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conduite que j'ai tenue dans le Traité de la Nature et de la Grâce, et dans tous les sujets que j'examine, qui ont quelque rapport à la foi. Le dogme, je le cherche ou dans les Pères ; ou pour abréger le travail, lorsqu'on n'a pas assez de loisir, et éviter les écueils, je le cherche dans les définitions des conciles. Je dis pour éviter les écueils et épargner le travail, car Jansenius est un bon témoin, aussi bien que quelques autres, qu'il est plus facile et plus sûr de s'instruire, par exemple, des dogmes de la grâce dans le concile de Trente, que dans les ouvrages de saint Augustin. Mais lorsque le dogme m'est clairement connu , alors je ne crains point de m'égarer dangereusement, lorsque je l'ai toujours en vue, et que toutes mes réflexions ne tendent qu'à le

prou. ver, ou à l'appuyer. Je tâche ainsi de faire servir le peu que j'ai de lumière, pour soutenir ma foi par quelque intelligence de la vérité. Je trouve beaucoup d'utilité pour mon édification particulière, et celle de quelques autres, dans cette conduite. Je suis en cela le conseil que donne saint Augustin en plusieurs endroits. Je suis son exemple, celui des Pères, celui de tous les théologiens qui cherchent les dogmes dans la parole de Dieu écrite ou non écrite, et se servent de la raison pour les éclaircir.

XV. Je me suis peut-être trop étendu sur le sentiment qu'a M. Arnauld touchant la prédestination gratuite; mais, Monsieur, ce que je viens de vous dire, a plus de rapport au Traité de la Nature et de la Grâce, que les livres des Vraies et des Fausses Idées. Ceci n'est pas si long que son ouvrage. La Réponse à M. Mallet est plus nouvelle que la Recherche de la Vérité. Ainsi, après le livre que notre ami vous a adressé, vous ne devez pas être surpris de tout ce que je viens de vous dire. Car enfin, l'examen de ceci me parait pour M. Arnauld de plus grande conséquence que les meilleurs ouvrages qu'il pourrait composer. Plût à Dieu, Monsieur, qu'il voulůt bien se défaire pour quelque temps de ses anciens préjugés, et arracher la poutre qui l'aveugle, avant que de prétendre éclairer les autres!

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CHAPITRE IV. Quels sont les principes du Traité de la Nature et de la Grâce, et ce que doit faire M. Arnauld pour renverser cet ouvrage.

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I. C'est une chose assez pouvelle de solliciter son ami qu'il devienne son critique, et un critique public. Cependant, c'est à quoi m'oblige la conduite de M. Arnauld, jointe à sa réputation, qui donne cours et autorité au jugement qu'il a porté en général contre le Traité de la Nature et de la Grâce, duquel jugement je voudrais bien mettre la vérité à couvert. M. Arnauld devait, ce me semble, répondre à la civilité que je lui avais faite, de lui envoyer manuscrit ce Traité. II n'avait qu'à me marquer précisément où je me trompais, ce que je n'ai pu encore apprendre de personne depuis que ce livre est composé ; ou me renvoyer mon manuscrit, et me faire dire qu'il n'avait pas le loisir de l'examiner : j'eusse été content, et la vérité sans atteinte. Mais ayant rendu jugement public, par la bouche de ses amis, contre les formes auxquelles il s'était engagé, je n'ai point pour ma justification d'autre défense que de tâcher d'exciter les esprits, M. Arnauld, et tous mes juges, à l'examen de mes sentiments, et tâcher ainsi de faire paraître la lumière de la vérité, pour dissiper les bruits qu'on a fait courir.

II. Car vous devez , Monsieur, prendre garde que j'ai sur les bras deux puissants adversaires, M. Arnauld et sa réputation. M. Arnauld, la terreur des pauvres auteurs, mais qu'on ne doit pas néanmoins craindre beaucoup lorsqu'on défend la vérité ; et sa réputation, qu'on a grand sujet d'appréhender, quelque vérité qu'on soutienne; car c'est un fantôme épouvantable qui le précède dans les combats, qui le déclare victorieux, et par lequel je suis déjà depuis trois ans au nombre des vaincus. Mais comme les coups que donne un fantôme ne sont point mortels, que la lumière les guérit , et

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fait même évanouir le fantôme qui les a portés, j'espère qu'enfin on s'appliquera sérieusement à l'examen de mes principes, qu'on ne croira pas M. Arnauld, sur sa parole, touchant un ouvrage contraire au parti qu'il a pris depuis longtemps, et qu'on me rendra la justice que j'ai toujours espérée des lecteurs éclairés et équitables.

III. C'est pour cela, Monsieur, que j'ai prouvé dans le chapitre précédent, que M. Arnauld était indispensablement obligé à examiner le Traité de la Nature et de la Grâce, et que j'y ai parlé de son dogme prétendu, afin de l'obliger par là à méditer sérieusement mes principes, qu'il ne conçoit peutêtre pas encore assez clairement. Mais pour lui en faciliter l'intelligence, et l'empêcher de prendre ou donner le change, comme il le donne presque à chaque page de son livre des Vraies et des Fausses Idées, où il trouve autant de variations que les termes dont je me sers ont de sens différents ; je crois devoir dans ce chapitre lui marquer comment il doit battre le Traité par les fondements.

IV. En voici, Monsieur, le dessein : J'y prétends justifier la sagesse et la bonté de Dieu dans la construction de son ouvrage. Je prétends faire taire les libertins et les impies, qui attribuent à une nature aveugle les déréglements de l'univers, et l'univers même; et certains théologiens ou philosophes outrés, qui prétendent que Dieu n'a pas une volonté sincère de sauver tous les hommes. Mais les principes que j'ai établis vont encore infiniment plus loin. Je n'en sais point dont les conséquences soient plus avantageuses à la religion; et j'espère qu'on en reconnaitra l'utilité à proportion qu'on se les sera rendus familiers. Voici comme on peut découvrir ces principes.

C'est, par exemple, une proposition de foi que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés; et il est certain que tous ne le sont pas. Or rien ne peut résister à Dieu que Dieu même : il peut, sans blesser la liberté, sauver tant de nations qui périssent. Donc il faut qu'il se trouve en Dieu même quel

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que chose qui empêche qu'il n'ait une volonté pratique de sauver tous les hommes.

V. Pour découvrir ce que ce peut être, il n'y a qu'à prendre garde que Dieu doit agir d'une manière qui porte le caractère de ses attributs; qu'il aime sa sagesse plus que son ouvrage, plus que les hommes; et qu'il ne doit pas troubler l'ordre et la simplicité de ses voies, pour subvenir à nos besoins, ni pour remédier aux déréglements de la nature. En un mot, Dieu doit agir par des lois ou des volontés générales, dont l'efficace soit déterminée par l'action des causes naturelles ou occasionnelles. Voilà le grand principe, ou comme le fondement du Traité. M. Arnauld en convient en partie dans son ouvrage, page 321. C'est donc ce qu'il doit combattre. Je vas en donner quelques preuves. Si M. Arnauld les détruit, il aura, je le veux, ruiné tout l'ouvrage. Que si l'on n'entend pas clairement ce que c'est qu'agir par des volontés générales , il faut lire avec réflexion l'article qui suit. Mais il serait bien plus à propos qu'on eût lu la Recherche de la rité, ou plutôt les Méditations chrétiennes depuis la cinquième jusqu'à la huitième inclusivement.

VI. « Ce que c'est qu'agir par des volontés générales, et par des volontés particulières. »

Je dis que Dieu agit par des volontés générales ', lorsqu'il agit en conséquence des lois générales qu'il a établies. Par exemple, je dis que Dieu agit en moi par des volontés générales, lorsqu'il me fait sentir de la douleur dans le temps qu'on me pique, parce qu'en conséquence des lois générales et efficaces de l'union de l'âme et du corps qu'il a établies, il me fait souffrir de la douleur, lorsque mon corps est mal disposé.

De même, lorsqu'une boule en choque une seconde, je dis que Dieu meut la seconde par une volonté générale, parce qu'il la meut en conséquence des lois générales et ef1. Ceci est tiré du premier Éclaircissement du Traité de la Nature et de la Grâce.

ficaces des communications des mouvements; Dieu ayant établi généralement que, dans le moment que deux corps se choqueraient, le mouvement se partageât entre eux selon certaines proportions ; et c'est par l'efficace de cette volonté générale que les corps ont la force de se remuer les uns les autres.

Je dis au contraire que Dieu agit par des volontés particulières, lorsque l'efficace de sa volonté n'est point déterminée par quelque loi générale à produire quelque effet. Ainsi, supposé que Dieu me fasse sentir la douleur d'une piqûre, sans qu'il arrive dans mon corps, ou dans quelque créature que ce soit, aucun changement qui le détermine à agir en moi selon quelques lois générales , je dis qu'alors Dieu agit par des volontés particulières.

De même, supposé qu'un corps commence à se mouvoir, sans être choqué par un autre, ou sans qu'il arrive de changement dans la volonté des esprits, ou dans quelque autre créature qui détermine l'efficace de quelques lois générales, je dis que Dieu remuera ce corps par une volonté particulière.

VII. Voici maintenant une preuve a priori, tirée de l'idée qu’on a de Dieu.

Un être sage doit agir sagement. Dieu ne se peut démentir soi-même : ses manières d'agir doivent porter le caractère de ses attributs. Or Dieu connaît tout et prévoit tout: son intelligence n'a point de bornes. Donc sa manière d'agir doit porter le caractère d'une intelligence infinie. Or, choisir des causes occasionnelles et établir des lois générales pour exécuter quelque ouvrage, marque une connaissance infiniment plus étendue, que changer à tous moments de volontés, ou agir par des volontés particulières. Donc Dieu exécute ses desseins

par

des lois générales dont l'efficace est déterminée par des causes occasionnelles. Certainement il faut une plus grande étendue d'esprit pour faire une montre qui, selon les lois des mécaniques, aille toute seule et réglément, soit

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