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« nous la résoudrons assez clairement, quoique nous ne « prétendions pas donner ici des démonstrations incon« testables pour toutes sortes de personnes, mais seule« ment des preuves très-convaincantes pour ceux au moins « qui les méditeront avec une attention sérieuse; car on « passerait peut-être pour téméraire si l'on parlait autre<< ment. »

Et moi , Monsieur, je ne crains point de passer pour téméraire en vous disant deux choses : l’une, que ces idées , prises pour des êtres représentatifs distingués des perceptions, n'étant point nécessaires à notre âme pour voir les corps, il n'est par conséquent nullement nécessaire qu'elles soient en elle par aucune de ces cinq manières; l'autre, que la moins vraisemblable de toutes ces manières, et par laquelle on peut le moins expliquer comment notre âme voit les celle que notre ami a préférée à toutes les autres.

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rps, est

CHAPITRE V.

Que l'on peut prouver géométriquement la fausselé des idées, prises pour

des ètres représentatiss. Définitions, axiomes, demandes pour servir de principes à ces démonstrations.

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Je crois, Monsieur, pouvoir démontrer à notre ami la fausseté de ces étres représentatifs, pourvu qu'il se veuille rendre de bonne foi à ce qu'il a lui-mème dit tant de fois, que l'on devait observer, pour trouver la vérité de la métaphysique, aussi bien que dans les autres sciences naturelles, qui est de ne recevoir pour vrai que ce qui est clair et évident, et de ne se point servir de prétendues entités, dont nous n'avons point d'idées claires, pour expliquer les effets de la nature, soit corporelle, soit spirituelle. Je tenterai même de le prouver par la méthode des géomètres :

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DÉFINITIONS,

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4. J'appelle âme ou esprit la substance qui pense;
2. Penser, connaitre, apercevoir, sont la même chose.

3. Je prends aussi pour la même chose l'idée d'un objet et la perception d'un objet. laisse à part s'il y a d'autres choses à qui on puisse donner le nom d'idée. Mais il est certain qu'il y a des idées prises en ce sens, et que ces idées sont ou des attributs ou des modifications de notre âme.

4. Je dis qu'un objet est présent à notre esprit quand notre esprit l'aperçoit et le connait. Je laisse encore à examiner s'il y a une autre présence de l'objet préalable à la connaissance et qui soit nécessaire, afin qu'il soit en état d'être connu. Mais il est certain que la manière dont je dis qu'un objet est présent à l'esprit, quand il en est connu , est incontestable, et que c'est ce qui fait dire qu'une personne que nous aimons nous est souvent présente à l'esprit, parce que nous y pensons souvent.

5. Je dis qu'une chose est objectivement dans mon esprit quand je la conçois. Quand je conçois le soleil, un carré, un son : le soleil, le carré, ce son, sont objectivement dans mon esprit, soit qu'ils soient ou qu'ils ne soient hors de mon esprit.

6. J'ai dit que je prenais pour la même chose la perception et l'idée. Il faut néanmoins remarquer que cette chose, quoique unique, a deux rapports : l'un à l'âme qu'elle modifie, l'autre à la chose aperçue, en tant qu'elle est objectivement dans l'âme, et que le mot de. perception marque plus directement le premier rapport, et celui d'idée le dernier. Ainsi la perception d'un carré marque plus directement mon âme comme apercevant un carré; et l'idée d'un carré marque plus directement le carré, en tant qu'il est objectivement dans mon esprit. Cette remarque est très-importante pour résoudre beaucoup de difficultés, qui ne sont fondées que sur ce qu'on ne comprend pas assez que ce ne sont point

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deux entités différentes, mais une même modification de notre âme qui enferme essentiellement ces deux rapports, puisque je ne puis avoir de perception qui ne soit tout ensemble la perception de mon esprit comme apercevant, et la perception de quelque chose comme aperçue; et que rien aussi ne peut être objectivement dans mon esprit (qui est ce que j'appelle idee) que mon esprit ne l'aperçoive.

7. Ce que j'entends par les étres représentatifs, en tant que je les combats comme des entités superflues, ne sont que ceux que l'on s'imagine ètre réellement distingués des idées prises pour des perceptions; car je n'ai garde de combattre toutes sortes d’êtres ou de modalités représentatives; puisque je soutiens qu'il est clair, à quiconque fait réflexion sur ce qui se passe dans son esprit , que toutes nos perceptions sont des modalités essentiellement représentatives.

8. Quand on dit que nos idées et nos perceptions (car je prends cela pour la même chose) nous représentent les choses que nous concevons et en sont les images, c'est dans un tout autre sens que lorsqu'on dit que les tableaux représentent leurs originaux et en sont les images, ou que les paroles prononcées ou écrites sont les images de nos pensées ; car au regard des idées cela veut dire que les choses que nous concevons sont objectivement dans notre esprit et dans notre pensée. Or cette manière d'être objectivement dans l'esprit est si particulière à l'esprit et à la pensée, comme étant ce qui en fait particulièrement la nature, qu'en vain on chercherait rien de semblable en tout ce qui n'est pas esprit et pensée. Et c'est, comme j'ai déjà remarqué, ce qui a brouillé toute cette matière des idées, de ce qu'on a voulu expliquer, par des comparaisons prises des choses corporelles, la manière dont les objets sont représentés par nos idées, quoiqu'il ne puisse y avoir sur cela aucun vrai rapport entre les corps et les esprits.

9. Quand je dis que l'idée est la même chose que la perception , j'entends par la perception tout ce que mon esprit conçoit, soit par la première appréhension qu'il a des choses,

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soit par les jugements qu'il en fait, soit par ce qu'il en découvre en raisonnant. Et ainsi, quoiqu'il y ait une infinité de figures dont je ne connais la nature que par de longs raisonnements, je ne laisse pas, lorsque je les ai faits , d'avoir une idée aussi véritable de ces figures que j'en ai du cercle ou du triangle, que je puis concevoir d'abord. Et, quoique peut-être ce ne soit aussi que par raisonnement que je suis entièrement assuré qu'il y a véritablement hors de mon esprit une terre , un soleil et des étoiles, l'idée qui me représente la terre, le soleil et les étoiles comme étant vraiment existants hors de mon esprit, n'en mérite pas moins le nom d'idée que si je l'avais eue sans avoir eu besoin de rai

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sonner.

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10. Il y a encore une autre équivoque à démêler : c'est qu'il ne faut pas confondre l'idée d'un objet avec cet objet conçu, à moins qu'on n'ajoute en tant qu'il est objectivement dans l'esprit; car étre conçu, au regard du soleil qui est dans le ciel n'est qu'une dénomination extrinsèque, qui n'est qu'un rapport à la perception que j'en ai. Or, ce n'est pas cela que l'on doit entendre quand on dit que l'idée du soleil est le soleil même, en tant qu'il est objectivement dans mon esprit ; et ce qu'on appelle étre objectivement dans l'esprit n'est pas seulement être l'objet qui est le terme de ma pensée, mais c'est ètre dans mon esprit intelligiblement, comme les objets ont accoutumé d'y être; et l'idée du soleil est le soleil, en tant qu'il est dans mon esprit, non formellement comme est dans le ciel, mais objectivement, c'est-à-dire en la manière que les objets sont dans notre pensée, ce qui est une manière d'être beaucoup plus imparfaite que n'est celle par laquelle le soleil est réellement existant, mais qu'on ne peut pas dire néanmoins n'être rien et n'avoir pas besoin de cause.

11. Quand je dirai que l'âme fait ceci ou cela, et qu'elle a la faculté de faire ceci

ela, j'entends par le mot de faire la perception qu'elle a des objets, qui est une de ses modifications, sans me mettre en peine de la cause efficiente

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de cette modification, c'est-à-dire si c'est Dieu qui la lui donne, ou si elle se la donne à elle-même; car cela ne regarde point la nature des idées, mais seulement leur origine, qui sont des questions toutes différentes.

12. J'appelle faculté le pouvoir que je sais certainement qu'a une chose ou spirituelle ou corporelle, ou d'agir, ou de pâtir, ou d'être d'une telle ou telle manière, c'est-à-dire d'avoir une telle ou telle modification.

13. Et, quand cette faculté est certainement une propriété de la nature de cette chose, je dis alors qu'elle la tient de l'auteur de sa nature, qui ne peut être que Dieu.

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AXIOMES.

1. On ne doit recevoir pour vrai, quand on prétend savoir les choses par science, que ce que l'on conçoit clairement.

2. Rien ne nous doit faire douter de ce que nous savons avec une entière certitude, quelques difficultés qu'on nous puisse proposer contre.

3. C'est un visible renversement d'esprit de vouloir expliquer ce qui est clair et certain par des choses obscures et incertaines.

4. On doit rejeter comme imaginaires de certaines entités dont on n'a aucune idée claire, et qu'on voit bien qu'on n'a inventées que pour expliquer des choses qu'on s'imaginait ne pouvoir bien comprendre sans cela.

5. Et cela est encore plus indubitable quand on les peut fort bien expliquer sans ces entités inventées par les nouveaux philosophes.

6. Rien ne nous est plus certain que la connaissance que nous avons de ce qui se passe dans notre âme, quand nous nous arrêtons là. Il m'est très-certain, par exemple, que je conçois des corps quand je crois concevoir des corps, quoiqu'il puisse n'être pas certain que les corps que je conçois, ou soient véritablement, ou soient tels que je les conçois.

7. Il est certain, ou par la raison, en supposant que Dieu ne saurait être trompeur, ou au moins par la foi, que j'ai

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