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soigneusement conservée jusque là, commença à s'effacer, et les deux races à se fondre en une seule.

Laissons maintenant parler Isidore de Séville sur ce prince, que, catholique, il porte aux nues, et qu'arien, il eût probablement voué sans regret aux peines éternelles. Dussent ces éloges paraître exagérés, ils n'ont pas du moins été démentis par l'histoire : <<< Il était d'un naturel doux et calme, d'une bonté rare; et tel était sur les âmes l'empire de sa douceur, que ses ennemis même ne pouvaient résister à l'attrait qui les entraînait vers lui. D'une libéralité sans bornes, il restitua à leurs propriétaires tous les biens que son père avait confisqués. Ses richesses étaient aux pauvres autant qu'à lui: car il savait qu'il n'avait reçu le pouvoir que pour en faire bon usage, et mériter une bonne fin par de bonnes œuvres. »

Il mourut paisiblement (601) après quinze ans d'un règne tel que les Goths en comptent bien peu dans leurs annales. Heureux dans toutes ses entreprises, le bonheur de ses sujets occupa constamment sa pensée; et l'on ne trouverait peut-être pas dans tout l'occident, à cette triste époque, un règne où moins de sang ait été versé, moins de violences commises, moins d'atteintes portées à la fortune publique ou privée. Et cependant des complots continuels menacèrent la vie et le repos de ce prince si digne d'être aimé. La noblesse, dont il diminua l'influence pour favoriser celle du clergé, ne le lui pardonna jamais, et nous la verrons bientôt s'en venger sur sa race.

Rechared est le premier roi qui se soit fait couronner et oindre de l'huile sainte par la main des évêques, dans la ville royale de Tolède. Il prit, comme les rois des Ost-Goths et des Lombards, le titre bysan

tin de Flavius', et les historiens y ajoutèrent celui de catholique, qui plus tard appartint de droit à tous les rois d'Espagne.

C'est de ce règne de Rechared, hégire ecclésiasti→ que de l'Espagne gothique, que date l'influence du clergé ; c'est sous lui que les conciles de Tolède commencent à prendre toute leur importance; c'est sous lui enfin que le clergé se constitue comme un pouvoir dans l'état, et arrête les bases de son organisation. C'est donc ici que nous croyons devoir placer notre examen de l'Eglise gothique, de sa hiérarchie, et de sa constitution civile et politique : ce sera l'objet du chapitre suivant.

1 Flavius dérive peut-être aussi de flavus, flavicomus, par une allusion assez naturelle aux longs et blonds cheveux des rois goths, auxquels, dans ce cas, l'épithète s'appliquerait mieux qu'aux Césars de Bysance.

CHAPITRE III.

CONSTITUTION ECCLÉSIASTIQUE. ÉPISCOPAT. CONCILES.

Sans ajouter foi au récit d'Eusèbe ', qui raconte que les Goths, frappés des prodiges opérés par la croix dans les guerres de Constantin contre eux, embrassèrent la religion chrétienne, il est certain que, dès cette époque, le christianisme avait commencé à se répandre parmi eux, apporté sans doute par des captifs grecs et romains. Dans le nombre des signatures du concile de Nicée se trouve le nom d'un évêque goth, Provincia Gothic Theophilus metropolitanus: ainsi l'on pourrait en conclure que le catholicisme chez les Goths a devancé l'arianisme. Quant à leur religion primitive, l'histoire ne jette aucune lueur sur ce sujet; et quelque naturel qu'il soit de penser que les Goths, avant leur conversion, partageaient avec les Scandinaves le culte d'Odin ou Wodan', cette conjecture, d'ailleurs fort plausible, ne repose sur aucune preuve.

1 Eusebius, in Vita Constantini, 1. IV.

CHAP. III. Mais cette ancienne religion, quelle qu'elle fut, lutta contre la nouvelle, et des disputes religieuses partagèrent, jusqu'au règne de l'empereur Valens, les différentes branches de la grande famille des Goths établies sur les bords du Danube. Les missionnaires envoyés par Valens pour leur prêcher l'arianisme y trouvèrent d'abord assez bon accueil; mais un des chefs goths, Athan-rich, défenseur opiniâtre de l'ancienne foi, souleva contre eux une persécution, et le sang des martyrs arrosa la foi nouvelle '. Cependant un autre chef, Fridi-gern (friede, paix, gern, volontiers), accueillit mieux les pieux ambassadeurs de Valens, et surtout l'évêque goth Ulphilas ou Wulfilas (wolf, loup). Que cet Ulphilas descendit ou non, comme on l'a dit 2, de captifs grecs établis sur les bords du Danube, son nom indique assez qu'il était né parmi les Goths. Ulphilas, indécis, comme il était bien permis de l'être, sur l'étroite limite qui séparait la foi arienne de la foi catholique, finit par signer la fameuse profession de foi du synode arien de Constantinople en 359, et par unir sa puissante influence à celle de l'empereur Valens pour convertir les Goths à l'a

rianisme.

Un trait caractéristique de la race gothique, comme de toutes les races barbares, c'est leur facilité à se laisser dicter leur croyance par leurs chefs, qu'elles suivent aussi volontiers à la messe qu'au combat; sur un ordre de ce chef elles quittent avec une égale insouciance l'idolâtrie pour le christianisme, ou une des branches du christianisme pour une autre. Ainsi Hlod

1 Suidas, in voce Athanaricus, Nicephorus, 1. XI, XLVIII. 2 Philostorgius, l. II, v.

wig, avec ses Franks, achète la victoire au prix d'un baptême; Rechiar, roi des Suèves, embrasse le catholicisme avec tous ses sujets; Remismund, un de ses successeurs, pour obtenir la main d'une fille de Théodrich le West-Goth, se fait arien, et entraîne avec lui les mobiles convictions des Suèves. Moins d'un siècle après, Théod-mir juge à propos de revenir à la religion catholique : la cour d'abord, puis le peuple tout entier, rentrent, à l'exemple de leur roi, dans le giron de l'Eglise orthodoxe. Enfin les Goths, infectés, comme on le sait, de l'hérésie arienne par l'évêque Ulphilas, qui ne semble pas avoir attaché une grande importance à toutes ces vaines disputes de mots, se laissent, avec la même facilité, ramener à l'orthodoxie par leur roi Rechared.

Il y a, dans cette étrange flexibilité de croyances, autre chose que de l'indifférence, car tous ces Barbares n'étaient pas sceptiques à coup sûr : les Goths, s'arrêtant au milieu du sac de Rome pour chanter des psaumes et porter des reliques, n'étaient pas certes insensibles à ce long prestige de sainteté qui sauva plus tard la ville éternelle du courroux d'Attila; leur foi jeune et robuste ne se rebutait pas de la sévérité du dogme, et leurs yeux se complaisaient aux pompes élégantes du culte qu'ils avaient embrassé; mais, tolérants par insouciance, leur simple et droit bon sens de Barbares faisait justice sans doute de toutes ces frivoles arguties, dignes d'amuser les loisirs d'une cour du bas empire. Avant Eurich et après lui, jusqu'à Leuw-gild, les rois goths, tout ariens qu'ils étaient, ne furent pas persécuteurs, pas plus que le clergé arien; Ala-rich II ne le fut pas assez peut-être contre les évêques catholiques, qui appelaient dans les Gaules

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