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(ses ennemis même en conviennent), avait le front ceint de la couronne, un manteau de pourpre brodé d'or sur les épaules, et qu'il se faisait traîner par des mules blanches sur un char d'ivoire et d'or, recouvert d'un dais orné de perles et de pierres précieuses. Suivant l'usage des rois barbares, tous ses trésors le suivaient au combat et devinrent la proie des vainqueurs. D'autres prétendent que le poids de ses armes le fit noyer, avec son cheval, dans le fleuve qu'il voulait traverser.

Suivant les auteurs espagnols, Roderich, trahi, vaincu, et abandonné de tous les siens, morts, fugitifs ou passés à l'ennemi, se dépouilla de tous ses ornements royaux, qu'il laissa sur le bord du Guadalete (guad, en arabe, signifie fleuve, d'où peut-être notre mot gue), et traversa le fleuve sur son bon cheval Orella, si fameux dans les vieilles romances. Echappé du danger, grâce à la vitesse de son cheval, le monarque fugitif erra long-temps sur les âpres som-mets de la sierra qui sépare l'Andalousie du Portugal. Il alla finir ses jours dans la pénitence, au fond d'un ermitage. Alonzo-le-Grand, dans sa chronique, rapporte qu'on trouva de son temps, dans une église de Viseu, non loin de Coimbre, en Portugal, un ancien tombeau avec cette inscription: Hic jacet Rodericus, ultimus rex Gothorum, ci-gît Roderich, le dernier roi des Goths. Sans révoquer en doute la vérité de cette tradition, nous ferons seulement observer qu'il y abien loin de Viseu à Xérès, même pour les fortes jambes du bon cheval Orella'. Quant au comte Julien,

1 La Coronica del rey don Rodrigo, que nous avons déjà citée, emploie plusieurs chapitres à nous raconter la pénitence de Roderich dans son ermitage, les obsessions que le diable lui fit subir, et les longues souffrances physiques et morales par lesquelles il expia ses erreurs passées. Ceux de nos lecteurs qui vou

il disparaît de l'histoire en même temps que Roderich et que la monarchie gothique.

Ainsi tomba en Espagne, pour ne plus se relever, ce puissant empire des Goths, déjà mort en Italie depuis un siècle et demi, sous les coups de Bélisaire, par une autre réaction du midi contre le nord. Roderich vaincu, non seulement l'empire, mais la nation elle-même disparut. Nul n'essaya plus même de se défendre, parce que nul n'avait intérêt à le faire. Les juifs opprimés avaient salué les conquérants arabes comme le messie qu'ils attendaient; les ariens, s'il en existait encore, espéraient d'eux la tolérance; les ennemis, les rivaux de l'usurpateur, et les victimes de tant de réactions, soupiraient après un changement, quel qu'il fût; tous ces mécontentements d'origine si diverse se réfugièrent, en désespoir de cause, dans une servitude commune. D'ailleurs l'empire, comme le peuple goth, avait fait son temps; l'heure était venue pour tous deux ou de se renouveler ou de périr. Or, les peuples vieillis n'ont qu'un moyen de se renouveler : c'est par la conquête, soit que, comme dans l'invasion gothique ou franque, la race conquérante se fonde avec la race conquise; soit que, comme dans l'invasion arabe, le vaincu, retrempé par ses

dront parcourir cette curieuse Chronique y trouveront des détails bizarres sur la dernière pénitence de Rodrigue, enfermé vivant dans le cercueil avec une couleuvre, «< comido o mordido de la colubra el miembro, ocasion de su peccado con la Caba ».

Nous renvoyons également nos lecteurs aux notes curieuses du beau poème de Southey, sur Roderic, le dernier des Goths, œuvre de poésie et de science à la fois, et qui atteste une profonde connaissance des mœurs et de l'état social d'une époque presque perdue pour l'histoire. Voyez aussi la Vision de don Roderic, par Walter Scott, œuvre inférieure à celle de Southey, du moins pour la science et pour la vérité.

Voyez l'Appendix à la fin du volume, Pièces justificatives.

défaites même, retrouve à la rude école du malheur · les vertus que la prospérité lui avait fait perdre. Ici donc nous disons adieu à ce peuple goth, que nous avons suivi des bords de la mer Noire à ceux du Guadalete, à travers les détours de ce long pèlerinage. Nous ne le retrouverons plus dans l'histoire : car, lorsque nous verrons poindre dans les Asturies un peuple et une monarchie nouvelle, il ne sera plus question des Goths, mais de la monarchie et du peuple espagnols. L'unité de la résistance lui tiendra lieu de toutes les autres. Il n'y aura plus, pour les soldats de Pelayo, qu'une foi, qu'un idiome, qu'un nom com→ mun, qu'une indépendance commune, qu'une même haine de l'étranger. Tel sera, jusqu'à la fin du quinzième siècle, le seul lien qui noue ensemble ces cinq ou six royaumes qui naîtront des débris de l'empiregothique, pour tendre laborieusement, pendant huit siècles, vers cette unité perdue qu'ils ne sont pas même bien sûrs d'avoir retrouvée aujourd'hui.

CHAPITRE IV.

CODE GOTHIQUE.

Une erreur généralement répandue sur la race des Goths, c'est de la considérer comme une race purement germaine, et de ne pas noter les profondes différences qui la séparent des autres membres de la famille germanique. Nous avons établi1 comment les Goths, bien loin d'être issus de la Scandinavie, et d'avoir pris au rebours, dans leur prétendu pèlerinage de la Baltique au Danube, le sentier battu des grandes migrations asiatiques, nous apparaissaient au contraire comme un peuple originaire de l'Asie., berceau commun du genre humain; nous avons vu comment, fixés de bonne heure aux environs du PontEuxin, ils avaient émigré de là vers les côtes lointaines de la Baltique, et, plus tard, vers la Grèce et les climats plus doux du midi de l'Europe.

Envisagée sous ce point de vue, comme race asiato-germaine, tenant à la Germanie par une même

Voyez liv. I, chap. 1, page 131.

origine, par sa langue', par quelques superstitions communes qu'elle lui a données et qu'elle n'en a pas reçues, enfin par les colonies lointaines qu'elle a envoyées, dans des temps que l'histoire n'atteint pas, y semer ses mœurs et sa langue, la race gothique nous frappe encore plus par ses dissemblances que par ses rapports avec la race germaine.

Excepté ce glaive fiché en terre, qui tenait lieu de dieu Mars, nous dit Ammien Marcellin', aux peuplades asiatiques, nous ne savons rien de la religion des Goths aux bords du Danube. Tout annonce cependant qu'ils partageaient avec leurs frères de Scandinavie, et avec les peuplades germaines, le culte odinique, si ancien dans le nord, et la religion belliqueuse de l'Edda. Mais, sans vouloir entrer ici dans ces obscures questions, nous sommes frappé d'un fait : c'est que, parmi tous les peuples qui se sont partagé l'héritage de l'empire romain, aucun n'a montré plus de facilité à abandonner la religion de ses pères, et plus d'insouciance sur les dogmes de celle qu'il embrassait. Les Franks, sur un signe de Hlod-wig, adoptent bien la foi chrétienne; mais, jusqu'au huitième siècle, nous trouvons trace chez eux des rites et des supersti

1 Maltebrun distingue soigneusement la langue scandinave, parlée naguère par les Danois, les Norwégiens et les Suédois, de la langue saxonne ou germanique. Les racines sont les mêmes, mais la grammaire diffère essentiellement. Voyez l'Appendix sur la langue gothique.

2 L. XXXI, C. II.

3 Beugnot, De l'extinction du paganisme, t. II, nous apprend que le culte odinique était fortement enraciné chez les Franks, surtout dans le nord de la Gaule, et chez les Saxons, et s'y confondait souvent avec le paganisme romain. -Odin devint Mercure; Thor, Jupiter; Frigga, Vénus. Les prêtres chrétiens confondaient ces deux paganismes dans les mêmes anathèmes. Au concile de Lestines, en 743, on prescrit au peuple, en latin, d'abjurer les sacra Jovis et Mercurii, et, en germain, de renoncer à Thunaer ende Wodan, Thor et Odin, Jupiter et Mercure,

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