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DU PÈRE MALEBRANCHE

AU LIVRE

DES VRAIES ET DES FAUSSES IDÉES,

CHAPITRE Jer, La conduite que j'ai tenue touchant le Traité de la

Nature et de la Grâce, par rapport à M. Arnauld, n'a pas du lui inspirer le chagrin qui par dans sa critique.

1. Assurément, Monsieur, si le livre que vous m'avez fait la grâce de me communiquer ne portait point le nom de M. Arnauld, je demeurerais aujourd'hui dans le silence. Je crois me devoir cela à moi-même et au public, de ne point troubler mon repos par des livres contentieux, ni exciter les passions des autres hommes, en découvrant les faiblesses de ceux pour lesquels ils ont de l'aversion ou de l'estime. J'ai déclaré il y a longtemps cette disposition de mon esprit en ces termes : « Je ne répondrai point à tous ceux qui m'attaqueront sans m'entendre, ou dont les discours me donneront quelque sujet de croire qu'il y a quelque autre chose que l'amour de la vérité qui les fait parler. Pour les autres, je tâcherai de les satisfaire. » Et sans décider en faveur de l'esprit ou du ceur de M. Arnauld, rien n'est plus évident, lorsqu'on examine son livre, ou qu'il n'entend point mes sentiments, ou que ce n'est nullement l'amour de la vérité qui le fait parler.

II. Je crois, Monsieur, que vous êtes déjà assez persuadé que M. Arnauld ne me rend pas trop de justice; et que le chagrin que ses amis lui ont inspiré contre moi, l'a séduit

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et lui fait imaginer avec plaisir grand nombre de variations et de contradictions dans le livre de la Recherche de la Vérité. Mais il y a peu de gens qui aient autant d'équité et de pénétration d'esprit que vous en avez : les philosophes sont fort rares; et la réputation de M. Arnauld domine de telle manière dans l'imagination de bien des gens, qui d'ailleurs pourraient juger des choses par eux-mêmes, que je crois devoir les obliger par mes réponses , ou à se taire, ou à examiner les contestations sur lesquelles ils veulent opiner. Enfin M. Arnauld est un critique trop illustre pour le traiter comme les autres ; et j'espère qu'on approuvera,

nonobstant la protestation que j'avais faite, le dessein que je prends aujourd'hui de lui répondre, pour peu qu'on fasse de réflexion sur les raisons que je puis avoir d'en user ainsi.

III. Je ne sais , Monsieur, si je me trompe : mais il me semble que l'on est assez convaincu dans le monde, que M. Arnauld a du chagrin contre moi. Cela de plus est évident par le dessein qu'il a pris d'écrire contre un ouvrage dont il a parlé autrefois avec trop d'estime. Cela est clair par les circonstances du temps ; car il écrit aujourd'hui contre un livre qui paraît il y a plus de dix ans. Il écrit dans un temps où il a bien d'autres affaires, et qu'il emploie si utilement contre les hérétiques : dans un temps auquel on s'attend de voir une réponse de sa façon au Traile de la Nature et de la Grâce, qui certainement n'a nul rapport avec ce qu'il examine si au long dans son ouvrage, ainsi que je le ferai voir dans le chapitre qui suit. Enfin le chagrin de M. Arnauld est tellement répandu dans toute sa critique, que si la dixième partie des raisonnements qu'il m'y fait faire était effectivement de moi , bien loin d'avoir les qualités qu'il me donne en quelques endroits comme à son ami, je serais le plus ridicule de ceux qui se mêlent de raisonner. Aussi, Monsieur, je ne crains nullement que ceux qui savent exactement mes sentiments, et qui jugent de toutes choses avec un esprit d'équité, soient ébranlés par sa rigoureuse

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critique. J'appréhende plutôt qu'ils ne se laissent aller à l'indignation qui s'excite naturellement dans l'esprit, lorsqu'on voit manifestement certains artifices que les passions fournissent abondamment, lorsqu'elles sont excitées, et qu'on ne se met point trop en peine de les réprimer.

IV. Cependant, Monsieur, je vous prie de repasser dans votre esprit la conduite que j'ai tenue à l'égard de M. Arnauld, par rapport au Traité de la Nature et de la Grâce, qui a excité tant de tempêtes, et qui a mis si fort en mouvement ses amis contre moi. Comme vous me connaissez depuis longtemps, et que je n'ai point eu de secret pour vous, vous savez la vérité de tout ce que je vas vous dire. Mais il est à propos que cela soit ici pour ceux à qui vous communiquerez ma réponse.

V. Vous savez, Monsieur, que je n'ai jamais cru que la grâce, qui n'a son efficace que d'elle-même, eût par ellemême l'effet qu'elle opère, lorsque nous en suivons les mouvements. Je n'ai jamais dit , ni même pensé que la grâce füt efficace par elle-même au sens de M. Arnauld , expliqué dans la troisième page de son second volume contre M. Mallet. J'en prends à témoin tous ceux à qui je puis avoir parlé de cette matière. Je dis ceci en passant, pour me justifier du prétendu changement dont on m'a injustement accusé, et que je préférerais néanmoins infiniment à l'obstination malheureuse dans laquelle vivent tranquillement bien des gens sous l'autorité infaillible de M. Arnauld et de quelques autres.

VI. Mais, Monsieur, quoique je fusse éloigné de ces sentiments dangereux, et que j'aie dit quelquefois seulement à quelques amis, que ce que Messieurs de Port-Royal avaient écrit sur la grâce était un galimatias où l'on ne pouvait rien comprendre; cependant je vivais avec une telle réserve , que je n'en parlais presque jamais à personne,

de peur

de rompre la charité, et de blesser certaines gens dont la délicatesse est extrême. Et parce que les sentiments que

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