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suppose qu'il a aperçu, qu'il a connu ces vingt hommes et ces vingt dragmes, et qu'il n'est pas possible aussi qu'il n'ait aperçu, qu'il n'ait connu ces vingt hommes et ces vingt dragmes, pourvu qu'il ait eu ces deux perceptions, de quelque part qu'il les ait eues, ce qui ne regarde point la nature des idées, mais leur origine.

La deuxième est que ces deux perceptions, que j'appelle idées, étant une fois posées, on ne peut nier que notre esprit n'ait la faculté de faire tout ce que j'ai fait faire à ce philosophe, car nous le faisons tous les jours; et ainsi nous sommes assurés que nous le pouvons faire certissima scientia et clamante conscientia, comme dit saint Augustin. Or, c'est cela proprement qu'on doit appeler voir les propriétés des choses dans leurs idées : voir dans l'idée de l'étendue qu'elle doit être divisible et mobile, voir dans l'idée de l'esprit que ce doit ètre une substance distinguée réellement de la substance étendue, voir dans l'idée de Dieu, c'est-à-dire dans l'idée de l'Être parfait, qu'il faut nécessairement qu'il existe; voir dans l'idée d'un triangle qu'il faut nécessairement que ces trois angles soient égaux à deux droits. On n'a besoin pour cela que de comprendre que notre esprit a le pouvoir de réfléchir sur ses pensées, et lorsqu'il a une fois la perception d'un objet, de le considérer avec plus d'attention.

On n'en peut pas douter, et c'est d'où dépendent toutes les sciences, surtout les abstraites, comme la métaphysique, la géométrie, l'arithmétique, l'algèbre; car on n'y fait autre chose que de concevoir nettement et distinctement les objets les plus simples, à quoi servent les définitions. On y joint les rapports les plus faciles à connaître entre ces objets simples, ce qui fait les axiomes. Et de là, par de simples réflexions sur ces premières connaissances (et non sur des étres représentatifs imaginaires), on tire cette chaîne admirable de conclusions, qui forcent par leur évidence tous les esprits raisonnables à s'y rendre, en vertu de cet unique principe : «Que tout ce qui est contenu dans la vraie idée d'une chose (c'est

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que,

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à-dire dans la perception claire que nous en avons) en peut être affirmé avec vérité. » Et il faut que ce soit Dieu qui nous ait donné une inclination invincible d'acquiescer à cela , et de le prendre pour le fondement de toute la certitude humaine; puisque, s'il y a des gens qui peuvent dire de parole qu'ils n'y acquiescent pas, ils ne laissent pas d'y acquiescer en effet, comme il paraît en ce que les sciences où l'on s'applique uniquement à consulter ces idées, c'est-à-dire les perceptions naturelles que nous avons des choses, et à pénétrer ce qui est enfermé dans ces idées, telles que sont l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, se font recevoir par tout le monde pour indubitables.

Mais, comme mon principal but dans ce chapitre a été de démêler l'équivoque du mot immédiatement, je déclare ici

si
par

concevoir immédiatement le soleil, un carré, un nombre cubique, on entend ce qui est opposé à les concevoir par le moyen des idées, telles que je les ai définies dans le chapitre précédent, c'est-à-dire par des idées non distinctes des perceptions ; je demeure d'accord que nous ne les voyons point immédiatement, parce qu'il est plus clair que le jour que nous ne les pouvons voir, apercevoir, connaître, que par les perceptions que nous en avons, de quelque manière que ce soit que nous les ayons. Mais il est clair aussi que cela n'est pas moins vrai de la manière dont nous concevons Dieu et notre âme, que de celle dont nous concevons les choses matérielles. Que si par ne les pas connaitre immédiatement, on entend ne les pouvoir connaître que par des étres représentatifs distingués des perceptions, je prétends que selon ce sens, ce n'est pas seulement médiatement, mais aussi immédiatement que nous pouvons connaître les choses matérielles aussi bien que Dieu et notre âme, c'est-à-dire que nous les pouvons connaître sans qu'il y ait aucun milieu entre nos perceptions et l'objet ; je dis nos perceptions, parce que j'avoue que nous avons souvent besoin de la perception réfléchie, outre la perception directe, pour les bien connaître.

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Tout ce que dessus étant supposé, je crois pouvoir démontrer la fausseté de l'hypothèse de ces étres représentatifs, car pour cela je n'ai besoin que de faire deux choses : l’une, de prouver clairement et évidemment que tous les principes et toutes les preuves sur lesquels on a bâti cet édifice des idées n'ont aucun fondement solide ; l'autre, de montrer que nous n'avons nulle nécessité, pour connaître les choses que Dieu a voulu que nous connussions, de ces étres représentatifs, distingués des perceptions. Et c'est ce que j'espère que l'on verra par les démonstrations suivantes.

CHAPITRE VII.

Démonstrations contre les idées prises pour des étres représentatifs,

distingués des perceptions.

Propositions à démontrer. Notre esprit n'a point besoin, pour connaître les choses matérielles, de certains étres représentatifs, distingués des perceptions, qu'on prétend être nécessaires pour suppléer à l'absence de tout ce qui ne peut être par soi-même uni intimement à notre âme.

PREMIÈRE DÉMONSTRATION.

Un principe, qui n'est appuyé que sur une expression équivoque, qui n'est vraie que dans un sens, qui ne regarde point la question qu'on veut résoudre par ce principe, et qui, dans l'autre sens, suppose sans aucune preuve ce qui est en question , doit être banni de la véritable philosophie.

Or, telle est la première chose que l'auteur de la Recherche de la Vérité prend pour principe de ce qu'il veut prouver touchant la nature des idées.

Il ne pouvait donc pécher plus ouvertement contre ses propres règles, qu'en commençant par là son traité de la Natable,

(

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ture des Idées ; et il ne peut l'avoir proposé comme indubi.

que faute de l'avoir bien examiné, et pour s'ètre laiss prévenir d'un sentiment communément reçu par les philosophes, n'ayant pas pris garde que c'était un reste des préjugés de l'enfance, qui n'était pas mieux fondé que cent autres qu'il a rejetés.

On ne peut nier la majeure, et l'auteur de la Recherche de la Vérité le fera moins que personne, vu le soin qu'il dit partout que l'on doit prendre dans les sciences, de n’admettre pour vrai que ce dont la vérité nous est clairement connue, et de ne s'en fier sur cela à l'autorité de personne.

Il ne reste donc à prouver que la mineure, ce qui est bien facile; ses paroles sont : « Tout le monde tombe d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes. » L'équivoque est dans ces mots, par euxmêmes; car ils peuvent être pris en deux sens; le premier, qu'ils ne se font point connaître à notre esprit par euxmêmes, c'est-à-dire qu'ils ne sont point la cause que nous les apercevons; et qu'ils ne produisent point dans notre esprit les perceptions que nous avons d'eux : comme on dit que la matière ne se meut point de soi-même ou par soi-même, parce qu'elle ne se donne point à soi-même son mouvement. Ce premier sens est vrai , mais il ne fait rien à la question, qui est de la nature des idées, et non pas de leur origine. Il est clair aussi que ce n'est pas en ce sens qu'il a pris ces mots; car, soutenant comme il fait, que Dieu est l'auteur de toutes nos perceptions, il aurait dû mettre l'âme, aussi bien que toutes les choses matérielles, entre les choses que nous n'apercevons point par elles-mêmes, puisque selon lui c'est Dieu, et non pas notre âme, qui cause en notre esprit la perception par laquelle nous l'apercevons.

Il ne reste donc que le deuxième sens dans lequel il a pu prendre ces mots par eux-mêmes, en opposant être connu par soi-même (comme il croit que l'est notre âme quand elle se connaît) à dire connu par ces étres représentatifs des objets

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distingués des perceptions, dont nous avons déjà tant parlé. Or, les prenant en ce sens, c'est supposer visiblement ce qui est en question avant que de l'avoir établi par aucune preuve, et ce qui aurait été reconnu sans peine devoir être rejeté comme faux, ou au moins comme douteux, s'il l'avait examiné par ses propres règles, et s'il avait pliilosophé dans cette matière, comme il fait dans les autres.

Car, si au lieu de nous renvoyer à ce prétendu monde, qu'il dit être d'accord de ceci et de cela, il s'était consulté soi-même et avait considéré attentivement ce qui se passe dans son esprit, il y aurait vu clairement qu'il connaît les corps, qu'il connait un cube, un cône, une pyramide, et que, se tournant vers le soleil, il voit le soleil. Je ne dis pas que ses yeux corporels le voient; car les yeux corporels ne voient rien, mais son esprit, par l'occasion que ses yeux lui en donnent. Et si, poussant plus avant, comme il le devait pour

observer ses règles, il s'était arrêté sur cette pensée : je connais un cube , je vois le soleil, pour la méditer et considérer ce qui y est enfermé clairement, je suis assuré que, ne sortant point de lui-même, il lui aurait été impossible d'y voir autre chose que la perception du cube, ou le cube objectivement présent à l'esprit, que la perception du soleil, ou le soleil objectivement présent à l'esprit; et qu'il n'y aurait jamais trouvé la moindre trace de cet étre représentatif du cube ou du soleil, distingué de la perception, et qui aurait du suppléer à l'absence de l'un et de l'autre. Mais que, pour l'y trouver, il aurait fallu qu'il l'y eût mis lui-même par un vieux reste d'un préjugé dont il n'aurait pas eu de soin de se dépouiller entièrement; c'est-à-dire qu'il ne l'y aurait trouvé que comme les défenseurs des formes substantielles les trouvent dans tous les corps de l'univers, parce qu'ils se sont imaginé qu'elles sont propres à expliquer ce que l'on remarque dans

છે ces corps, et qu'on ne le pourrait pas faire sans cela. Puis donc que cette manière de philosopher, par ce qui est ou n'est pas enfermé dans les notions claires que nous ayons

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