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République, et que parmi les instruments les plus puissants de cette influence l'Orateur compte la patrum auctoritas. N'estce pas dépasser les bornes de la subtilité que de prétendre avec Lange (1), que Cicéron distingue ici expressément entre le Sénat et la patrum auctoritas? Car, dit-il, les nobiles dont l'influence est maintenue par la patrum auctoritas, ce ne sont pas uniquement les sénateurs, tandis que tous les patriciens sont nobiles. Comme si Cicéron ne représentait pas ici le Sénat comme le centre et l'organe essentiel de la nobilitas!

:

V. Aux témoignages de Denys, Tite-Live et Cicéron, il faut encore ajouter le témoignage formel de Servius. Le scoliaste explique la formule populusque patresque (2) dans les termes suivants Transfert in Trojanos Romanam consuetudinem, ut solet plerumque prius enim jubebat aliquid populus; postea confirmabat senatus. » Pour Servius donc ici, la patrum auctoritas est l'attribution du Sénat; et ce qui augmente la valeur de son témoignage, c'est que Servius a emprunté cette notice à une bonne source qui connaissait l'ancienne procédure.

VI. Au contraire, l'Auteur du discours de domo, assigné généralement à Cicéron, exprime une opinion toute différente sur la patrum auctoritas. A propos de la transitio ad plebem du patricien P. Clodius (Claudius Pulcher), l'Orateur fait remarquer que si tous les patriciens suivaient l'exemple de Clodius, la patrum auctoritas serait rendue impossible (3). "Ita populus Romanus brevi tempore neque... habebit... neque

AUCTORES CENTURIATORUM ET CURIATORUM COMITIORUM.

"

D'après l'Auteur de ce discours donc, la patrum auctoritas, au dernier siècle de la République, aurait appartenu aux patriciens seuls.

Concluons. D'après Denys, Tite-Live, Cicéron (de rep.) et Servius, la patrum auctoritas est exercée par le Sénat. Les passages de Tite-Live, de Gajus et de Salluste, où il est ques

(1) De patrum auct. comm. I, 10.

(2) Ad Verg. Aen., IX, 192.

(3) 14 § 38.

tion de patricii auctores, admettent une interprétation qui ne contredit pas l'exercice de l'auctoritas par le Sénat. Ce pouvoir est formellement dénié au Sénat par l'Auteur du discours de domo.

Mettons en regard de la tradition les systèmes défendus par les savants modernes. De même que pour l'interrègne, ils sont au nombre de quatre.

I. Système de Niebuhr, suivi dans ses traits généraux par Becker, Schwegler, Walter et Clason.

La patrum auctoritas est exercée par les patriciens, réunis en comices curiates; en fait d'élections la patrum auctoritas s'identifie avec la lex curiata de imperio.

Réfutation. Cette hypothèse, basée sur une autre hypothèse, celle de la composition exclusivement patricienne des comices curiates, est en contradiction formelle avec la tradition. Il n'y a pas un seul passage d'un auteur ancien qu'elle puisse invoquer légitimement en sa faveur. Au contraire, Tite-Live, à l'époque duquel les comices curiates et la patrum auctoritas (1) existaient encore, distingue expressément entre ces comices et les patres, en affirmant que les lois curiates sont soumises à la patrum auctoritas (2).

Le passage que les défenseurs de ce système invoquent plus spécialement, celui de l'Auteur de domo, 14 § 38, lui est formellement contraire. Il y est dit : « Patricii... auctores curiatorum comitiorum. Donc l'auctoritas ressortit à un autre pouvoir qu'aux comices curiates.

"

C'est à tort qu'on a prétendu conclure à l'identité de la patrum auctoritas et de la lex curiata de imperio de la comparaison de deux textes de Cicéron (de leg. agr., II, 10 § 26 et p. Planc., 3 § 8). Dans le premier l'Orateur dit : « Majores de omnibus magistratibus bis vos sententiam ferre voluerunt. Nam quum centuriata lex censoribus ferebatur, quum curiata ceteris patriciis magistratibus; tum iterum de eisdem judicabatur, ut esset reprehendendi potestas, si populum beneficii sui poeniteret.»

(1) I, 17.

(2) Nec centuriatis nec curiatis comitiis patres auctores fiant VI, 41.

Dans le second passage il s'exprime ainsi : « Quod patres apud majores nostros tenere non potuerunt, ut reprehensores essent comitiorum. La distinction est manifeste. En refusant la lex curiata de imperio, le populus peut annuler l'élection dont il se repent. En refusant l'auctoritas, les patres peuvent annuler l'élection faite par le populus. Aussi Cicéron distingue-t-il ailleurs expressément entre la lex curiata et la patrum auctoritas : « Regem alienigenam patribus auctoribus sibi ipse populus ascivit... Qui quamquam populus curiatis eum comitiis regem esse jusserat, tamen ipse de suo imperio curiatam legem tulit (1).» D'ailleurs, la lex curiata de imperio a toujours suivi l'élection (2); tandis que depuis la lex Maenia la patrum auctoritas la précédait.

Le terme même d'auctoritas semble exclure l'intervention des comitia ou de l'assemblée du populus. Le peuple dans les comices ordonne ou défend (jubet, vetat) (3); il ne ratifie pas (auctor). La décision du peuple s'appelle lex, scitum, non pas auctoritas. Cicéron s'exprime formellement à cet égard : « Potestas in populo, auctoritas in senatu (4). ›

II. Système de Lange.

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Lange qui avait d'abord suivi l'opinion de Niebuhr et Becker (5), a émis récemment un système nouveau d'après lequel les patres auctores seraient les patres familias gentium patriciarum (6).

Cette hypothèse, comme l'Auteur le reconnaît lui-même, ne s'appuie sur aucun passage déterminé d'un écrivain ancien,

(1) De rep., II, 13 § 25.

(2) « Jam hoc inauditum, et plane novo more, uti curiata lege magistratus detur cui nullis comitiis ante sit datus.» Cic., de leg. agr., II, 10 § 26. (3) Gell., N. A., XIII, 16 (15) § 3.

(4) De leg., III, 12 § 28. Cf. Phil., VI, 3 § 5 : « Senatus judicium et auctoritatem, voluntatem vestram (populi) potestatemque. » (Sall.) Epist. ad C. Caes. de rep. ord., II, § 5: «Antea in patribus summa auctoritas erat. » (Gerl., I, p. 271.) Cf. Cic., de leg. agr., I, 9 § 27, p. Rab. perd. reo, 1 § 2, 5 § 17.

(5) Röm. Alterth., I, 266-268, 350-352 (2o éd.), II, 45-48, 562 563 (2o éd.). (6) De patrum auctoritate commentationes duae, spécialement I, 33-38, et Röm. Alterth., I, 300-307 (3o éd.).

mais sur la signification que l'Auteur attribue au mot patres auquel il conserve son sens patriarcal, sur l'histoire interne du Sénat qui n'a jamais pu être investi d'un droit de sanction ou de cassation, et enfin sur le sens juridique du mot auctor (1).

Nous serions entraîné trop loin s'il fallait discuter chacune des preuves, avancées par Lange. A notre avis, pour réfuter cette hypothèse, il suffit d'appeler l'attention sur ces deux points-ci :

a) Plusieurs écrivains anciens affirment positivement que l'auctoritas appartenait au Sénat; aucun ne mentionne expressément les patres familias patriciarum gentium.

b) Une assemblée, composée des patres familias gentium patriciarum, est chose absolument inconnue dans l'histoire de la République romaine.

III. Système proposé par Huschke et Broecker, défendu spécialement par Mommsen, et adopté par Christensen et Herzog.

Les patres auctores ne sont pas tous les patriciens, réunis en comices curiates, mais les patriciens, membres du Sénat. Depuis que la plèbe fut admise au Sénat, les sénateurs plébéiens n'obtinrent aucune part à la patrum auctoritas. Elle resta une attribution propre des sénateurs patriciens.

L'hypothèse de Mommsen s'appuie tout spécialement sur le texte du discours de domo cité plus haut; elle se prévaut aussi des autres textes où l'expression patres auctores est remplacée par celle de patricii auctores.

Cependant nous avons démontré plus haut que de ces passages, si l'on excepte celui de domo, il ne suit pas nécessairement que les patriciens fussent seuls investis de l'auctoritas. La formule patricii auctores s'explique, même si l'auctoritas appartenait au Sénat patricio-plébéien, quand on se rappelle que les patriciens étaient en forte majorité au Sénat à l'époque à laquelle ces passages se rapportent ou font allusion.

L'hypothèse de Mommsen est contredite par le témoignage

(1) Les preuves, avancées par Lange, ont été combattues par Christensen et Herzog dans deux articles des Jahrb. f. philolog., cités plus haut.

de Tite-Live qui au 1° et au 11° siècle avant J.-C. assigne la patrum auctoritas au Sénat entier; elle est contredite aussi par la formule officielle de la déclaration de guerre, qui attribue expressément la sanction du vote populaire au Sénat (1).

D'ailleurs il y a, en dehors de ces témoignages des anciens, certaines considérations qui suffiraient pour discréditer l'opinion que nous combattons.

Parmi les fragments des Histoires de Polybe, il se trouve une esquisse de la Constitution romaine au 11° siècle avant J.-C. (2). L'Historien grec a séjourné à Rome assez longtemps pour être parfaitement au courant des institutions romaines de son époque. Il était l'ami intime de Scipion Émilien, patricien de naissance et d'adoption et représentant le plus autorisé de l'aristocratie patricienne au Sénat. Si des pouvoirs politiques, comme la patrum auctoritas, étaient encore à cette époque réservés aux patriciens, Polybe en aurait eu connaisasnce, et il en eût dit au moins un mot. Nulle part, Polybe ne fait la moindre allusion ni à des priviléges des sénateurs patriciens, ni à des réunions spéciales de ces mêmes sénateurs.

Peu d'époques sont mieux connues jusque dans les moindres détails que le siècle de Cicéron. Il y a telle année dont nous pouvons poursuivre les événements jour pour jour. Si à cette époque les sénateurs patriciens étaient seuls en possession de la patrum auctoritas, il devait y avoir de temps à autre des assemblées du Sénat patricien. Cicéron ou quelqu'un de ses contemporains en aurait parlé; les Lettres de Cicéron contiendraient au moins quelque allusion à ces réunions de trente à quarante de ses collègues; Cicéron, le plébéien, aurait demandé, ce semble, à un de ses collègues patriciens ce qui s'était passé dans leurs conciliabules. Mais non; ni chez Cicéron, ni chez le patricien César, ni chez Salluste, ni ailleurs ne se trouve la moindre mention ni de ce privilége des sénateurs patriciens, ni d'une séance quelconque du Sénat patricien.

Concluons. Au dernier siècle de la République il n'y avait

(1) Voyez plus haut, p. 36.

(2) VI, 11-19.

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