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XIV. Ces paroles, Monsieur, « en prenant ce mot idée en général, pour tout ce que l'esprit aperçoit immédiatement, » ne suffisent-elles pas pour ôter l'équivoque du mot d'idée, autant qu'il était nécessaire pour ce chapitre, et pour faire comprendre, que dès lors je distinguais les idées d'avec les sentiments confus? Celles-ci, que l'esprit aperçoit immédiatement, ne marquent-elles pas, que dès lors je croyais qu'on ne voyait point les objets en eux-mêmes ? Et enfin ces dernières : « On fera voir, dans la suite, que ces dernières idées ne sont rien autre chose qu'une manière d'être de l'esprit , et c'est pour

cela que je les appellerai des modifications de l'esprit, » ne disent-elles pas formellement, que les idées qui nous représentent quelque chose de distingué de nous, un carré, une maison, etc., ne sont point des modalités de l'âme, et qu'il n'y a seulement que les idées qui nous représentent ce qui se passe en nous, notre douleur, notre plaisir, etc., qui soient des modifications de notre être ? Pourquoi donc M. Arnauld me reprend-il à tous moments de me contredire, et que j'ai changé de sentiment? Que, dans le premier chapitre, « j'avais pris le mot d'idée dans son vrai sens; mais que, dans le troisième, tout d'un coup j'ai perdu de vue les idées prises pour des perceptions; et sans y prendre garde, j'ai substitué ma notion bizarre d'être représentatif? Je mo contente, dit-il encore , page 17, de vous faire remarquer que l'auteur de la Recherche de la Vérité, ayant souvent parlé de ces idées dans le premier chapitre de son livre, il a marqué en diverses manières que les idées des objets et les perceptions des objets étaient la même chose. Et ce qui est remarquable, afin qu'on ne croie pas que cela lui est échappé, c'est que, dans la deuxième partie du deuxième livre, il continue à prendre le mot d'idée dans la même notion, surtout dans le troisième chapitre; car ce qu'il appelle, dans le titre de ce chapitre, la liaison mutuelle des idées de l'esprit et des traces du cerveau, il l'appelle, dans le chapitre même, la correspondance naturelle et mutuelle des pensées de l'âme et des

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traces du cerveau. Il croyait donc alors, qu'idées était la même chose que pensées, etc. » Je crois, Monsieur, qu'il faut admirer tout ce discours; non qu'il soit admirable en lui-même , mais

parce que c'est le discours de M. Antoine Arnauld, docdeur de Sorbonne, et qu'assurément on doit s'étonner qu'il ait été capable de le composer.

CHAPITRE XXV. – Réponse au vingt-septième chapitre.

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I. Si je m'arrêtais à débrouiller toutes les brouilleries de M. Arnauld , je me donnerais une peine assez inutile, et je ferais un livre fort ennuyeux. Je ne sais si j'ai déjà dit cela ; mais, à tout hasard, c'est une vérité que je puis bien dire deux fois. Il n'y aurait guère de gens assez de loisir et assez sottement curieux pour lire un gros livre dont le principal dessein serait de justifier que je ne suis pas le fan. tome

que M. Arnauld met en pièces. C'est pour cela que je passe légèrement certaines vétilles qui ne tendent qu'à me déguiser, et à me faire passer pour un auteur incapable d'avoir rien dit de solide dans le Traité de la Nature et de la Grúce : car c'est de cela dont il s'agit. L'auteur de la Recherche de la Vérité ne serait point travesti tout d'un coup en ridicule dans l'imagination et dans le livre de M. Arnauld ; il serait encore fait comme un autre homme , s'il n'était point l'auteur de ce méchant livre qui a fait quitter avec éclat les bons sentiments à quelques personnes. Je passe donc les premières pages de ce chapitre, où M. Arnauld réfute sérieusement cette pensée, que la comparaison que j'ai faite de l'esprit avec la matière ne prouve pas que l'entendement n'est qu'une faculté passive; comme si j'avais prétendu prouver par là ce sentiment, et que je ne l'eusse pas fait

par

tous les chapitres, où je montre que nos idées nous viennent uniquement de Dieu, en conséquence néanmoins de notre attention et de nos désirs. Je passe encore d'autres jolies choses,

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qui pourraient peut-être ennuyer un lecteur difficile et chagrin , et je viens à la page 305, où il dit :

II. « Je ne vois pas, que si ce qu'il y a d'actif dans l'âme ne s'étendait à quelques perceptions, aussi bien qu'à ses inclinations, l'auteur de la Recherche de la Vérité pût expliquer ce qu'il croit nécessaire afin que nous soyons libres. Il ne faut pour cela que l'entendre parler dans le premier chapitre du premier livre: »

« L'esprit considéré comme poussé vers le bien en géné« ral, ne peut déterminer son mouvement vers un bien par« ticulier (en quoi il fait consister la liberté), si le même esprit, a considéré comme capable d'idées, n'a la connaissance de « ce bien particulier. Je veux dire, pour me servir des ter« mes ordinaires, que la volonté est une puissance aveugle, « qui ne peut se porter qu'aux choses que l'entendement lui « représente. De sorte que la volonté ne peut déterminer di« versement l'impression qu'elle a pour le bien, et toutes ses « inclinations naturelles, qu'en commandant à l'entendement « de lui représenter quelque objet particulier. La force qu'a « la volonté de déterminer ses inclinations, renferme donc « nécessairement celle de pouvoir porter l’entendement vers « les objets qui lui plaisent. »

« Il a bien vu qu'il s'ensuivait de là, que notre esprit se pouvait donner de nouvelles perceptions, afin qu'il pût agir librement. La preuve en est démonstrative.

« Car, selon lui, l'esprit considéré comme poussé vers le bien en général, ne peut déterminer son mouvement vers un bien particulier (en quoi il fait consister la liberté), que par le pouvoir qu'il a de faire en sorte, que, comme capable d'idées, c'est-à-dire de perceptions, il ait la connaissance de ce bien particulier qu'il ne connaissait pas auparavant.

« Or, il est impossible que notre esprit connaisse un objet qu'il ne connaissait pas auparavant, que par une perception qu'il n'avait pas auparavant.

« Il s'ensuit donc , que l'esprit ne saurait être libre , selon

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lui, s'il n'a le pouvoir de se donner de nouvelles perceptions, aussi bien que de nouvelles inclinations.»

RÉPONSE. Il est visible, qu'en supposant ce que M. Arnauld sait fort bien être mon sentiment, savoir que nos volontés sont les causes occasionnelles de la présence des idées à l’entendement, il n'y a aucune difficulté à faire voir que sa prétendue démonstration ne prouve rien; car, quoique l'âme ait le pouvoir de penser à diverses choses, il ne s'ensuit pas que l'entendement soit une faculté active; il suffit que la volonté le soit, et que par ses divers désirs, causes occasionnelles de la présence des idées, en conséquence de la loi générale de l'union de l'esprit avec la raison, elle rende l'entendement capable de diverses perceptions,

III. Après deux pages de discours superflus, M. Arnauld continue, et prétend qu'on ne peut soutenir cette réponse, qu'on ne s'engage dans un cercle. Voici ses termes : « L'âme comme volonté ne peut désirer de connaitre le bien, que comme entendement elle n'en ait la perception; puisque la volonté étant une puissance aveugle, ne peut se porter qu'aux choses l'entendement lui représente. Il faut donc qu'elle ait la perception du bien A, pour désirer de l'avoir. Or, c'est son désir qui la lui fait avoir. Il faut donc qu'elle ait ce qu'elle désire d'avoir, pour être en état de désirer de l'avoir.

Comme il voit bien que la réponse n'est pas difficile, il continue en ces termes, qui ne l'avancent pas davantage : « Que si on dit que cette perception du bien A, qu'elle a déjà, n'en est qu'une perception obscure enfermée dans ce désir, et qu'elle en désire une plus parfaite : donc ce désir dépendant de nous, et étant une modification que notre âme se peut donner, il faut qu'elle se puisse donner ce qui est essentiellement enfermé dans ce désir, et sans quoi on ne pourrait dire qu'elle eût ce désir sans une contradiction manifeste. Or ce désir enferme nécessairement une perception au moins imparfaite du bien A, puisqu'il est manifestement impossible que j'aie

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que

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aucun désir au regard du bien A, si je n'en ai aucune perception : Ignoti nulla cupido. Il est donc clair qu'on ne peut dire raisonnablement que je me puis donner le désir de connaître le bien A, et qu'en cela consiste ma liberté, qu'on ne reconnaisse en même temps que je me puis donner quelque perception du bien A. »

RÉPONSE. - IV. Comme M. Arnauld voit bien que son grand discours ne l'avance guère et que la réponse saute aux yeux, il la donne de bonne foi en ces termes, que j'approuve : « On dira peut-être que cela prouve seulement qu'il faut que j'aic déjà une perception obscure et confuse du bien A, avant que mon âme puisse désirer de le connaître plus parfaitement. »

C'est là ma réponse.

« V. Mais qu'entend-on, continue-t-il, par cette perception obscure et confuse du bien particulier, que j'ai appelé A? Est-ce une idée ou une perception qui représente si confusément le bien A, qu'elle peut représenter également à notre âme le bien B, le bien C, le bien D, et une infinité d'autres biens particuliers vers lesquels mon âme peut déterminer son mouvement qu'elle a de Dieu vers le bien en général ? » RÉPONSE. - Je réponds qu'oui, et de plus, que cette de

. mande est fort inutile, parce que tout le monde sait bien qu'on peut connaître un objet confusément, et qu'à force d'attention il s'éclaircit à l'esprit. On sait bien qu'on s'approche, pour ainsi dire, des idées par le mouvement de l'âme qui sont ses désirs, comme on s'approche des objets éloignés par le mouvement des jambes et des pieds.

VI. « Mais, reprend M. Arnauld, il s'ensuivra que cette idée ne donnera pas plus de pouvoir à mon âme de désirer le bien A, que de désirer le bien B, le bien C, le bien D, et une infinité d'autres choses semblables, à moins qu'elle ne choisisse le bien A dans cette confusion: ce qu'elle ne peut faire que par une perception du bien A, qui soit plus distincte et moins confuse que celle des autres biens. »

RÉPONSE. Je nie à M. Arnauld que l'âme ne puisse dé.

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