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ne ferait pas sottement parler. Mais il faut que je n'aie pas de sens commun à quelque prix que ce soit. Examinez, je vous prie, le reste de ce chapitre 15 de M. Arnauld , et prenez garde à ceci.

X. Je n'ai dit nulle part, que j'étais l'auteur des idées particulières qui se forment de l'étendue intelligible, mais seulement, que je pouvais désirer de connaître distinctement ce que je ne sais que confusément; que je pouvais désirer, pour ainsi dire, de voir de près ce que je ne vois que de loin; et que le mouvement par lequel l'esprit s'approche des idées particulières, ou plutôt que la cause occasionnelle de la présence des idées, c'est l'attention. Le sentiment intérieur qu'on a de soi-même prouve cette vérité ; et il est facile de reconnaitre que c'est là le principe de la liberté.

XI. Or ce sentiment est bien différent de celui de M. Arnauld, ou de ceux qui pensent que l'esprit a la faculté de former ses idées : et le raisonnement que je fais contre son sentiment ne touche nullement le mien. Il suffit de connaître confusément quelque chose, pour désirer et mériter travail de l'attention de la connaître clairement, en conséquence des lois qui unissent l'esprit avec la raison. Mais il ne suffit

pas

d'avoir une idée confuse ou générale, pour en pouvoir former une distincte ou particulière ; car on ne peut mieux faire que son exemplaire. Cela est visible ; cependant M. Arnauld croit bien répondre lorsqu'il me rend les objections que je lui fais, ou à ceux qui veulent que l'âme ait le pouvoir de se former les idées des choses ; et il est si content de lui-même à cet égard, qu'il conclut son chapitre en ces termes : « Je serais fort surpris, Monsieur, si on me peut montrer, que ce qu'il dit est concluant contre ceux qu'il combat, et que ce que je dis à son exemple , ne le soit pas encore plus contre lui-même. »

par le

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CILAPITRE XVIU.

Réponse au scizienie chapitre.

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I. M. Arnauld commence ainsi son chapitre 16 :

« Après avoir fait voir, dans le chapitre 14, que celle étendue intelligible infinie est tout à fait inintelligible, et n'est qu'un amas de contradictions; et après avoir montré, dans le quinzième, que quand on la supposerait telle qu'il veut qu'elle soit, il serait impossible que notre esprit y pút trouver les idées des choses qu'il ne connaitrait pas, et qu'il aurait besoin de connaître : il ne me reste plus, pour un entier renversement de cette nouvelle philosophie des idées, qu’à montrer que, quand ce qu'il fait faire à notre esprit, pour lui faire trouver ses idées dans cette étendue intelligible infinie, pourrait lui servir à les y trouver (ce qui ne peut être, comme nous venons de le voir), on n'en devrait pas

moins rejeter, comme des chimères, tout ce qu'il dit sur cela, parce qu'il est manifestement contraire à ce que nous savons certainement se passer dans notre esprit, qui est la plus certaine des expériences, et aux lois générales que Dieu s'est prescrites à lui-même, pour nous donner la connaissance de ses ouvrages. »

Voilà, Monsieur, de quoi surprendre les simples. Ce style et ces manières faisaient autrefois des conquêtes ; mais présentement on s'en défie, les philosophes surtout. Et peut-être que les autres n'oseront parler de métaphysique, de peur qu'on se moque d'eux.

II. Après cinq ou six pages de discours assez inutiles à la question, M. Arnauld suppose une vérité dont je conviens, qui est que du marbre paraît blanc ou noir, à cause de la différence de l'arrangement des parties de leur surface : Dicu ayant jugé à propos de nous donner moyen de discerner les

à objels par les sensations de différentes couleurs.

« Mais, continue-t-il, ce dessein de Dieu serait renversé, si sous prétexte que nul de ces marbres n'est proprement ni

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blanc, ni noir, ni jaspé, mais que ces couleurs ne sont que des modifications de mon âme, je pouvais attacher chacune de ces couleurs auquel je voudrais ; car alors, bien loin que ces couleurs me servissent à les distinguer, elles ne me serviraient qu'à les confondre. C'est pourquoi Dieu n'a pas voulu que cela dépendit de ma liberté, et j'en suis convaincu par l'expérience. »

RÉPONSE. - III. Mais quel est cet impertinent, qui croit qu'il dépend de sa liberté de voir la neige blanche ou verte? C'est moi , Monsieur, selon ce que vous allez lire.

« Il faut donc que l'auteur de la Recherche de la Vérité ait renoncé à tout ce qu'il sait le mieux , lorsque dans la nécessité de défendre à quelque prix que ce soit sa nouvelle philosophie des idées, il s'est trouvé réduit à attribuer à notre âme cette puissance imaginaire d'attacher la sensation du vert, du rouge, du bleu, ou de quelque autre couleur que ce soit, à une partie quelconque de l'étendue intelligible, qu'il ne peut pas seulement feindre avoir causé quelque mouvement dans l’organe de notre vue. »

RÉPONSE. Pensez-vous, Monsieur, qu'il soit vraisemblable que M. Arnauld ait pu s'imaginer que j'eusse le sentiment qu'il m'attribue ? Je veux que j'aie dit, que lorsque je vois de la neige, l'âme y attache la sensation de blancheur, comme elle attache la douleur d'une piqûre au doigt piqué. Mais cela peut-il faire croire, que j'aie pensé que ce fût « par le choix et l'usage de ma liberté; et que j'ai été réduit à attribuer à notre âme une puissance imaginaire d'attacher les sensations à ce qu'elle aperçoit ? »

Mais, supposé que M. Arnauld n'ait pas cru cela de moi, les honnêtes gens peuvent-ils être contents de lui, lorsqu'ils font réflexion, qu'il attribue à son ami la plus ridicule et la plus solte pensée qui puisse entrer dans l'esprit d'un homme ? Mais vous allez voir, Monsieur, encore une faute plus difficile à couvrir.

IV. C'est le second Éclaircissement de la Recherche de la

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Vérité qui en est le fondement. Il est nécessaire que vous le lisiez. M. Arnauld l'a transcrit par parties trois fois dans ce chapitre, et en a toujours retranché ce qui décidait la question. Le voici , Monsieur, tout entier.

« Il ne faut pas s'imaginer que la volonté commande à « l'entendement d'une autre manière que par ses désirs et ses « mouvements; car la volonté n'a point d'autre action. Et il « ne faut pas croire non plus, que l'entendement obéisse à « la volonté, en produisant en lui-même les idées des choses « que l'âme désire ; car l'entendement n'agit point : il ne fait « que recevoir la lumière, ou les idées de ces choses, par « l'union nécessaire qu'il a avec celui qui renferme tous les « êtres d'une manière intelligible , ainsi

que

l'on a expliqué « dans le troisième livre.

« Voici donc tout le mystère. L'homme participe à la sou« veraine raison, et la vérité se découvre à lui , à

propor« tion qu'il s'applique à elle, et qu'il la prie. Or, le désir de « l'âme est une prière naturelle qui est toujours exaucée; car « c'est une loi naturelle que les idées soient d'autant plus « présentes à l'esprit , que la volonté les désire avec plus « d'ardeur. Ainsi, pourvu que la capacité que nous avons de « penser, ou notre entendement, ne soit point rempli des sen« timents consus que nous recevons à l'occasion de ce qui se « passe dans notre corps, nous ne souhaitons jamais de pen« ser à quelque objet , que l'idée de cet objet ne nous soit << aussitôt présente : et comme l'expérience même nous l'ap« prend , cette idée est d'autant plus présente et plus claire, « que notre désir est plus fort, et que les sentiments confus a que nous recevons par le corps sont plus faibles et moins « sensibles, comme je l'ai déjà dit dans la remarque pré( cédente.

« Ainsi, quand j'ai dit que la volonté commande à l'en« tendement de lui présenter quelque objet particulier, j'ai « prétendu seulement dire que l'âme qui veut considérer « avec attention cet objet s'en approche par son désir; parce

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« que ce désir, en conséquence des volontés efficaces de « Dieu qui sont les lois inviolables de la nalure, est la cause « de la présence et de la clarté de l'idée qui représente cet « objet. »

V. Voici maintenant la critique de M. Arnauld.

« Mais ce qu'a trouvé cet auteur pour accorder sa doctrine sur ce point des idées avec son autre doctrine, que Dieu agit comme cause universelle, dont les volontés générales doivent être déterminées à chaque effet par les causes qu'il appelle occasionnelles, est encore plus contraire à l'expérience. Car la cause occasionnelle, qu'il a cru déterminer Dieu à nous donner chaque idée en particulier, est le désir que nous en avons. C'est ce qu'il enseigne dans le deuxième Éclaircissement sur le premier chapitre du premier livre. « Il ne faut « pas, dit-il, s'imaginer que la volonté commande à l'enten« dement d'une autre manière que par ses désirs et ses mou« vements; car la volonté n'a point d'autre action. Et il ne « faut pas croire non plus que l'entendement obéisse à la « volonté, en produisant en lui-même les idées des choses « que l'âme désire; car l'entendement n'agit point, il ne fait « que recevoir la lumière, ou les idées de ces choses, par « l'union nécessaire qu'il a avec celui qui renferme tous les « êtres d'une manière intelligible, ainsi qu'on l'a expliqué « dans le troisième livre. Voici donc tout le mystère. L'homme « participe à la souveraine raison, et la vérité se découvre à « lui à proportion qu'il s'applique à elle et qu'il la prie. Or « le désir de l'âme est une prière naturelle qui est toujours « exaucée; car c'est une loi naturelle, que les idées soient « d'autant plus présentes à l'esprit que la volonté les désire « avec plus d'ardeur. »

« Cela serait beau , s'il était vrai. Mais l'expérience y est si contraire, que je ne puis comprendre, comment on se hasarde d'avancer de telles choses sans s’ètre auparavant consulté soi-même. Si on l'avait fait, on n'aurait pas manqué de reconnaitre qu'il y a bien des objets qui nous dé

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