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lieux. On peut du reste observer la même analogie entre les côtes de la plupart des détroits, et notamment entre celles de France et d'Angleterre, dans la Manche. « On n'y voit pas, ajoute M. Bory, de ces plages adoucies qui annoncent une formation lente, mais de ces escarpements abrupts qui dénotent quelques fracassements. De grands éperons de montagnes projetés, l'un par le système bétique, l'autre par l'Atlas, s'y avancent fièrement l'un vers l'autre. Tout indique la violence des secousses qui durent les désunir, que le détroit qui joint les deux mers.n'a pas toujours existé. Les traditions de la fable, qui associent le nom d'Hercule à celui des deux contrées brusquement divisées, sont encore un témoignage de plus: car de tout temps, dit Pline, les peuples de la Bétique ont cru que la Méditerranée s'était fait un passage entre Calpé et Abila. »

et

A toutes ces preuves nous en ajouterons une que l'histoire nous fournit : le témoignage des auteurs de l'antiquité nous montre le détroit comme s'élargissant toujours à mesure que l'écrivain se rapproche des temps modernes. Ainsi, cinq cents ans avant JésusChrist, Scylax ne lui donnait qu'un demi-mille de largeur; Euctémon, au quatrième siècle, quatre milles; Turanius Gracilis, poète tragique espagnol, un siècle avant Jésus-Christ, cinq milles; Tite-Live, au premier siècle de l'ère, sept milles; Victor Vitensis, au cinquième siècle, douze; enfin, aujourd'hui, la moindre distance de l'Espagne à l'Afrique est réputée de quatorze milles.

du

Le quatrième versant, l'ibérique ou oriental, cap de Gata au cap Creuz, est le moins large de tous, et reproduit, toujours suivant le même auteur, le ca

ractère de la végétation asiatique. Ici, nous l'avouons, l'analogie nous échappe encore l'auteur, en remarquant lui-même la ressemblance de ce versant avec les côtes de la Sicile, de la Calabre et de la Grèce, en citant les arbres qui leur sont communs, tels que l'olivier, la vigne, le caroubier, l'agavé, le riz et le mûrier, n'avait pas besoin d'aller chercher plus loin des traits de ressemblance plus ou moins arbitraires.

L'Espagne peut également se diviser en deux grandes régions ou climats physiques : une ligne idéale, légèrement sinueuse, qui s'étendrait de Lisbonne vers le bassin inférieur de l'Ebre et la Cerdagne en suivant le cours du Tage et la chaîne du Guadarrama, et en coupant l'Ebre au dessus de Sarragosse, peut servir de limite à ces deux climats. Le BORÉAL ou tempéré contient le bassin du Duero et du Minho, l'Ebre supérieur et le versant cantabrique; le MÉRIDIONAL OU torride comprend le reste de la Péninsule.

Enfin, pour épuiser toutes les divisions de la science, il nous reste à nous occuper des bassins. On en compte, dans la Péninsule, cinq principaux : l'Ebre, le Duero, le Tage, le Guadiana et le Guadalquivir; et cinq moins importants, comme le Guadalaviar, le Xucar, le Segura, le Mondego et le Minho. La plupart de ces fleuves, loin de couler captifs entre des chaînes, comme on pourraît le croire d'après l'aspect de la carte physique, ont percé capricieusement leur route à travers ces épaisses murailles de rochers, et creusé dans leurs flancs de profonds ravins. Les lacs salés que l'on trouve en grand nombre dans la Péninsule, surtout en Aragon et en Catalogne, et les efflorescences salines que le sol, sur plusieurs points, produit spontanément, mettent hors de doute aux yeux

de la science qu'une masse considérable d'eau saléé a naguère recouvert toute la surface de la Péninsule. Or, avec l'étrange configuration que l'on connaît à l'Espagne, il est facile de comprendre que les eaux diluviales, en se retirant, durent s'écouler facilement sur les pentes des quatre versants, mais séjourner plus long-temps dans les plateaux du centre. Là, elles se

concentrèrent en lacs, qui, grossis peu à peu par les eaux pluviales, cherchèrent une issue, et, ne la trouvant pas, durent se la creuser sur les points les plus faibles et les moins résistants des chaînes qui les entouraient. Le premier obstacle une fois franchi, une masse d'eau plus ou moins forte, entraînée vers la mer par sa pente naturelle, s'épancha dans le bassin immédiatement inférieur, et, sans cesse grossie par les pluies et le trop-plein du bassin supérieur, dut chercher encore une fois une issue. C'est ainsi que, de bassin en bassin, d'étage en étage, les eaux diluviales ont descendu un à un les larges degrés de cet immense escalier, pour arriver à la mer, non sans laisser sur les plateaux du centre des traces évidentes de leur séjour.

C'est surtout vers le midi de l'Espagne, où le sol porte la trace de déchirements plus vastes et plus profonds, qu'on peut suivre cette route laborieuse des eaux sur les pentes plus abruptes qu'elles avaient à franchir. Ainsi le Guadiana, dont le point de départ est à peu près au centre de la Péninsule, entre les monts de Tolède et la sierra Morena, descend vers la mer de cette énorme hauteur de 3 à 400 toises, non pas par une pente continue, mais en franchissant brusquement l'espace qui sépare les trois ou quatre bassins superposés l'un à l'autre. Il perce d'abord le

mont Serena, à l'endroit où un rameau de la sierra Morena vient rejoindre la sierra de Guadalupe. Près du vieux château de Badajoz, il faut encore qu'il se creuse son chemin dans le roc; et enfin, plus bas, près de Serpa, il s'est frayé avec effort son passage dans une roche si étroite, que le peuple, dans son langage pittoresque, l'a appelée le Saut-du-loup (el Salto del lobo).

Le bassin d'Antequera, où l'on trouve également un lac salé, est le lit d'une ancienne Méditerranée qui s'est fait jour en perçant la serrania de Ronda. La belle Vega de Grenade fut également un lac, qui a dégorgé par le Genil, près de Loja, pour aller porter ses eaux au Guadalquivir, faute d'avoir pu percer, au sud, l'énorme mur des Alpujarras On peut en dire autant des rivières de Baza, d'Huescar, de Guadix et du Guadalete; du Sil, en Galice, qui a percé le val d'Orès par Peña-Forada (pierre forée); du Minho, au-dessous de Lugo; du Duero, à son entrée en Portugal; du Tage enfin, et de l'Ebre, vers Mequinenza, fleuves qui ont laissé sur plus d'un point des traces de leurs lents et gigantesques travaux pour s'ouvrir une route vers la mer.

Ces énormes masses d'eau salée, en séjournant sur le sol de la Péninsule avant d'avoir pu trouver une issue, alimentèrent les volcans éteints aujourd'hui, mais dont on sent encore les frémissements intérieurs, témoin le terrible tremblement de terre de Lisbonne. Des eaux thermales, des cratères de volcans et des courants de laves, dispersés, en petit nombre, il est vrai, sur quelques points du sol de la Péninsule, l'attestent encore mieux. C'est surtout en Catalogne, dans les monts de Cuença, près de Valence, dans la Man

che, en Portugal et au cap de Gata, que se rencontrent ces traces volcaniques.

Toutes les provinces de la Péninsule abondent en marbres de toute couleur et de la plus grande beauté. Le sel marin s'y trouve en aussi grande quantité que le sel gemme. On trouve à Almadan, dans la Manche, la plus riche mine de mercure qui soit au monde. Sauf l'étain, il n'est pas un des dons de la nature qui ait été refusé à ce sol aussi riche en produits minéraux qu'en végétaux de tous les climats. Le fer d'Espagne a toujours été aussi renommé que l'habileté des Espagnols à tremper l'acier et à en fabriquer des armes. C'est surtout en Biscaye que sont les mines les plus riches. Les mines d'argent, dont tous les historiens anciens nous ont vanté l'intarissable fécondité, semblent aujourd'hui épuisées, ou du moins la paresse et la pauvreté des habitants les ont fait renoncer à les exploiter. On trouve aussi dans la Péninsule du cuivre, de l'aimant, de l'or, et même des diamants et diverses sortes de pierres précieuses. Il est inutile d'ajouter que presque toutes ces richesses dorment enfouies dans le sol.

Mais la richesse de l'Espagne, ce sont ses troupeaux de moutons, richesse dévorante qui appauvrit le sol qu'elle pourrait féconder. D'immenses terrains, propres à la culture, sont laissés en friche pour nourrir ces bandes, non moins dévastatrices que celles des Goths et des Vandales, et qui se promènent d'un bout de l'Espagne à l'autre, sous la conduite de leurs bergers, plus redoutés des paysans que les voleurs eux-mêmes. Au seizième siècle les troupeaux de la Mesta, puissante compagnie privilégiée, qui emploie de quarante à soixante mille bergers, montaient à sept

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