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dre de la contradiction qu'on lui reprochait qu'il n'a fait dans cet Avertissement; car il pouvait et devait dire : Le mot d'idée est équivoque, parce qu'il signifie deux choses très-différentes, et qui n'ont point proprement de notion commune; et, selon que je l'ai pris en une ou en l'autre de ces deux manières, j'ai pu dire quelquefois que nous avons une idée de l'âme, et d'autres fois que nous n'en avons point. J'ai pris, dans le premier chapitre de mon premier livre, l'idée d'un objet pour la perception d'un objet, et, en prenant le mot d'idée en ce sens, j'ai dù dire que nous avons une idée de notre âme, puisque nous ne la pourrions connaître, comme nous faisons, si nous n'en avions la perception. Mais, dans la deuxième partie du troisième livre, j'ai pris le mot d'idée pour un étre représentatif des objets, distingue des perceptions, lequel j'ai fait voir ne se pouvoir trouver qu'en Dieu ; et c'est en prenant le mot d'idée en ce sens, que j'ai dit en plusieurs endroits que nous n'avions point d'idée de notre âme, parce que mon sentiment est que nous ne la voyons point en Dieu comme nous y voyons les choses maté

mais
que nous

la voyons seulement par conscience et par sentiment intérieur; et ce qui me fait croire que nous ne la voyons point en Dieu , est que ce que l'on voit en Dieu , comme l'étendue, se voit bien plus clairement et plus parfaitement que nous ne voyons notre âme.

Cette solution aurait été bien plus raisonnable et plus conforme à sa doctrine des idées, que ce qu'il dit d'une manière fort confuse dans ce troisième Avertissement. Mais de quelque manière que l'on s'y prenne pour accorder cette contradiction apparente, cela ne laissera pas d'être embarrassé de difficultés insurmontables , comme nous l'allons faire voir dans les chapitres suivants.

rielles,

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CHAPITRE XXII.

Que s'il était vrai que nous vissions les choses matérielles par des êtres

représentatiss (ce qui est la même chose à cet auteur que de les voir en Dieu), il n'aurait cu nulle raison de prétendre que nous ne voyons pas notre âme en celte manière.

On peut bien croire que prétendant avoir démontré l'inutilité de ces étres représentatifs distingués des perceptions et des objets, et le peu de raison qu'on a en de-fonder sur cela cette mystérieuse pensée : Que nous voyons en Dieu les choses matérielles, mon dessein n'est pas de prouver que nous voyons notre âme en cette manière; mais, pour montrer de plus en plus combien cette philosophie des idées s’entretient mal, il ne sera pas inutile de faire voir que s'il était vrai que nous vissions les choses matérielles par des êtres représentatifs (ce qui est la même chose à cet auteur que de les voir en Dieu), il n'aurait point dù prétendre que nous ne voyons point notre âme en cette manière.

Je n'ai pour cela qu'à appliquer à notre âme les raisons générales que cet auteur apporte pour rendre probable cette nouvelle pensée : Que nous voyons toutes choses en Dieu. C'est le titre de son sixième chapitre de la deuxième partie du livre trois.

1. Il suppose, ce qui est vrai, que Dieu a en lui les idées de toutes choses ; 2. que Dieu est intimement uni à nos âmes par sa présence. D'où il conclut « que l'esprit peut voir ce a qu'il y a dans Dieu qui représente les êtres créés, puisque « cela est très-spirituel, très-intelligible et très-présent à l'es« prit, et qu’ainsi l'esprit peut voir en Dieu les ouvrages de « Dieu, supposé que Dieu veuille bien lui découvrir ce qu'il « y a dans lui qui les lui représente. »

Or, l'idée de notre âme n'est-elle pas en Dieu aussi bien que celle de l'étendue ? Et ce qu'il y a en Dieu qui repré

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sente notre àme n'est-il pas aussi spirituel, aussi intelligible et aussi présent à l'esprit que ce qui représente les corps ? Et il est même sans difficulté que ce qu'il y a dans Dieu qui représente notre åme, qui a été créée à son image et à sa ressemblance, parce qu'il a voulu qu'elle fùt comme lui une nature intelligente, est plus propre à faire que notre âme se puisse voir en Dieu, que ce qu'il y a en lui qui représente les corps, qui ne pouvant être qu'éminemment et non pas formellement étendu, figuré, divisible, mobile, ne peut être propre à les faire voir à notre esprit qui les doit concevoir étendus, figurés, divisibles, mobiles. Pourquoi donc, si notre âme voyait les corps en Dieu , ne s'y verraitelle pas elle-même ?

Tout ce que peut dire cet auteur est que Dieu n'a pas voulu découvrir à notre me ce qui est dans lui qui la représente, au lieu qu'il veut bien lui découvrir ce qui est dans lui qui représente les corps. Mais qui lui a appris que Dieu veut l'un et qu'il ne veut pas l'autre ? N'appréhendet-il point, en mettant comme il lui plaît ces inégalités dans la conduite de Dieu, ce qu'il témoigne appréhender si fort en d'autres rencontres, qu'elle n'ait pas assez les caractères qu'il prétend se devoir toujours rencontrer dans la conduite de l'ètre parfait, qui est d'être uniforme, constante, réglée ? Gar, y pourrait-on trouver de l'uniformité si, au regard de la mème âme à qui il a bien voulu ètre intimement uni , il lui découvrait celles de ses perfections qui représentent les plus viles de ses créaturez, savoir, les choses matérielles ; en lui cachant celles qui représentent les plus nobles, savoir, les spirituelles ? Quelle uniformité pourrait-on trouver en cela ?

J'ajoute une autre règle que cet auteur fait souvent valoir : c'est que la volonté de Dieu est toujours conforme à l'ordre. Or, n'est-il pas de l'ordre que notre âme soit pour le moins autant éclairée de Dieu à l'égard de la connaissance de soi-mèm?, qu'à l'égard de la connaissance des choses

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matérielles ? Et puisque c'est en cela que cet auteur met l'illumination de Dieu au regard de la connaissance des choses naturelles, en ce qu'il nous les fait voir en lui-même, la volonté de Dieu ne serait donc pas conforme à l'ordre si, nous faisant voir toutes les choses matérielles en lui, il n'y avait que notre âme au regard de laquelle il ne nous ferait pas la mème grâce de nous la faire voir en lui , quoiqu'il nous fût beaucoup plus important de la connaître en cette manière (si ce qu'en dit cet auteur était véritable) que de connaître

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des corps.

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2. La deuxième raison qui fait penser à cet auteur « que « nous voyons tous les êtres à cause que Dieu veut que ce « qui est en lui qui les représente nous soit découvert, c'est « que cela met les esprits créés dans une entière dépendance « de Dieu et la plus grande qui puisse être.» Pourquoi donc, si cela était vrai de tous les êtres, ne le serait-il pas de notre âme ? Pourquoi l'excepter d'une proposition si générale ? Pourquoi voudra-t-on que l'esprit créé soit dans une entière dépendance de Dieu pour connaître le soleil, un cheval, un arbre, une mouche, et qu'il ne soit pas dans la même dépendance pour se connaître soi-même ?

3. La preuve, qu'on a crue être une démonstration pour ceux qui sont accoutumés aux raisonnements abstraits, et dont nous avons parlé dans le chapitre 46, ne prouve rien absolument, comme je l'ai déjà fait voir; mais, si elle prouvait quelque chose, ce devrait être plutôt à l'égard de la connaissance que l'âme a de soi-même que de tout autre objet. « Tout ce qui vient de Dieu ( dit-il, page 202) ne peut « être que pour Dieu ; or, si Dieu faisait un esprit qui eût « le soleil pour l'objet immédiat de sa connaissance, il sem« blerait qu'il aurait fait le soleil pour cet esprit , et non pas « pour lui: afin donc que cela ne soit pas, il faut que Dieu, « nous faisant voir le soleil, nous fasse voir quelque chose « qui soit en lui. » Qu'on nous dise donc ce qu'il faudra répondre à un homme qui raisonnera de la même sorte,

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a

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en

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mettant seulement notre âme au lieu du soleil. « Tout ce qui « vient de Dieu ne peut être que pour Dieu ; or, si l'objet « immédiat de la connaissance de notre âme était notre âme « même, il semblerait que Dieu aurait fait notre âme pour « elle-même et non pas pour lui : afin donc que cela ne soit « pas, il faut que Dieu, nous faisant vo notre âme, nous « fasse voir quelque chose qui soit en lui; » il a donc été nécessaire que nous ne pussions voir notre âme qu'en Dieu , non plus que les choses matérielles.

4. Ce n'est aussi qu'a posteriori, pour parler ainsi, que cet auteur prétend prouver que nous ne voyons point notre âme en Dieu, ou, ce qu'il prend pour la même chose, que nous ne la voyons point par idée, mais seulement par conscience et par sentiment intérieur. Car voici comme il raisonne:

On voit d'une manière très-parfaite les choses que l'on voit en Dieu ', et on peut découvrir d'une simple vue si telles ou telles modifications leur appartiennent ?; car, comme les idées des choses qui sont en Dieu renferment toutes leurs propriétés », qui en voit les idées en peut voir successivement les propriétés.

Or, la connaissance que nous avons de notre âme est fort imparfaite *, et nous ne connaissons point les propriétés dont elle est capable comme nous connaissons toutes les propriétés dont l'étendue est capable.

Donc nous ne connaissons point notre âme par son idée, et nous ne la voyons point en Dieu.

Mais, sans avoir besoin d'examiner si la connaissance que nous avons de notre âme est plus imparfaite que celle que nous avons de l'étendue, pour reconnaître tout d'un coup combien sa majeure est fausse, il ne faut que considérer que selon ses principes, toutes les choses créées hors notre âme

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