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vent pas fondre. Les châteaux royaux de l'Escurial et de la Granja, les plus élevés de l'Europe, sont situés sur ses pentes: le premier a été construit avec le granit d'un gris rougeâtre qui la compose, et qui donne à ce palais monacal son aspect morne et sévère. Cette chaîne se continue vers le sud-ouest par la sierra de Gredos, où l'on trouve un petit glacier appelé el Palacio del Moro Almanzor; puis vient la peña de Francia (roche française), la sierra de Gata et celle d'Estrella, en Portugal.

4° Le système lusitanique est le moins élevé de tous. On n'y trouve nulle part des neiges éternelles. Ses racines se perdent dans les plateaux qui séparent les monts de Tolède de ceux de Cuença, vastes espaces entièrement planes, où les eaux semblent hésiter sur la pente qu'elles doivent suivre. Cette chaîne longue, basse et sinueuse, qui sépare le Tage du Guadiana, et que les Romains appelèrent mons Herminius, se poursuit, depuis les monts de Tolède, par les sierras de Guadalupe et de San-Pedro, en Espagne, et par les monts Estremos, en Portugal; puis, inclinant brusquement vers le sud, elle va se confondre avec les monts que M. Bory de Saint-Vincent veut à tort, selon nous, isoler, sous le nom de système cunéique, et qui aboutissent au cap Saint-Vincent par la sierra de Monchique.

5o Le système marianique (Marianus mons, sierra Morena) n'est guère plus élevé que le précédent, et ne présente que des pentes adoucies et des sommets ondulés comme des crêtes de coteaux. Aussi n'y rencontre-t-on point de neiges éternelles. La sierra Morena, quand on l'aborde en venant des plaines de la Manche, semble à peine s'élever au-dessus du niveau

des plateaux qu'on vient de traverser. Mais, àpei ne en a-t-on franchi la crête, presque sans s'en douter, qu'on est tout surpris de voir sous ses pieds les affreux précipices du Despeña perros. La végétation change brusquement: aux romarins, aux thyms, aux cysthes, succèdent tout d'un coup les agavés, les dattiers même et les plantes africaines. Cette singulière construction du sol, qu'on retrouve sur toute la Péninsule, n'est nulle part plus sensible que sur les deux versants si inégaux en hauteur de la sierra Morena (chaîne Noire), dont le nom vient du feuillage noirâtre des petits chênes verts, des lentisques et des arbousiers qui la tapissent.

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Une autre particularité de ce système de monts, c'est que, bien qu'il paraisse destiné par la nature à séparer les deux bassins du Guadiana et du Guadalquivir, les affluents de ces deux fleuves semblent prendre un capricieux plaisir à couper la chaîne qui les divise, pour aller verser leurs eaux dans un autre bassin que celui auquel ils appartiennent. Ainsi, le Guadarmena, véritable source du Guadalquivir, viert, du pied de la sierra de Alcaraz, traverser tout le système marianique pour se jeter dans le Guadalquivir; ainsi le Guadiana lui-même, après avoir coulé longtemps dans son propre bassin, entre les deux systèmes lusitanique et marianique, tourne brusquement au sud, et coupe cette dernière chaîne près de Serpa, pour porter ses eaux à l'Océan, dans le bassin même du Guadalquivir.

C'est cette brusque intersection de la chaîne marianique par le Guadiana qui a engagé plusieurs géographes à considérer comme un système isolé le groupe de montagnes qui occupe l'extrémité sud du

Portugal. On a donné à ce système le nom de cunéique d'après le cap de Saint-Vincent, le Cuneus de l'antiquité; mais ce système bâtard n'est évidemment qu'une continuation de la chaîne marianique, tout séparé qu'il en soit par le Guadiana, ou de la chaîne lusitanique, à laquelle il confine par le nord, et il ne nous paraît pas offrir assez d'importance pour former par lui-même un système isolé.

Enfin, une dernière particularité de cette bizarre sierra Morena, plateau d'un côté et montagne de l'autre, c'est qu'arrivés au sommet, du côté de la Manche, vous vous étonnez de voir les ruisseaux, que vous croiriez devoir en descendre, prendre au contraire leur cours dans la direction même des hauteurs, et s'y frayer un passage vers le sud. Ainsi les eaux qui ont creusé l'énorme ravin du Despeña perros sortent réellement du bassin du Guadiana, où elles formaient naguère un vaste lac, pour se jeter dans celui du Guadalquivir.

6o Le système bétique, dont le principal groupe est celui de la sierra Nevada, le plus élevé de toute la Péninsule, a sa racine située tout près de celle de la sierra Morena, à laquelle il confine par la sierra de Sagra. Il se dirige d'abord droit au sud par la sierra de Gador, dont les immenses contreforts descendent jusque près de la mer; puis, tournant brusquement à l'ouest par la sierra Nevada, il se continue ensuite par les sierras d'Alhama, d'Antequera et de Ronda, et va rejoindre près de Tarifa le système de l'Atlas, auquel il se liait probablement avant que les terribles convulsions dont il porte partout la trace eussent séparé les deux continents. Rien n'égale le sublime contraste de ces neiges étincelantes des feux du soleil africain avec ce ciel bleu et cette mer

plus bleue encore où leurs sommets se reflètent. Sur ces cimes glacées, les lichens de l'Islande trouvent à peine à enfoncer dans les interstices des rochers leurs maigres racines; et, à leur pied, les végétaux de la zône torride s'étalent dans tout leur luxe, réunissant ainsi dans un espace de quelques mille toises tous les contrastes de végétation que la nature a semés du pôle à l'équateur. Du haut de ces pyramides gigantesques du Mulahacen ou du picacho de Veleta, l'Afrique et l'Espagne déroulent sous vos yeux, dans une étendue de soixante lieues chacune, leurs côtes exactement parallèles, et s'arrondissent à l'ouest en une courbe gracieuse, pour former l'immense golfe et l'isthme, qui, trop faible pour supporter la pression des deux mers, a fini par leur ouvrir un passage.

se,

L'Espagne se divise en quatre grands versants, dont chacun fait face à l'un des quatre points cardinaux, et reproduit, suivant M. Bory, le climat et la végétation du continent qu'il regarde; hypothèse ingénieumais peut-être un peu subtile. Le premier est le versant cantabrique ou septentrional, placé en regard de l'Europe : il porte dans sa végétation un caractère uniquement européen, qui rappelle celui des contrées situées à l'ouest de l'Europe, telles que la Bretagne et le pays de Galles. Humide plus encore que froid, abrité des vents chauds du sud, et sans cesse battu par les vents du nord, dont rien ne le protége, cet étroit et long versant possède un climat tout à fait exceptionnel par rapport au reste de l'Espagne : une verdure épaisse et humide y tapisse toutes les pentes des montagnes, la vigne y croît rarement, et le cidre remplace le vin dans cette Normandie de la Péninsule.

Le versant lusitanique ou occidental, depuis le

cap Finistère jusqu'au cap Saint-Vincent, comprend dans cette longue étendue de côtes, courant du nord au sud, une telle variété d'expositions et de climats, qu'il serait difficile d'en saisir la physionomie commune: il est à la fois plus chaud que le versant cantabrique et plus froid que les deux autres. Les arbres qu'on y trouve le plus fréquemment sont, dans les montagnes, le chêne à glands doux (bellota), le pin, le châtaignier; dans les plaines et les vallons, la vigne, l'olivier, et vers le sud, une foule de plantes des îles atlantiques, les Açores, Madère et les Canaries, plantes qui s'y acclimatent avec une extrême facilité : de là ce caractère américain que M. Bory attribue à la végétation de ce versant; hypothèse nécessaire pour compléter son système, mais qu'il aurait dû appuyer d'un peu plus de

preuves.

Quant au versant bétique ou méridional, ce n'est pas nous, certes, qui nous inscrirons en faux contre sa ressemblance avec l'Afrique. La végétation, en effet, y est purement africaine, et y porte ce caractère d'aridité et de vigueur qui distingue la flore barbaresque de la verdure humide du continent américain. Le chamaerops, ou palmier nain, y croît sans culture, et les végétaux de l'Europe sont bannis de ce sol brûlant aussi conclurons-nous volontiers, avec l'auteur que nous avons cité, que la Péninsule a naguère été jointe à l'Afrique par un isthme que remplace aujourd'hui le détroit de Gibraltar.

:

Il suffit, pour s'en assurer, de remarquer la parfaite identité de formation géologique des deux promontoires de Tarifa et de Ceuta, composés de roches tellement pareilles que leur analogie a paru frappante aux habitants même les plus ignorants de ces

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