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Le Sénat pouvait déléguer aux magistrats les pouvoirs qui étaient de sa compétence. Il pouvait metter à leur disposition les ressources de l'Etat et les armées de la République, suspendre les exemptions du service militaire, ordonner le tumultus et le justitium. Mais, en droit strict, il ne pouvait pas suspendre l'application des lois existantes, spécialement des lois qui protégeaient la liberté personnelle des citoyens, des lois de provocatione. Nulle part il n'est question d'une loi qui ait investi le Sénat du droit de voter ces mesures extraordinaires ou donné force légale au senatusconsultum ultimum. Aussi le parti des populares n'a-t-il jamais reconnu la légalité des condamnations et des exécutions capitales, ordonnées par les consuls sans l'observance du jus provocationis (1).

Les populares ne pouvaient intenter aucune action contre le Sénat, corps collectif. D'après eux, le Sénat avait siégé dans ces procès uniquement comme Corps consultatif, comme conseil des magistrats (2); et la responsabilité de l'exécution incombait aux magistrats qui l'avaient ordonnée ou aux citoyens qui y avaient personnellement participé (3).

Le consul Opimius fut poursuivi devant la plèbe, immédiate. ment après sa sortie de charge (4).

C. Rabirius fut accusé en 63 du chef de perduellio pour avoir participé en 100 au meurtre de Saturninus (5).

Cicéron fut menacé, immédiatement après sa sortie de charge, d'nne poursuite du chef d'exécution illégale de citoyens romains. Le Sénat le sauva en 62, en menaçant du vote du 8. c. ultimum le tribun Metellus Nepos, qui voulait se charger

(1) Cf. Cic., de or., II, 30-31 § 132-134, orat. part., 30 § 106. Ps. Sall., or in Cic., 3 § 5.

(2) Cette interprétation était naturellement combattue par les optimates. Cf. Cic., in Pis., 7 § 14 : « Crudelitatis tu, furcifer, senatum consul (Piso) in concione condemnas? Non enim me (Cicéron) qui senatui parui. Nam rela tio illa (sur le supplice des Catilinaires) salutaris et diligens fuerat consulis : animadversio quidem et judicium senatus. »

(3) Cf. Cic., p. Mil., 3 § 7-8, Phil., II, 8 § 18. Dion. Cass., XXXVII, 42. (4) Voyez plus haut, p. 250.

(5) Dio Cass., XXXVII, 26. Suet., Caes., 12. Cf. Cic., pro Rabirio perduel lionis reo.

de la poursuite (1). Néanmoins, en 58, Cicéron dut se rendre en exil à la suite du plebiscitum Clodium: qui civem Romanum indemnatum interemisset, ei aqua et igni interdiceretur (2).

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Les optimates justifiaient, il est vrai, ces exécutions, en prétendant que les citoyens, déclarés ennemis par le Sénat, n'étaient plus citoyens (3), et partant, n'avaient aucun droit à la provocatio. C'était une pure chicane car précisément le Sénat n'avait le droit ni de déclarer la guerre ni celui de déclarer un citoyen ennemi de la République ni de le priver de son droit de cité. Ces pouvoirs compétaient essentiellement au peuple, au pouvoir législatif (4).

La seule considération qui puisse légitimer le vote du s. c. ultimum, c'est qu'il était pris dans des circonstances où le salut de l'Etat obligeait le Sénat de se mettre au-dessus de la légalité (5), et de suivre la maxime que Cicéron prescrit aux consuls dans l'exercice du commandement militaire : " Salus populi suprema lex esto (6).

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(1) Dio Cass., XXXVII, 42.

(2) Vell. Pat., II, 45. Cf. Dion. Cass., XXXVIII, 14, 17. Liv., Epit., CIII. App., B. C., II, 15. Plut., Cic., 30. Cic., p. Sest., 24 § 53, in Pis., 7 § 16. Ps. Cic., p. red. in sen., 2 § 4. Zumpt, Das Criminelrecht der röm. Rep., I, 2, 418 suiv. Nissen, l. 1., p. 57 suiv., préfère à tous les auteurs que nous venons d'énumérer, le témoignage du Ps. Cic., de dom., 19 § 50, et prétend que Cicéron fut exilé du chef de falsification de sénatus-consultes. Par malheur, le passage de Ps. Cicéron repose, comme nous l'avons indiqué plus haut (p. 205, no 4), sur une méprise.

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(3) Cf. Cic., Cat., IV, 5 § 10: Legem Semproniam esse de civibus Romanis constitutam : qui autem rei publicae sit hostis, eum civem esse nullo modo posse.» Cf. III, 6 § 15.

(4) Nissen, Das Justitium, est d'un tout autre avis. D'après lui le Sénat eut de tout temps le droit de prendre toutes les mesures que le salut public exigeait (p. 25). Il a le droit de déclarer des citoyens ennemis de la République (p. 26), le droit de suspendre les lois par le s. c. ultimum, le droit de suspendre le droit par le justitium (p. 134). Cependant, ajoute-t-il, les magistrats ne sont pas obligés d'exécuter les décisions du Sénat, et s'ils le font, ils sont seuls responsables (p. 23, 25). — C'est, il faut bien l'avouer, un étrange système.

(5) Cf. Cic., de or., II, 31 § 134, or. part., 30 § 106. Val. Max., III, 2 § 17. (6) Cic., de leg., III, 3 § 8.

Article 4. Le sénatusconsulte

" contra rempublicam factum videri (1). "

Nous avons dit plus haut (2) que fréquemment, après le vote du s. c. ultimum, le Sénat se prononce sur la culpabilité des actes qui ont donné lieu à cette mesure extrême, en décrétant qu'ils sont contra rempublicam.

Parfois aussi, le Sénat décrète cette qualification avant de recourir au s. c. ultimum (3). Plus souvent encore, il la décrète à l'égard d'actes futurs que des magistrats ont l'intention de poser (4).

Dans les deux derniers cas, cette décision est un avertissement (5) que le Sénat adresse aux auteurs de ces actes ou de ces projets qu'il juge nuisibles à l'Etat. Elle signifie que s'ils per

(1) Ad. Nissen, Das justitium, Leipzig, 1877.

(2) Voyez p. 254, no 5.

(3) Par exemple, en 56, après que des troubles ont eu lieu pour empêcher la séance d'un tribunal, le Sénat décrète : "ea quae facta essent a. d. VIII id. febr., contra remp. esse facta. » Cic., ad Q. fr. II, 3 § 3.

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(4) En 100, Senatus decrevit si eam legem ad populum ferat (Saturninus, tr. p.), adversus remp. videri eum facere (Auct. ad Her., I, 12 § 21). En 62, si quelqu'un veut poursuivre Cicéron du chef de l'exécution des conjures, ἔν τε ἐχθροῦ καὶ ἐν πολεμίου μοίρα ἔσται (Dio Cass., XXXVII, 42). — En 59, "fit s. c. ut Vettius... in vincula conjiceretur: qui eum emisisset, contra remp. esse facturum » (Cic., ad Att., II, 24 § 3). En 57, qui id impedisset, vos graviter molesteque laturos; illum contra remp. salutemque bonorum concordiamque civium facturum (Ps. Cic., p. red. in sen., 11 § 27, cf. p. Sest., 61 § 129), Decrevit senatus... qui meam domum violasset, contra remp. esse facturum » (Ps. Cic., de har. resp., 8 § 15). — En 51 : « qui impedierit prohibuerit (quominus ad senatum referatur) eum senatum existimare contra remp. fecisse» (Cic., ad fam., VIII, 8 § 6). En 49: uti anti certam diem Caesar exercitum dimittat si non faciat, eum adversus remp. facturum videri » (Caes., B. C., I, 2). Voyez aussi la sententia proposée par César en 63 (Sall., Cat., 51, s. f.), et un avis émis en 57:

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• qui judicia impedisset, eum contra remp. esse facturum. » (Cic., ad Q. fr., II. 1 § 2).

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(5) Ici encore Nissen attache à ce décret des conséquences trop positives. Le s. c. contra rempublicam factum » est mentionné par Tite-Live déjà dans les siècles antérieurs (III, 21 § 3, XXV, 4, cf. IV, 48 § 15); mais il n'avait pas la portée d'une menace directe contre des magistrats, comme au dernier siècle de la République.

sistent dans leur conduite séditieuse, le Sénat est disposé à prendre des mesures plus rigoureuses par le vote du s. c. ultimum (1).

§ 2. LES MESURES D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE.

L'administration de l'Etat compète aux magistrats ordinaires, élus par le peuple. La loi institue les magistratures, fixe le nombre de titulaires dont chaque collége se compose, et détermine leurs attributions ordinaires.

Ces attributions sont exercées par tous les titulaires, siégeant en collége, ou bien elles sont réparties entre eux de commun accord ou par la voie du sort.

Dans le cas de partage d'attributions, ce qui s'applique spécialement aux consuls, opérant hors de Rome, aux préteurs et aux questeurs, le Sénat arrête annuellement, avant la répartition à l'amiable ou par le sort, la base du partage, en divisant les attributions, en règle générale, en un nombre de départements ou de provinciae égal à celui des titulaires. Ainsi annuellement un sénatusconsulte détermine les provinces consulaires militaires, les provinces prétoriennes judiciaires, militaires et provinciales, et les départements questoriens, soit de l'ordre financier à Rome et hors de Rome, soit de l'ordre militaire et financier en Italie et en province. Pendant les derniers siècles de la République la décision annuelle sur les provinces consulaires, prétoriennes et questioniennes, était une des attributions les plus importantes du Sénat. Mais ce pouvoir ne remonte pas, du moins dans l'étendue qu'il a eue plus tard, jusqu'à l'origine de la République. Dans l'étude des diverses branches de l'administration, spécialement de la justice et du commandement militaire, nous en rechercherons l'origine et le développement historique.

Si les magistrats sont investis d'attributions propres qu'ils exercent en vertu de leur magistrature même, le Sénat peut

(1) Ce fut le cas, en 100, contre le tribun Appuleius Saturninus (cf. p. 250, n° 3, et p. 254, no 1), et en 49 contre le proconsul César (Caes., B. C., I, 2, 5).

leur déléguer certaines fonctions déterminées, rentrant dans les départements administratifs qui sont subordonnés plus spécialement à son autorité, tels que le culte, les finances, les affaires étrangères (1). Le Sénat se servait surtout des questeurs résidant à Rome pour leur confier diverses missions (2), de même que selon les circonstances il pouvait imposer des charges spéciales aux colléges qui composaient le XXVI viratus. Quodcumque senatus creverit agunto (3). » C'est le principe que Cicéron énonce, en déterminant leurs attributions.

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Bien que le Sénat n'eût pas le droit de destituer des magistrats (p. 108), et qu'à la rigueur il outrepassât ses pouvoirs, quand à la faveur du s. c. ultimum il prononçait la suspension d'un magistrat (p. 254), cependant, dans les derniers siècles de la République, il arrive que non-seulement après le tirage au sort il échange de son autorité des départements prétoriens (4), mais même qu'il enlève à un questeur le département questorien qui lui est échu. En 106 ou 105 avant J.-C. il transféra le département d'Ostie du questeur Appuleius Saturninus à un sénateur qui n'était pas même magistratif effec tif, au consulaire M. Scaurus, prince du Sénat (5).

La durée de la magistrature est réglée par la loi. Cependant, dans les derniers siècles de la République, le Sénat avait le droit de proroger, non la magistrature, mais les pouvoirs des consuls, préteurs ou questeurs, exerçant des fonctions hors de Rome (pro magistratu) (6).

A Rome même, un telle prorogation de pouvoirs n'a jamais été accordée par le Sénat si ce n'est pour certaines attributions

(1) Voyez plus loin les chapitres qui traitent de ces départements.

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(2) Mission d'aller au devant de députés étrangers et les conduire à Rome. Ch. V §5. Cf. Val. Max., V, 1 § 1: « Cum Albae in quam custodiae causa relegatus erat, decessisset (Perses), quaestorem misit (senatus) qui eum publice funere efferret.

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(3) Cic., de leg., III, 3 § 6.

(4) Voyez plus loin § 4, art. 1.

(5) T. I, p. 232, no 1.

(6) Voyez sur l'origine de ce droit le Ch. VI.

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