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D'ailleurs, même quand le pouvoir exécutif exécute des sénatus-consultes, les tribuns ont le droit d'opposer leur veto (1), sauf les cas spéciaux où une loi le défend (2).

Dans tous ces cas de conflit, le Sénat ne dispose que de moyens indirects pour maintenir son autorité.

Ce fut, dans les trois premiers siècles de la République, la nomination d'un dictateur (3). Mais c'était une arme à deux tranchants car, si la nomination du dictateur enlevait aux magistrats dont le Sénat avait à se plaindre, les moyens d'opposition, d'autre part le dictateur lui-même était plus indépendant du Sénat que tout autre magistrat (4).

D'autres fois, le Sénat, pour assurer l'exécution de ses décisions malgré le mauvais vouloir du pouvoir exécutif, invite les tribuns à peser de leur autorité sur les magistrats exécutifs, et ce n'est pas la moindre preuve de la bonne entente qui a régné plusieurs siècles entre le Sénat et le tribunat, que ces exemples où le Sénat, pour se faire obéir par les consuls ou proconsuls en campagne, faisait accompagner la députation qui portait la décision du Sénat, de tribuns de la plèbe (5), bien qu'en droit strict ceux-ci n'eussent aucun pouvoir au-delà de mille pas de Rome.

D'autres fois encore, le Sénat sollicitait les tribuns de rendre ses décisions obligatoires, en les transformant en

(1) Cic., ad Att., IV, 16 § 12. Cf. ad Q. fr., III, 4 § 6. Liv., XXXII, 7.

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(2) Ascon., p. 58: Neve quis cum solutus esset (ex s. c.), intercederet quum de ea re ad populum ferretur. »

(3) Cf. Liv., XXX, 24 : « Quod ubi Romae vulgatum est, primo censue” rant patres, ut praetor scriberet consuli, senatum aequum censere in Italiam reverti eum : dein cum praetor spreturum eum litteras suas diceret, dictator ad id ipsum creatus P. Sulpicius pro jure majoris imperii consulem in Italiam revocavit.

"

(4) Polyb., III, 87 : « Oto; d (le dictateur, par opposition aux consuls qui en beaucoup de choses ont besoin du Senat) ἐστὶν αὐτοκράτωρ στρατηγός. » Dionys., VI, 40 : « αυτοκράτορι ἀρχῇ, δι' ἦν τὰ δόξαντά μοι κράτιστα εἶναι καὶ δίχα ἐκείνης (τῆς βουλῆς) επικυρούν δυνήσομαι. » Cf. Liv., VIII, 33. — Mommsen, Staatsr., II,

158-159.

(5) Par ex. en 310 à l'égard du consul Fabius (Liv., IX, 36), en 204 à l'égard du proconsul Scipion (Liv., XXIX, 20). — Voyez Ch. VI, § 7.

plébiscites (1). Il est vrai que le pouvoir exécutif ou les tribuns pouvaient se servir du même expédient contre le Sénat, et, s'ils avaient la faveur du peuple, casser le sénatus-consulte par voie législative, et obtenir par une loi ce que le Sénat avait refusé (2).

Cependant, comme nous l'avons déja observé, les conflits entre le pouvoir exécutif et le Sénat ont été relativement rares. Les pouvoirs des consuls et des préteurs étaient annuels; après leur abdication, ces magistrats étaient responsables devant le peuple; les commandements militaires et les gouvernements provinciaux étaient décernés ou prorogés par le Sénat aux ex-consuls ou ex-préteurs (3). Le Sénat, au contraire, était un Corps nombreux, composé d'hommes influents et qui conservaient presque toujours leur dignité à vie. Il était dangereux pour les consuls et les préteurs d'engager la lutte avec un Corps aussi puissant (4), dont l'inimitié leur serait redoutable après leur sortie de charge. C'est, croyons-nous, le secret qui explique pourquoi le Sénat romain, quoique simple Corps consultatif, a joui durant la République d'une influence aussi considérable.

(1) Cf. Liv., XXVII, 5, XLII, 21.

(2) Cf. Liv., XXVIII, 45. Sall., Jug., 73. Ps. Cic., de dom., 9 § 24.

(3) Cf. Polyb., VI, 15. Voyez ch. VI, § 2-4.

(4) Cf. Cic., Phil., III, 13 § 32 : « Magna vis est, magnum nomen unum et idem sentientis senatus. »

CHAPITRE II.

LES DÉPARTEMENTS DE L'INTÉRIEUR ET DE LA JUSTICE.

§ 1. LES MESURES DE SALUT PUBLIC.

Le Sénat, Conseil public du peuple romain, a le droit et le devoir de veiller au salut de l'Etat. Dans les moments de crise intérieure ou extérieure, les chefs du pouvoir exécutif sont obligés de consulter le Sénat sur les mesures qu'il convient de prendre pour écarter les dangers qui menacent l'existence de la République.

Les mesures de salut public, décrétées par le Sénat, ont varié dans les diverses périodes de l'histoire romaine. Ce furent spécialement, pendant les trois premiers siècles de la République, la nomination d'un dictateur, au dernier siècle, le senatusconsultum ultimum: « Videant consules praetores tribuni plebis ne quid respublica detrimenti capiat. »

Article 1. La nomination d'un dictateur (1).

La dictature fut instituée peu d'années après l'expulsion des rois (2). Elle avait pour but de concentrer entre les mains d'un seul magistrat toute l'administration de l'Etat, quand cette mesure était requise (3) par le danger d'une guerre difficile (rei gerundae causa), ou d'une sédition intestine (sedi

(1) Lange, I, 749-751 (3e éd.). Mommsen, Staatsr., II, 140-143 (2e éd.). Alb. Dupond, De dictatura et magisterio equitum. Paris, 1875.

(2) Voyez Lange, I, 583.

(3) Fast. Cap. a. U. 386. Cic., de leg., III, 3 § 9. Orat. Claud. (Nipperdey, éd. de Tac., II, p. 223) : « In asperioribus bellis aut in civili motu. »

tionis sedandae causa): lium (1). "

"In rebus trepidis ultimum consi

Pendant la dictature les pouvoirs des autres magistrats sont suspendus. Les actes du dictateur ne sont pas soumis à l'intercession tribunicienne (2). Son imperium est sine provocatione (3).

Le droit de décider, si la situation de l'Etat réclame la nomination d'un dictateur, appartient au Sénat seul (4). Jamais un dictateur n'a été nommé, sans décret préalable du Sénat (5). Si le Sénat décrète qu'il y a lieu de recourir à cette mesure extraordinaire, il ordonne aux consuls (tribuns consulaires) (6) de procéder à la désignation du dictateur.

Que si les deux consuls sont à Rome, il délègue la charge aux deux consuls qui ont ensuite à décider à l'amiable (7) ou par le tirage au sort (8) lequel des deux fera la nomination.

Si un seul consul est présent à Rome, c'est à lui qu'incombe la nomination (9).

Si les deux consuls sont absents, opérant en des contrées différentes, le Sénat mande à Rome celui qui peut être prévenu le plus facilement ou le plus vite, ou il lui commnnique sa décision (10).

Dans l'exercice de cette attribution, le Sénat n'agit pas comme simple pouvoir consultatif. Du moment qu'un magis

(1) Liv., IV, 56, 58, VI, 38 § 3.

(2) Voyez Lange, I, 757.

(3) Liv., II, 18.

(4) Liv., IV, 17, 23, 46, 56, VI, 11, VII, 12, 21, 24, 25, VIII, 17, 29, XXII, 57. Cf. Cic., de leg., III, 3 § 9:" Si senatus creverit. »

(5) Nous attachons donc peu de valeur au discours que Tite-Live (V, 9 § 6) attribue à un tribun consulaire, et dans lequel celui-ci menace ses collègues de nommer extemplo un dictateur, sans qu'il soit question d'une décision du Sénat. Il nous est impossible d'admettre avec Mommsen (Staatsr., II, 140, no 4) qu'en droit strict l'autorisation du Sénat ne fût pas nécessaire pour que le consul procédat à la nomination d'un dictateur. Le passage de Tite-Live (IV, 57) que Mommsen invoque, n'autorise pas cette conclusion. Voyez p. 241, no 2. (6) Liv., IV, 31, 57.

(7) Liv., IV, 21, cf. VIII, 12, IX, 7.

(8) Liv., IV, 26.

(9) Liv., VIII, 12, 29, IX, 29, XXVII, 5.

(10) Liv., VII, 12, 19, VIII, 23, IX, 38, Epit. XIX, XXIII, 22.

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