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CHAPITRE X.

La vanité de la beauté et des ajustements.

MAIS

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AIS ne craignez rien tant que la vanité dans les filles elles naissent avec un desir violent de plaire. Les chemins qui conduisent les hommes à l'autorité et à la gloire leur étant fermés, elles tâchent de se dédommager par les agréments de l'esprit et du corps: de là vient leur conversation douce et insinuante; de là vient qu'elles aspirent tant à la beauté et à toutes les graces extérieures, et qu'elles sont si passionnées pour les ajustements; une coeffe, un bout de ruban, une boucle de cheveux plus haut ou plus bas, le choix d'une couleur, ce sont pour elles autant d'af faires importantes.

Ces excès vont encore plus loin dans notre nation qu'en toute autre; l'humeur changeante qui regne parmi nous cause une variété continuelle de modes: ainsi on ajoute à l'amour des ajustements celui de la nouveauté, qui a d'étranges charmes sur de tels esprits. Ces deux folies mises ensemble renversent les bornes des conditions, et déréglent toutes les mœurs. Dès qu'il n'y a plus de regle pour les habits et pour les meubles, il n'y en a plus d'effectives pour

les conditions: car pour la table des particuliers, c'est ce que l'autorité publique peut moins régler; chacun choisit selon son argent, ou plutôt, sans argent, selon son ambition et sa vanité.

Ce faste ruine les familles, et la ruine des familles entraîne la corruption des mœurs. D'un côté, le faste excite, dans les personnes d'une basse naissance, la passion d'une prompte fortune; ce qui ne se peut faire sans péché, comme le saint Esprit nous l'assure. D'un autre côté, les gens de qualité, se trouvant sans ressource, font des lâchetés et des bassesses horribles pour soutenir leurs dépenses; par-là s'éteignent insensiblement l'honneur, la foi, la probité et le naturel, même entre les plus proches parents.

Tous ces maux viennent de l'autorité que les fem, mes vaines ont de décider sur les modes: elles ont fait passer pour Gaulois ridicules tous ceux qui ont voulu conserver la gravité et la simplicité des mœurs anciennes.

Appliquez-vous donc à faire entendre aux filles combien l'honneur qui vient d'une bonne conduite et d'une vraie capacité est plus estimable que celui qu'on tire de ses cheveux ou de ses habits. La beauté, direz-vous, trompe encore plus la personne qui la possede, que ceux qui en sont éblouis ; elle trouble, elle enivre l'ame; on est plus fortement idolâtre de

soi-même, que les amants les plus passionnés ne le sont de la personne qu'ils aiment. Il n'y a qu'un fort petit nombre d'années de différence entré une belle femme et une autre qui ne l'est pas. La beautẻ ne peut être que nuisible, à moins qu'elle ne serve à faire marier avantageusement une fille. Mais comment y servira-t-elle, si elle n'est soutenue par le mérite et par la vertu ? Elle ne peut espérer d'épouser qu'un jeune fou, avec qui elle sera malheureuse, à moins que sa sagesse et sa modestie ne la fassent rechercher par des hommes d'un esprit réglé et sensible aux qualités solides. Les personnes qui tirent toute leur gloire de leur beauté deviennent bientôt ridicules elles arrivent, sans s'en appercevoir, à un certain âge où leur beauté se flétrit; et elles sont encore charmées d'elles-mêmes, quoique le monde, bien loin de l'être, en soit dégoûté. Enfin, il est aussi déraisonnable de s'attacher uniquement à la beauté; que de vouloir mettre tout le mérite dans la force du corps, comme font les peuples barbares et sauvages.

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De la beauté passons à l'ajustement. Les véritables graces ne dépendent point d'une parure vaine et affectée. Il est vrai qu'on peut chercher la propreté, la proportion et la bienséance, dans les habits néces saires pour couvrir nos corps; mais, après tout, ces étoffes qui nous couvrent, et qu'on peut rendre com

TOME III.

P

modes et agréables, ne peuvent jamais être des ornements qui donnent une vraie beauté.

Je voudrois même faire voir aux jeunes filles la noble simplicité qui paroît dans les statues et dans les autres figures qui nous restent des femmes grecques et romaines; elles y verroient combien des cheveux noués négligemment par derriere, et des draperies pleines et flottant à longs plis, sont agréables et majestueuses. Il seroit bon même qu'elles entendissent parler les peintres et les autres gens qui ont ce goût exquis de l'antiquité.

Si peu que leur esprit s'élevât au-dessus de la préoccupation des modes, elles auroient bientôt un grand mépris pour leurs frisures, si éloignées du naturel, et pour les habits d'une figure trop façonnée. Je sais bien qu'il ne faut pas souhaiter qu'elles prennent l'extérieur antique ; il y auroit de l'extravagance à le vouloir : mais elles pourroient, sans aucune singularité, prendre le goût de cette simplicité d'habits si noble, si gracieuse, et d'ailleurs si convenable aux mœurs chrétiennes. Ainsi, se conformant dans l'extérieur à l'usage présent, elles sauroient au moins ce qu'il faudroit penser de cet usage: elles satisferoient à la mode comme à une servitude fâcheuse, et elles ne lui donneroient que ce qu'elles ne pourroient lui refuser. Faites-leur remarquer souvent, et de bonne

heure, la vanité et la légèreté d'esprit qui fait l'inconstance des modes. C'est une chose bien mal entendue, par exemple, de se grossir la tête de je ne sais combien de coeffes entassées : les véritables graces suivent la nature et ne la gênent jamais.

Mais la mode se détruit elle-même ; -elle vise toujours au parfait, et jamais elle ne le trouve, du moins elle ne veut jamais s'y arrêter : elle seroit raisonnable, si elle ne changeoit que pour ne changer plus, après avoir trouvé la perfection pour la commodité et pour la bonne grace; mais changer pour changer sans cesse, n'est-ce pas chercher plutôt l'inconstance et le déréglement, que la véritable politesse et le bon goût? Aussi n'y a-t-il d'ordinaire que caprice dans les modes. Les femmes sont en possession de décider; il n'y a qu'elles qu'on veuille en croire : ainsi les esprits les plus légers et les moins instruits entraînent les autres. Elles ne choisissent et ne quittent rien par regle; il suffit qu'une chose bien inventée ait été long-temps à la mode, afin qu'elle ne doive plus l'être, et qu'une autre, quoique ridicule, à titre de nouveauté prenne sa place et soit admirée.

Après avoir posé ce fondement, montrez les regles de la modestie chrétienne. Nous apprenons, direzvous, par nos saints mysteres, que l'homme naît dans la corruption du péché; son corps, travaillé d'une

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