet

objet ne nous soit aussitôt présente, et comme l'expérience « nous l'apprend, cette idée est d'autant plus présente et « plus claire, que notre désir est plus fort..... Ainsi , quand

j'ai dit, que la volonté commande à l’entendement de lui « présenter quelque objet particulier, j'ai prétendu seule« ment dire, que l'âme qui veut considérer avec aitention « cet objet, s'en approche par son désir, parce que ce désir, « en conséquence des volontès efficaces de Dieu, qui sont « les lois inviolables de la nature, est la cause de la présence « et de la clarté de l'idée qui représente cet objet. Je n'avais

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« garde de parler d'une autre façon, ni de m'expliquer comme « je fais présentement; car je n'avais pas encore prouvé que « Dieu seul est l'auteur de nos idées, et que nos volontés « particulières en sont les causes occasionnelles. »

Il est assez difficile que deux personnes conviennent, quand l'une et l'autre se fondent sur des expériences contraires. Je m'imagine néanmoins qu'il ne sera pas difficile de juger laquelle de nos deux expériences sera plus conforme à celles des autres hommes ; et je viens de plus de trouver un passage de notre ami , que je ne vois pas comment il pourra accorder avec cette maxime des Éclaircissements : « Nous ne « souhaitons jamais de penser à quelque objet, que l'idée de « cet objet ne nous soit aussitôt présente ; » car je ne sais si l'on peut former une proposition plus directement contraire à celle-là, que celle-ci de la page 245. « Il est absolument « faux, dans l'état où nous sommes, que les idées des « choses soient présentes à notre esprit toutes les fois que « nous les voulons considérer. »

CHAPITRE XVII.

Autre variation de cet auteur, qui dil tantôt qu'on voit Dieu en voyant

les créalures en Dicu, et tantôt qu'on ne le voit point, mais seulement les créatures.

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Une autre variation de cet auteur que j'ai touchée en passant, mais que je n'ai pas assez fait considérer , est qu'il dit tantôt

que

l'on voit Dieu en voyant en lui les choses matérielles, et tantôt qu'on ne le voit pas, mais seulement les choses matérielles.

Il dit qu'on le voit en la page 20, et il prétend même que Dieu n'a pu faire autrement, par ce raisonnement étrange, qu'il appelle une démonstration : « La dernière preuve , dit« il, qui sera peut-être une démonstration pour ceux qui sont

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car

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« accoutumés aux raisonnements abstraits , est celle-ci : Il « est impossible que Dieu ait d'autre fin principale de ses ac« tions que lui-même, il est donc nécessaire que non-seule« ment notre amour naturel, je veux dire le mouvement « qu'il produit dans notre esprit, tende vers lui; mais encore « que la connaissance et que la lumière qu'il lui donne a nous fasse connaître quelque chose qui soit en lui; « tout ce qui vient de Dieu ne peut-être que pour Dieu; si « Dieu faisait un esprit, el lui donnait pour idée ou pour ob« jet immédiat de sa connaissance le soleil , Dieu ferait, ce « me semble , cet esprit et l'idée de cet esprit pour le soleil a et non pas pour lui. Dieu ne peut donc faire un esprit pour a connaître ses ouvrages, si ce n'est que cet esprit voie en a quelque façon Dieu , en voyant ses ouvrages; de sorte que « l'on peut dire que, si nous ne voyions Dieu en quelque maa nière, nous ne verrions aucune chose. »

J'ai appelé ce raisonnement étrange, parce qu'il l'est en effet , et que c'est un pur sophisme, bien loin d'être une démonstration; car cet auteur prétend que notre âme se connaît elle-même sans se voir en Dieu , et sans rien voir qui soit en Dieu en se connaissant; or, cela ne donne pas lieu de dire que notre âme soit pour elle-même, et non pas pour Dieu. Encore donc que notre esprit eût le soleil pour objet immédiat de sa connaissance, on ne pourrait pas dire pour cela que notre esprit fût pour le soleil et non pas pour Dieu. Et en effet, il n'y a aucune liaison de cette conséquence à l'antécédent; car, d'une part, ce n'est pas tant ce que je fais au regard des choses purement naturelles, que la fin pour laquelle je les dois faire , autant que je puis, qui doit marquer que j'ai été créé pour Dieu ; et de l'autre, c'est par ma

l volonté, et non par mon esprit que je me dois rapporter à ma dernière fin. Tout ce que l'on peut donc dire au regard de la connaissance que j'ai du soleil est , que pour satisfaire pleinement à l'institution de ma nature , je ne dois pas voir le soleil seulement pour le voir, et pour y chercher ma

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propre satisfaction , parce que ce serait alors qu'il pourrait sembler que j'aurais été fait pour le soleil, mais que je dois rapporter à Dieu la connaissance que j'ai du soleil , en le louant de ses ouvrages , et lui rendant grâce de l'utilité que j'en reçois. Voilà ce que l'on peut raisonnablement conclure à cet égard de la maxime générale : que Dieu nous a faits pour lui, mais je ne sais qui sont ces esprits accoutumés aux raisonnements abstraits, qui trouveront qu'on en doit conclure, « que si Dieu ne nous faisait connaître quelque chose « qui est en lui, en nous faisant voir le soleil, il semblerait « qu'il aurait fait notre esprit pour le soleil, et non pas pour « lui. »

Quoi qu'il en soit, il paraît par cette prétendue démonstration bonne ou mauvaise, que son sentiment est « que tout ce « qui vient de Dieu ne pouvant être que pour Dieu, il ne peut « faire un esprit pour connaître ses ouvrages, si ce n'est que « notre esprit voit en quelque façon Dieu, en voyant ses ou<< vrages. »

Et en la page 200. « Puisque Dieu peut faire voir aux esprits « toutes choses, en voulant simplement qu'ils voient ce qui « est au milieu d'eux-mêmes, c'est-à-dire , ce qu'il y a dans « lui-même, qui a rapport à ces choses, et qui les repré« sente, il n'y a pas d'apparence qu'il le fasse autrement. » Et un peu plus bas : « Nous voyons tous les êtres créés, à (i cause que Dieu veut que ce qui est en lui, qui les repré« sente, nous soit découvert : » or ce qui est en Dieu qui représente les êtres créés, est Dieu même : cela ne peut donc nous être découvert que nous ne voyions Dieu : donc nous voyons Dieu en voyant les êtres créés.

Et en la page 202. « Nous ne disons pas que nous voyons « Dieu en voyant les vérités, mais en voyant les idées de ces « vérités. » Il prétend donc qu'on voit Dieu en voyant l'idée du soleil et l'idée de la terre, mais non pas précisément en voyant cette vérité que le soleil est plus grand que la terre. Et un peu plus bas : « Selon notre sentiment, nous voyons Dieu,

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:

« lorsque nous voyons des vérités éternelles; non que ces a vérités soient Dieu , mais parce que les idées dont ces vé« rités dépendent, sont en Dieu. » Il soutient donc encore que lorsque nous disons que tout carré est la moitié du carré de la diagonale, nous voyons Dieu; parce que nous ne saurions assurer cela, sans que notre esprit voie ces deux carrés et qu'il ne saurait voir ces deux carrés qu'en voyant Dieu.

Et dans la page 203. « Nous croyons aussi que l'on connaît « en Dieu les choses changeantes et corruptibles, quoique « saint Augustin ne parle que des choses immuables et in« corruptibles : parce qu'il n'est pas nécessaire pour cela de « mettre quelque imperfection en Dieu; puisqu'il suffit , « comme nous avons déjà dit, que Dieu nous fasse voir ce « qu'il y a dans lui qui a rapport à ces choses. » Or, ce qu'il y a dans Dieu qui a rapport aux choses changeantes et corruptibles est Dieu même : nous ne saurions donc voir les choses changeantes et corruptibles que nous ne voyions Dieu.

Cependant, dans la page 200, il semble dire tout le contraire, après le premier des deux passages de cette même page que j'ai rapportés, et immédiatement avant le dernier. Car, afin qu'on ne pût pas conclure que nous voyons l'essence de Dieu, de ce que nous voyons toutes choses en Dieu , il dit « qu'on ne voit pas tant les idées des choses, que les choses « mêmes que les idées représentent; et que, lorsqu'on voit un « carré, par exemple, on ne dit pas que l'on voit l'idée de « ce carré, qui est unie à l'esprit, mais seulement le carré, « qui est au dehors. »

Et dans les Avertisssements, page 549, s'étant proposé cette objection, prise de saint Jean, 1. 18 « Que personne n'a « jamais vu Dieu : je réponds, dit-il, que ce n'est pas pro« prement voir Dieu que voir en lui les créatures; ce n'est pas « voir l'essence des créatures dans sa substance, comme ce « n'est pas voir un miroir, que d'y voir seulement les objets « qu'il représente. »

Mais il faut remarquer que ce n'est que par nécessité, et

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