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d'interroi n'exigeaient pas seulement la qualité de patricien, ce que d'ailleurs les anciens disent expressément (1), mais encore celle d'ancien magistrat curule. L'interroi était choisi parmi les sénateurs curules patriciens.

Comment et par qui l'interroi était-il désigné?

Le terme technique, employé par les anciens pour exprimer cette désignation, est prodere. Mais ce terme n'indique pas le mode de désignation; car il s'emploie aussi bien de la nomination du premier interroi (2) que de la désignation de ses successeurs (3); et, cependant, dans chaque interrègne, comme nous allons le voir, le premier interroi était nommé autrement que les interrois suivants. Prodere signifie porro dare (podidova (5), transmettre), et se rapporte essentiellement aux auspicia (6). A défaut de magistratures curules, les auspicia font retour aux patres; les patres transmettent les auspicia au premier interroi (produnt interregem); celui-ci, après cinq jours, les transmet à son successeur, et ainsi de suite, jusqu'à la fin de l'interrègne.

Mais, tandis que le premier interroi est désigné par les patres (7), du temps de la République, le premier interroi désigne lui-même son successeur (8), de la même manière que le consul nomme le dictateur (9), et il lui transmet auspi

(1) Zonar., VII, 9 (P. I, 328, Dind. II, 109). Cf. Ps. Cic., de dom., 14 § 38. (2) Liv., III, 40, IV, 43. Ascon., p. 43. Cic., de leg., III, 3 § 9, 4 § 10. (3) Liv., IV, 43, V, 31.

(4) Serv., ad Aen., I, 252 : - Prodimur. Multa quidem hic sermo significat; sed modo PORRO DAMUR... Cf. Cic., de leg., III, 2 § 4: « Quod genus imperii primum ad homines justissimos et sapientissimos deferebatur... deinde etiam deinceps posteris prodebatur.»

(5) Dionys., II, 57.

(6) C'est ce qui explique pourquoi ce terme est employé spécialement de la nomination aux fonctions sacerdotales: flaminem prodere, Cic., p. Mil., 10 § 27, 17 § 46. Ascon., p. 32.

(7) Voyez plus loin.

(8) Dionys., VIII, 90 : « ̓Αποδείκνυται πρὸς αὐτῶν (a senatoribus) μεσοβασιλεὺς Αύλος Σεμπρώνιος Ατρατῖνος · οὗτος... ἕτερον ἀποδείκνυσι... »

(9) Dionys., V, 72: (Consul) dvaotás dvayopeúsı avtov (dictatorem), wσnеρ εἰώθεσαν ποιεῖν οἱ μεσοβασιλεῖς.

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cato (1) ses pouvoirs après cinq jours, le second interroi désigne le troisième (2), et la série se succède ainsi (3) jusqu'à ce que les comices centuriates aient créé des consuls.

Ce serait donc se mettre en opposition directe avec les témoignages des anciens que de supposer que les patres se réunissaient tous les cinq jours pour désigner un nouvel interroi.

L'interroi était-il entièrement libre dans la désignation de son successeur, à condition qu'il le prenne parmi les sénateurs. curules patriciens, ou ceux-ci se succédaient-ils dans un ordre déterminé soit par le tirage au sort, soit par la liste sénatoriale?

Il suffit d'examiner la série des interrois dans les interrègnes du ïve siècle avant J.-C., là où cette série a été conservée par la tradition, pour se convaincre que ni le tirage au sort ni le classement de la liste sénatoriale n'influaient sur la succession des interrois. Qu'on compare les interrois de 396, de 391 et de 389, on verra les mêmes personnages revenir deux, trois fois, et ces personnages sont des sénateurs qui ont déjà géré 2, 3, 4 fois le tribunat consulaire ou le consulat, partant les principes civitatis. Le même fait se représente dans les interrègnes de 355, 351, 340, 332. C'est qu'apparemment le sort n'intervenait pas. Dans l'interrègne de 355, après une série de six interrois, la même série recommence; et cependant il y avait, à cette époque, plus de six sénateurs curules patriciens.

(1) Liv., VI, 45 § 5: Sed nos quoque ipsi sine suffragio populi auspi cato interregem prodamus.

(2) Cf. Liv., V, 31 : « Interrex creatur M. Furius Camillus qui P. Cornelium Scipionem, is deinde L. Valerium Potitum interregem prodidit. La même procédure fut suivie exceptionnellement par les praefecti fer. lat. en 45 : Πολίαρχός τέ τις ἐν ταῖς ἀνοχαῖς καταστὰς ἕτερον αὐτὸς τῆς ὑστεραίας ἀνθείλετο, καὶ ἐκεῖνος ἄλλον. » Dio Cass., XLIII, 48.

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(3) C'est donc une inexactitude d'expression quand Tite-Live, XXII, 34, dit : ▪ Interreges proditi a patribus C. Claudius... inde P. Cornelius Asina.....» Cette inexactitude d'expression se rencontre aussi parfois chez Denys. TiteLive est encore dans l'erreur lorsque dans le même interrègne il représente les tribuns comme empêchant à plusieurs reprises la nomination d'un interroi (IV, 43). Le premier interroi nommé, les tribuns n'avaient plus aucune action sur la désignation des suivants.

Si donc le sort avait fixé l'ordre de la succession des interrois, la série n'aurait pu être épuisée après six titulaires.

D'autre part, la succession des interrois n'était pas déterminée non plus par le classement de la liste sénatoriale. Dans l'interrègne de 396, l'interroi L. Valerius Potitus, qui avait été tribun consulaire pour la première fois en 414 et pour la cinquième fois en 398, est suivi de Q. Servilius Fidenas qui fut tribun consulaire pour la première fois en 402 et pour la seconde fois en 398, tandis que sur la liste plusieurs sénateurs curules patriciens étaient classés entre eux, par exemple L. Furius Medullinus qui avait été tribun consulaire pour la première fois en 407 et qui le devint pour la cinquième fois en 395. Dans l'interrègne de 355, le troisième interroi, Cn. Manlius, avait été consul I en 359, II, 357, le quatrième, C. Fabius, avait été consul en 358, tandis que le cinquième, C. Sulpicius, avait géré le consulat en 364 et 361, et le sixième, L. Aemilius, en 366 et 363.

L'on voit que les séries d'interrois, mentionnées par les anciens, confirment le témoignage des sources, d'après lequel l'interroi désignait librement son successeur parmi les sénateurs curules patriciens.

Cependant, en résulte-t-il que cette désignation ne pouvait se faire qu'à la fin du cinquième jour, au moment même où l'interroi transmettait ses pouvoirs au successeur? N'était-il pas permis que lors de la désignation du premier interroi par les patres, au Sénat même, les sénateurs curules patriciens s'entendent d'avance et règlent de commun accord la série d'un certain nombre d'interrois d'après la durée probable de l'interrègne ?

Non-seulement rien ne s'oppose à cette désignation anticipée, mais la pratique la rendait presque indispensable. Il était de l'intérêt des citoyens de savoir d'avance quel serait à tel ou tel jour le dépositaire de la magistrature suprême, alors qu'elle changeait de titulaire tous les cinq jours, de même que les sénateurs qui étaient aptes à la fonction d'interroi, devaient préférer régler selon leurs convenances l'époque de l'exercice de ce pouvoir éphémère, plutôt que d'y être appelés inopinément.

L'entente préalable des sénateurs curules patriciens était spécialement nécessaire à la dernière époque de la République. Prenons comme exemple l'interrègne de 53. Il a duré au delà de six mois (1), partant plus de 177 jours (2). Il y a eu une série d'au moins 36 interrois. A cette même époque les sénateurs curules patriciens, présents à Rome, étaient au maximum de 24. Ce sont (3) les censorii Cn. Lentulus Clodianus* (t. I, p. 428, no 3) et M. Valerius Messala (ib., p. 430, no 8), les consulares Cn. Cornelius Dolabella* (p. 431, no 9), M' Aemilius Lepidus (p. 437, n° 19), L. Manlius Torquatus (ib., no 20), L. Julius Caesar (p. 438, no 21) (4) et Ap. Claudius Pulcher (p. 449, n° 36) (5), les praetorii C. Claudius Nero (p. 449, no 38), A. Manlius Torquatus* (p. 456, no 66), P. Cornelius Dolabella* (p. 457, n° 72), Ti. Claudius Nero* (p. 458, no 76), P. Sulpicius Galba* (p. 460, n°82), Ser. Sulpicius Rufus (p. 462, n° 90), C. Sulpicius (Galus)* p. 464, n° 98), L. Valerius Flaccus* (p. 464, n° 99), M. Valerius Messala (p. 467, n° 106), Cn. Lentulus Clodianus* (p. 470, no 114), A. Postumius Albinus (p. 471, n° 117), L. Lentulus Crus (p. 472, no 123), Sex. Quinctilius Varus* (p. 476, no 135), M. Aemilius Scaurus (p. 476, no 138) (6), Ser. Sulpicius Galba (p. 484, no 155) (7), et les aedilicii Q. Fabius Maxumus (p. 484, n° 157) et L. Aemilius Paulus (p. 485, no 160) (8).

*

(1) Dio Cass., XL, 45. Cf. Cic., p. Mil., 9 § 24. App., B. C., II, 19. (2) Total des jours des six premiers mois de l'année, antérieurement à la réforme de César.

(3) L'astérisque indique qu'il n'y a pas de renseignements certains prouvant que ces sénateurs vivaient encore en 53. Puisque parmi eux, selon toute probabilité, plusieurs étaient morts en 53, le nombre de 24 est plutôt au dessus de la réalité. Car, à cette époque si connue, il n'y a guère ou du moins fort peu de sénateurs curules patriciens dont les noms n'aient pas été conservés par la tradition.

(4) C. Julius Caesar (T. I, p. 441, no 27) était absent de Rome en 53.

(5) Il partit en 53 pour le gouvernement de Cilicie; mais il était à Rome pendant les premiers mois de cette année.

(6) C. Claudius Pulcher (T. I, p. 477, n° 140) était absent de Rome en 53. (7) Il avait été préteur en 54 et était donc encore à Rome au commencement de 53.

(8) M. Aemilius Lepidus (T. I, p. 519, no 319) ne fut probablement édile curule qu'en 53, partant après l'interrėgne.

Il est donc certain qu'en 53, si même tous les sénateurs curules patriciens présents à Rome ont été revêtus successivement de la fonction d'interroi, au moins la moitié d'eux a géré cette fonction deux fois. Aussi est-il probable que le censorius M. Valerius Messala qui fut interroi trois fois, géra cette dignité une fois en 55, et deux fois en 53, et qu'il ne fut pas interroi en 52.

On comprend dès lors qu'après la désignation du premier interroi par les patres les sénateurs curules patriciens s'entendent pour déterminer d'avance l'ordre de succession des interrois, pour fixer une série qui, étant épuisée, pourra

recommencer.

Il est naturel aussi qu'il était libre aux patriciens curules de décider que la succession serait réglée par le rang sénatorial et qu'elle commencerait soit par le premier, soit par le dernier en rang.

Il semble même que dans l'interrègne de 52 on s'est conformé à un tel ordre. L'interrègne commença le 21 janvier (1) et finit a. d. V Kal. Mart. mense intercalario (2); il dura 56 ou 57 jours (3). Il y eut donc douze interrois qui se succédèrent; le premier fut M. Aemilius Lepidus (4); le dernier ou douzième Ser. Sulpicius Rufus (5). A ce moment M. Aemilius Lepidus était le dernier en rang des sénateurs curules patriciens. En remontant la liste indiquée plus haut nous trouvons : 2o L. Aemilius Paulus.

3° Q. Fabius Maxumus (6).
4° M. Aemilius Scaurus.
5° Sex. Quinctilius (Varus)*.

6° L. Lentulus Crus.

(1) Ascon., p. 43. Cf. p. 32.

(2) Ascon., p. 37.

(3) Les 9 jours de janvier, 25 jours de février, et le mois intercalaire qui en cette année était, on ne sait au juste, de 22 ou 23 jours. Voyez Mommsen, Röm. Chronol.

(4) Ascon., p. 34, 43.

(5) Ascon., p. 37. Voyez plus haut.

(6) Ser. Sulpicius Galba fut sans doute propréteur en 53, et n'était pas encore de retour à Rome en 52. C. Claudius Pulcher était à cette époque en exil.

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