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ESPAGNE GOTHIQUE.

(SUITE.)

LIVRE II.

CHAPITRE PREMIER.

ROIS CATHOLIQUES A TOLÈDE.
(601 A 680.)

Un des traits caractéristiques de la monarchie gothique, c'est qu'élective de nom, elle n'en est pas moins héréditaire de fait, chaque fois que la couronne repose sur un front digne de la porter. Les vertus du père fraient au fils le chemin du trône; et, soit crainte, soit affection, les partis se taisent et les ambitions s'ajournent devant cette glorieuse candidature, qui écarte toutes les autres.

Mais, si le fils n'a pas hérité des vertus du père, si cette dure race gothique, contenue jusque là par une main puissante et ferme, sent la bride se relâcher sous une main faible ou novice, alors les haines éteintes se rallument, les ambitions s'agitent, les complots renaissent; une noblesse factieuse réclame à haute voix

ce droit d'élection qu'appuie au besoin la révolte ou l'assassinat ; et le faible monarque ne tarde pas à descendre de ce trône où il n'a pas su continuer son père, et à échanger sa couronne pour la tonsure du cloître ou la pierre du cercueil.

Telle est l'histoire du fils de Rechared, LIUva, ou plutôt LEUWA II.

Elu roi sans opposition, malgré la naissance obscure de sa mère1, il dut probablement son élection au clergé, tout dévoué à la mémoire du saint roi Rechared. Leuwa annonçait toutes les vertus de son père2; mais le noble Witt-rich, auquel Rechared avait naguère fait grâce de la vie, se vengea sur le fils du pardon du père. Plus heureux cette fois dans sa conspiration, il se mit à la tête des ariens mécontents et renversa Leuwa du trône, après moins de deux ans de règne. Le malheureux rôi eut la main droite coupée, et fut ensuite mis à mort (603)3.

L'histoire est avare de détails sur les successeurs de Rechared jusqu'à Chind-swinth. Tout ce qu'on sait de Witt-rich, c'est qu'il chercha vainement à rétablir l'arianisme, contre lequel s'était prononcée l'immense majorité du peuple espagnol (on peut maintenant lui donner ce nom). L'usurpateur essaya aussi de continuer la politique des rois qu'il avait remplacés, en nouant des alliances de famille avec les Franks. Il donna sa fille Ermen-berge au roi Théod-rich (Thier

1 Aschbach suppose que Liuva était né de la reine Badda avant son mariage; le fait nous paraît peu probable: Isidore n'eût pas appelé ignobilis une reine dont le mariage aurait d'ailleurs effacé l'erreur.

2 Virtutum indole insignitus. (Isid. Hispal.)

3 Isidor. Hispal., Chronol, regum goth, apud Duchesne, t. I, p. 849; additio ad Biclar., II.

4 Lucas Tudens. Chron, mundi.

ry) de Bourgogne, à condition que celui-ci renverrait sa concubine. Mais Brunne-hild, aïeule, et Theudilane, sœur du jeune roi, craignant de perdre sur lui leur influence si elles laissaient une étrangère s'emparer de son esprit, parvinrent à lui rendre odieuse sa jeune épouse, et l'éloignèrent du lit conjugal'. Théodrich finit par la renvoyer à son père, en gardant les trésors qu'elle lui avait apportés en dot. Witt-rich menaça le roi frank de sa vengeance, et se ligua même contre lui avec les rois d'Ostrasie, de Neustrie et des Lombards. Mais ces menaces demeurèrent sans effet.

Witt-rich essaya ensuite, avec aussi peu de succès, quelques expéditions contre les Grecs de la Bétique 2. Mais ses mœurs dissolues et violentes, et surtout sa haine contre les catholiques, lui attirèrent une fin prématurée (610). Il périt assassiné dans un festin, après dix ans de règne 3.

GUND-MAR, élu après lui, fit avec succès la guerre aux Basques, puis aux Grecs; il mourut à Tolède après deux ans de règne (612). Il avait eu avec les princes franks quelques altercations, mais qui n'aboutirent

1 Eadem (Ermenberga) factione aviæ suæ Brunechildæ virilem coitum non cognovit... (Fredegar., c. xxx.)

Notre seule source dans ce récit est Frédégaire, source un peu suspecte; le savant Mascou révoque en doute toute cette histoire. (Geschichte der Deutschen, 1. XIV, §. XXXIV.)

2 << Adversus Romanos nil satis gloriæ gessit, præter quod milites quosdam Sagontia per duces obtinuit. » Sagontia, suivant Ferreras, est aujourd'hui Gisgonza, près du détroit de Gibraltar.

5 Hic in vita plura illicita fecit; quia gladio operatus fuerat, gladio periit. (Isid. Hispal.)

4 Mariana prétend, d'après des documents inédits, publiés dans la grande édition de Valence en 1785 (t. II, p. 547), que cette élection fut due à l'appui des Franks, que Gund-mar acheta par un tribut annuel. Aschbach (p. 235) démontre fort bien l'improbabilité de cette assertion,

pas à une guerre. Il convoqua, pendant ce règne si court, deux conciles à Tolède.

SISEBUT, élu pour lui succéder, nous apparaît, malgré la disette d'historiens à cette époque, comme une des plus grands rois qui se soient assis sur le trône des Goths. Après avoir triomphé, par ses lieutenants, des Asturiens rebelles et des Ruconiens (Rucones) près de la Rioja, sur les frontières de la Galice, il conduisit en personne une expédition contre les Grecs, qui possédaient encore tout le littoral à l'est du détroit jusqu'à Valence, et le sud du Portugal, aujourd'hui les Algarves. Les Grecs, deux fois vaincus en bataille rangée, renoncèrent à tenir la campagne, et s'enfermèrent dans les murs de leurs villes, croyant échapper ainsi aux Goths, auxquels la savante tactique des siéges était toujours restée étrangère. Enfin l'empereur Héraclius, qui avait assez à faire de se défendre à l'est contre les Perses, et au nord contre les Avares, abandonna ces possessions lointaines, que l'empire ne pouvait plus défendre, et céda à Sisebut toutes ses possessions du littoral, sauf quelques villes dans les Algarves1. Cette glorieuse conquête, qui laissait les Goths seuls maîtres de la Péninsule, et les délivrait d'un ennemi toujours prêt à profiter de leurs discordes, fit briller au grand jour les vertus de Sisebut. «Telle fut, nous dit saint Isidore, sa clémence après la victoire, qu'il racheta de ses propres deniers les captifs que ses soldats avaient réduits en esclavage.»> Maintenant comment concilier cette touchante

1 Voyez dans Ferreras (an. 615) et dans Florez (VII, p. 320) les lettres de Sisebut et de Cesarius, qui commandait en Espagne pour l'empereur. Voyez aussi Fredegaire ( Chron., c. xXXIII); Appendix ad Marii Chronicon (apud Duchesne, I, 246), et Rodrigue de Tolède (II, xvii).

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