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abandonne à nous-mêmes ? Car enfin, Monsieur, combien de méprises en peu de paroles, et de quelle grosseur serait un volume , si j'examinais en particulier tout l'ouvrage de M. Arnauld, qui certainement est composé avec la dernière négligence, où il n'y a rien de solide ou de vraisemblable à dire contre ce sentiment, « qu'on voit en Dieu ou dans la raison universelle toutes les choses que l'on connait, ou dont on a des idées claires. »

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CHAPITRE XXII. – Réponses aux vingt-unième el vingl-deuxième

chapitres.

1. Je ne crois pas devoir rien répondre à M. Arnauld sur son vingt-unième chapitre, où il prétend faire voir que je me suis expliqué confusément sur les quatre manières dont on voit les choses; si ce n'est que quand on se met un peu sur le tard à philosopher, on ne prend pas facilement le sens de ceux qui méditent; et que cela même est moralement impossible, quand le chagrin est de la partie. Car je n'ai encore vu personne accoutumé à la méditation, qui ne conçůt distinctement et sans peine les quatre manières dont je dis dans la Recherche de la Vérité, qu'on peut connaître les choses. Mais il n'y a rien qu'on ne trouve confus quand on n'a pas l'esprit net, et il ne peut rien venir de bon de ceux que nous n'aimons pas, principalement quand l'imagination est excitée et que les passions sont en mouvement. Car c'est une propriété essentielle aux passions de répandre leur malignité sur les objets qui les excitent, pour la même raison que les sens attachent, aux objets qui les frappent, les qualités sensibles dont ils sont touchés à l'occasion de ces mêmes objets. Les passions n'ont point de meilleur moyen pour justifier leur déréglement et leur injustice. Ceux qui auront lu et bien conçu la Recherche de la Vérité jugeront si j'ai tort de répondre ainsi cavalièrement au vingt-unième chapitre de M. Arnauld, et si cette réponse ne suffirait pas même pour les chapitres qui suivent

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jusqu'à la fin de son livre. Vous l'allez voir, Monsieur, en partie dans un examen plus particulier de son vingt-deuxième chapitre, dans lequel il prétend prouver, que selon mes principes , j'ai dû dire que nous voyons notre âme en Dieu et par son idée. Voici comme il raisonne :

II. Selon mon sentiment, les idées de toutes choses sont en Dieu, et je connais en elle les créatures, parce que Dieu me les découvre. « Or, dit M. Arnauld, l'idée de notre âme n'est-elle pas en Dieu , aussi bien que celle de l'étendue ? Et ce qu'il y a en Dieu qui représente notre âme, n'est-il pas aussi spirituel, aussi intelligible et aussi présent à l'esprit que ce qui représente les corps ? Et il est mème sans difficulté que ce qu'il y a en Dieu qui représente notre âme, qui a été créée à son image et à sa ressemblance, parce qu'il a voulu qu'elle fùt comme lui une nature intelligente, est plus propre à faire que notre âme se puisse voir en Dieu, que ce qu'il y a en lui qui représente les corps, qui, ne pouvant être qu'éminemment et non pas formellement étendu, figuré, divisible, mobile, ne peut être propre à les faire voir à notre esprit, qui les doit concevoir étendus, figurés, divisibles, mobiles. Pourquoi donc, si notre âme voyait les corps en Dieu, ne s'y verrait-elle pas

elle-mème ? « Tout ce que peut dire cet auteur, est que Dieu n'a pas voulu découvrir à notre âme ce qui est dans lui qui la représente, au lieu qu'il veut bien lui découvrir ce qui est dans lui qui représente les corps. Mais qui lui a appris que Dieu veut l'un et qu'il ne veut pas l'autre ? N'appréhendet-il point, en mettant comme il lui plait ces inégalités dans la conduite de Dieu, ce qu'il témoigne appréhender si fort en d'autres rencontres, qu'elle n'ait pas assez les caractères qu'il prétend se devoir toujours rencontrer dans la conduite de l'Être parfait, qui est d'être uniforme, constante, réglée ? Car y pourrait-on trouver de l'uniformité si, au regard de la mème âme à qui il a bien voulu être intimement uni, il lui découvrait celles de ses perfections qui représentent les plus

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viles de ses créatures, savoir les choses matérielles, en lui cachant celles qui représentent les plus nobles, savoir les spirituelles? Quelle uniformité pourrait-on trouver en cela ? »

RÉPONSE. — III. Paraît-il, Monsieur, par ce discours, que M. Arnauld sache seulement distinguer entre connaître et sentir, entre avoir l'idée claire d'une chose ou le sentiment confus? « L'idée, dit-il, ou l'archétype de l'âme est en Dieu, aussi bien que celle du corps. Pourquoi donc ne voyons-nous pas l'âme en Dieu et par son idée, aussi bien que nous connaissons l'étendue qui la représente ? » La réponse est facile. C'est que nous ne connaissons pas même notre âme, et que nous n'en avons qu'un sentiment intérieur et confus. Si nous la connaissions aussi clairement que l'étendue, nous la connaîtrions en Dieu, qui seul est lumière, en qui toutes choses sont lumière, et hors de qui l'âme, quoique spirituelle, est entièrement inintelligible à elle-même. Nous la connaîtrions par l'idée sur laquelle elle a été formée, et dans laquelle, quoique nous n'eussions jamais senti la douleur, nous découvririons clairement que nous en pourrions sentir : de même que Dieu connaît la douleur et toutes les qualités sensibles sans les sentir. Mais nous ne pouvons pas sentir en Dieu la douleur, où elle n'est pas sentiment confus, mais lumière intelligible ; nous ne pouvons la sentir qu'en nous-mêmes, par l’action néanmoins de celui qui seul a la puissance de nous la faire sentir, et qui en cela ne nous communique point sa sagesse et sa lumière:

IV. « Qui m'a appris, dit M. Arnauld, que Dieu veut que je voie l'étendue par son idée et non pas l'âme ? » Je lui réponds que pour moi je suis sûr que j'ai intelligence de l'étendue, et qu'en contemplant l'idée des corps j'y découvre clairement qu'ils peuvent être ronds, carrés, pyramidaux, etc. Je puis méditer éternellement sur les rapports de l'étendue, et découvrir sans cesse de nouvelles vérités en contemplant l'idée que j'en ai ; mais je sens fort bien que je ne puis faire le même de l'âme. Je ne puis, quelque effort que je fasse,

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connaître qu'elle soit capable de douleur ni d'aucun autre sentiment en contemplant son idée prétendue. Je ne sais d'elle que ce que le sentiment intérieur et consus m'en apprend sensiblement, et non point intelligiblement. Je suis convaincu, enfin, que je ne suis que ténèbres à moi-même, que ma substance par elle-même m'est intelligible, et que je ne saurai jamais clairement ce que je suis, jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de me manifester l’archétype sur lequel j'ai été formé; ce que les mêmes objections de M. Arnauld m'obligent de répéter à tous moments.

V. « Mais n'appréhende-t-il point, continue M. Arnauld, en mettant comme il lui plaît ces inégalités dans la conduite de Dieu, ce qu'il témoigne appréhender si fort en d'autres rencontres, qu'elle n'ait pas assez les caractères qu'il prétend se devoir toujours rencontrer dans la conduite de l'Être parfait, qui est d'être uniforme, constante et réglée ? Car y pourrait-on trouver de l'uniformité si, au regard de la même âme à qui il a bien voulu être intimement uni, il lui découvrait celles de ses perfections qui représentent les plus viles de ses créatures, savoir les choses matérielles, en lui cachant celles qui représentent les plus nobles, savoir les spirituelles ? Quelle uniformité pourrait-on trouver en cela ? »

RÉPONSE. VI. Ce discours a quelque rapport au Traité de la Nature et de la Grâce, où je justifie la sagesse et la bonté de Dieu par ce principe, que sa conduite doit porter le caractère de ses attributs, et, par conséquent, être uniforme, constante, générale, etc. Mais il paraît, par cette objection, que M. Arnauld le prend bien de travers. Dieu agit d'une manière uniforme et constante, parce qu'il suit exactement les lois générales qu'il a établies, et non point parce qu'il y a de la diversité dans son action. Il ne pleut pas également dans tous les pays; mais ce n'est pas par la diversité des effets, c'est par l'uniformité de la conduite qui produit ces divers effets qu'il faut juger de la cause. Dieu répand la pluie en conséquence des mêmes lois générales

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qui font tomber la grèle, lois qu'il suit constamment, et c'est en cela que sa conduite est uniforme et porte le caractère de ses attributs. Mais apparemment M. Arnauld,

aussi bien que quelques autres qui condamnent sans réflexion ce qu'on a écrit après y avoir bien pensé, s'est imaginé que

y dans ce Traité je soutiens que Dieu donne à tous les hommes une grâce égale, afin qu'il y ait de l'uniformité dans sa conduite ; c'est comme si on concluait que ma pensée est que tous les corps sont également agités, et, par conséquent, également durs ou fluides, chauds ou froids, etc., à cause que je crois qu'ils ne sont mus qu'en conséquence des lois générales des communications des mouvements.

VII. Mais pour répondre à l'objection de M. Arnauld, je dis que l'uniformité de la conduite de Dieu à l'égard des idées par lesquelles il nous éclaire, et des sentiments par lesquels il nous touche et nous détermine comme par instinct à agir, consiste en ce que Dieu , par des lois générales, a uni l'esprit à la raison universelle pour en être instruit, et au corps pour être averti de ses besoins; et que la raison , par sa lumière, parle à l'esprit en conséquence de son attention

à ou de ses désirs, et que le corps parle à l'âme par des sentiments confus, non en conséquence de ses désirs, mais en conséquence des ébranlements qui arrivent dans les fibres du cerveau ; et que l'uniformité de la conduite de Dieu consiste en ce qu'il suit exactement ces lois. Ainsi, prétendre que Dieu doit manifester à l'âme l'idée qui la représente, puisqu'il lui manifeste l'idée des corps afin qu'il y ait uniformité dans sa conduite, c'est ne pas concevoir le principe dont on tire des conséquences.

VIII. M. Arnauld continue ainsi : « J'ajoute une autre règle que cet auteur fait souvent valoir, c'est que la volonté de Dieu est toujours conforme à l'ordre. Or, n'est-il pas de l'ordre que notre âme soit pour le moins autant éclairée de Dieu à l'égard de la connaissance de soi-même qu'à l'égard des choses matérielles ? Et, puisque c'est en cela que cet au

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