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« par le moyen desquelles on voit les corps, ne sont pas plus « nobles

que

les corps mèmes. » Cela est vrai en un sens, parce qu'elles sont spirituelles. Mais cela n'est pas vrai en un autre sens, parce que les idées , prises pour des perceptions, ne sont que des manières d'être , au lieu que les corps sont des substances.

« Ainsi', quand on assure que les hommes ont la puissance « de se former les idées telles qu'il leur plait, on se met fort « en danger d'assurer que les hommes ont la puissance de « faire des êtres plus nobles et plus parfaits que le monde a que Dieu a créé. » Je nie cette conséquence; car les idées, prises pour des perceptions, ne sont point des êtres à proprement parler, mais seulement des manières d’êtres.

« Mais quand il serait vrai que les idées ne seraient que des « êtres bien petits et bien méprisables”, ce sont pourtant des « êtres et des êtres spirituels ; et les hommes n'ayant pas

la « puissance de créér, il s'ensuit qu'ils ne peuvent pas les pro« duire: car la production des idées , de la manière qu'on « l'explique, est une véritable création, »

Je ne me mets pas en peine de quelle manière les autres expliquent la production des idées, ni ce qu'ils entendent par le mot d'idées. Mais, en prenant les idées pour des perceptions, comme on les doit prendre pour bien parler, et comme il les a prises lui-même au commencement de son ouvrage, on ne peut dire raisonnablement qu'il faudrait que l'âme eût la puissance de créer, si elle avait le pouvoir de se donner quelques-unes de ses idées, c'est-à-dire de ses perceptions; car la création est la production d'une substance : et jamais on n'a dit que ce fût créer, en parlant proprement, que de donner une nouvelle modification à une substance. Cela se peut dire dans un langage figuré, comme quand David demande à Dieu qu'il crée en lui un cæur nouveau , et que saint Paul dit que nous avons été créés en J.-C. dans les bonnes au

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" Page 193.

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vres. Mais en parlant exactement et philosophiquement, la création, comme j'ai dit, est la création d'une substance : or, nos perceptions ne sont point des substances, ce ne sont que des manières d'être de notre âme. Il n'est donc pas vrai qu'elle ne se pourrait donner de nouvelles perceptions, si elle n'avait la puissance de créer.

Et il faut bien que cet auteur en convienne; car il ne peut nier que nos inclinations et nos volontés particulières ne soient des manières d'étre de notre âme, aussi bien que nos perceptions: or, il demeure d'accord que notre âme se peut donner de nouvelles modifications, au regard de ses inclinations et de ses volontés, sans qu'elle ait pour cela la puissance de créér: il n'est donc point nécessaire qu'elle ait la puissance de créer, pour se pouvoir donner de nouvelles modifications au regard de ses idées.

IV. Il me suffit d'avoir montré qu'on n'a point de raison de. croire que notre âme n'étant point purement passive au regard de ses inclinations, elle le doive être au regard de ses perceptions : ce qui n'empêche pas qu'on ne puisse dire que notre âme n'est peut-être active qu'en tant qu'elle est volonté, parce que ce n'est peut-être qu'en le voulant que nous nous pouvons donner diverses perceptions.

J'en pourrais demeurer là; car je n'ai point assez de lu-mière pour pouvoir déterminer quelles sont les perceptions que nous tenons nécessairement de Dieu , et quelles sont celles que notre âme se peut donner à elle-même. J'en dirai néanmoins un mot, mais en proposant seulement ce qui me paraît plus vraisemblable, sans rien déterminer absolument.

1. Il y a lieu de croire que Dieu en créant l'âme lui a donné l'idée d'elle-même, et que c'est peut-être cette pensée d'ellemême qui fait son essence; car, comme j'ai déjà dit en un autre lieu, rien ne paraît plus essentiel à l'âme que d'avoir la conscience et le sentiment intérieur de soi-même, ce que les Latins appellent plus heureusement esse sui consciam.

2. On en peut dire autant de l'idée de l'infini , ou de l'Être

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parfait. On ne peut concevoir que nous la puissions former de nous-mêmes, et il faut que nous la tenions de Dieu. Et pourvu que l'auteur de la Recherche de la Vérité veuille bien n'entendre que perception par le mot d'idée, je n'aurai pas de peine à consentir à ce qu'il dit en la page 201 : « Il est constant « que l'esprit aperçoit l'infini, quoiqu'il ne le comprenne pas, « et qu'il a une idée très-distincte de Dieu, qu'il ne peut avoir « que par l’union qu'il a avec lui (c'est-à-dire qu'il ne peut « tenir que de Dieu, comme je l'entends). Il a même l'idée de « l'infini avant celle du fini; car nous concevons l'Être infini « de cela seul que nous concevons l’être, sans penser s'il est « fini ou infini. Mais, afin que nous concevions un être fini, « il faut nécessairement retrancher quelque chose de cette « notion générale de l'être, laquelle par conséquent doit pré« céder. » Mais, selon cela, au lieu de son analogie entre l'esprit et la matière , qu'il a été obligé d'abandonner à moitié chemin, il en pourrait trouver une bien plus belle entre la volonté et l'entendement, en disant que comme Dieu se contente, au regard de la volonté, de lui donner une impression vers le bien en général, qu'elle peut déterminer par ses différentes inclinations vers les biens particuliers., il se pourrait faire aussi qu'il se fût contenté, au regard de l'entendement, de lui donner l'idée de l'Être infini, en lui donnant le pouvoir de se former de cette idée les idées des êtres finis. Je ne dis pas que j'approuve cette pensée, mais je dis seulement qu'elle eût été assez conforme à ses principes,

3. On ne peut presque pas douter que ce ne soit Dieu qui nous donne les perceptions de la lumière, des sons et des autres qualités sensibles, aussi bien que de la douleur, de la faim, de la soif, quoique ce soit à l'occasion de ce qui se passe dans les organes de nos sens ou dans la constitution de notre corps.

4. Il y a aussi beaucoup d'apparence que Dieu nous donne les perceptions des objets fort simples, comme de l'étendue, de la ligne droite, des premiers nombres, du mouvement,

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du temps, et des plus simples rapports qui nous font apercevoir si facilement la vérité des premiers principes, comme : le tout est plus grand que sa partie.

5. Il y a au contraire bien de l'apparence que notre âme se donne à elle-même les idées ou perceptions des choses qu'elle ne peut connaître que par raisonnement, comme sont presque toutes les lignes courbes.

Mais, de quelque manière que nous ayons ces idées, nous en sommes toujours redevables à Dieu : tant parce que c'est lui qui a donné à notre âme la faculté de les produire, que parce qu'en mille manières qui nous sont cachées, selon les desseins qu'il a eus sur nous de toute éternité, il dispose par les ordres secrets de sa Providence toutes les aventures de notre vie, d'où dépend presque toujours que nous connaissons une infinité de choses que nous n'aurions pas connues s'il les avait disposées d'une autre sorte.

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CHAPITRE XXVIII.

Diverses réflexions sur ce que dit l'auteur de la Recherche de la Vérité :

Qu'on ne peut élre entièrement assuré de l'existence des corps que

par la foi.

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Je pensais en demeurer là; mais, ayant travaillé sur un autre endroit de la Recherche de la Vérité, qui a beaucoup de . rapport à sa philosophie des idées, puisque la considération du monde intelligible, du soleil intelligible, des espaces intelligibles, fait une des principales preuves de ce qu'il y veut établir, j'ai cru devoir ajoutér ici les raisons qui m'ont toujours empêché de pouvoir être de son sentiment.

Il est question de savoir, dans l'endroit que je prétends examiner, si on peut être assuré par la raison de l'existence des corps ; ou si on n'en peut être entièrement assuré que par la foi.

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C'est ce qu'il traite dans un de ses Éclaircissements, qui a pour titre : « Qu'il est difficile de prouver qu'il y a des corps, « et ce que l'on doit penser des preuves que l'on apporte de « leur existence. »

Il y loue d'abord M. Descartes de ce que, « voulant établir « sa philosophie sur des fondements inébranlables ', il n'a « pas cru pouvoir supposer qu'il y eût des corps, ni devoir a le prouver par des preuves sensibles , quoiqu'elles parais« sent très-convaincantes au commun des hommes. Apparema ment il savait, aussi bien que nous, qu'il n'y avait qu'à « ouvrir les yeux pour voir des corps; et que l'on pouvait « s'en approcher et les toucher, pour s'assurer si nos yeux a ne nous trompaient point dans leur rapport. Il connaissait « assez l'esprit de l'homme, pour juger que de semblables « preuves n'eussent pas été rejetées. »

Notre ami aurait pu en demeurer là, et il aurait bien fait; mais il passe bien plus loin; car il prétend que cela ne se peut démontrer par la raison, lors même qu'on a recours à ce que dit M. Descartes, que Dieu n'est point trompeur, et qu'il le serait s'il nous donnait tant de divers sentiments à l'occasion des corps qui nous environnent, et de celui que nous croyons uni à notre âme, sans qu'il y eût dans le monde

y que Dieu et notre esprit. Il prétend qu'avec tout cela nous pourrions et nous ferions bien de ne point assurer qu'il y a des corps, et que nous ne pouvons en être entièrement assurés que par la foi.

« Quoique M. Descartes ?, dit-il, ait donné les preuves les « plus fortes que la raison toute seule puisse fournir pour « l'existence des corps : quoiqu'il soit évident que Dieu n'est « point trompeur, et qu'on puisse dire qu'il nous tromperait « effectivement, si nous nous trompions nous-mêmes en fai« sant l'usage que nous devons faire de notre esprit, et des « autres facultés dont il est l'auteur : cependant on peut dire

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• Page 497. % ibid.

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