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choses de Dieu doit en régler les temps; il doit avoir égard tout ensemble à la perfection d'une ame et à son besoin. Il ne doit pas accorder si souvent la communion aux commençants qu'aux parfaits; mais quand une ame est docile à la grace, qu'elle ne veut tenir à rien qui l'arrête dans sa voie, et qu'elle ne cherche qu'à se soutenir avec fidélité, il ne faut pas seulement avoir égard aux vertus qu'elle pratique, mais il faut aussi accorder la communion au desir qu'elle a de vaincre ses défauts. Pour ce genre de vie, il faut, monseigneur, réserver certaines heures de retraite, autant que les bienséances, les grandes occupations de votre état, et le besoin de délasser votre esprit, vous le permettront. Vous pouvez, en cet état, faire une épreuve sérieuse de vousmême, et vous accoutumer peu-à-peu à la vie épiscopale: car rien ne peut mieux vous y préparer que de la commencer par avance. Jésus-Christ nous a dit : A chaque jour suffit son mal; le jour de demain aura assez soin de lui-même. Il me semble, monseigneur, que vous ne pourriez songer maintenant qu'à vous préparer, et qu'à profiter de la nouvelle dispense pour faire cette épreuve. Si, dans huit ou dix mois, vous croyez n'avoir pas encore assez vuidé votre cœur de tout ce qui est séculier, et n'être pas encore assez dans l'esprit apostolique qui convient à l'épiscopat,

vous pourriez alors représenter encore au pape votre besoin : il est bon, il sera sensible à votre droiture et à votre respect pour le caractere; il aura égard à votre demande, je n'en saurois douter. Vous pourriez même recourir à lui, non seulement comme au dispensateur suprême, mais encore comme à un pere tendre et compatissant que vous consulteriez : sa décision seroit alors votre regle de conduite pour la plus grande démarche de votre vie. Ainsi il n'y a qu'à vous bien préparer dès aujourd'hui, comme si vous deviez vous faire sacrer dans un mois, et qu'à différér néanmoins votre consécration autant qu'il le faudra pour la sainteté du ministere, pour votre salut et pour celui des peuples de vos églises.

Je serai le reste de mes jours, avec le zele le plus sincere, l'attachement le plus fidele, et le plus grand respect,

MONSEIGNEUR,

de votre altesse électorale,

le très humble et très obéissant serviteur

FR. archevêque-duc de Cambrai,

A Cambrai, le 30 décembre 1704.

DISCOURS

POUR LE SACRE

DE L'ÉLECTEUR DE COLOGNE.

DEPUIS

EPUIS que je suis destiné à être votre consécrateur, prince que l'église voit aujourd'hui avec tant de joie prosterné au pied des autels, je ne lis plus aucun endroit de l'écriture qui ne me fasse quelque impression par rapport à votre personne.

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Mais voici les paroles qui m'ont le plus touché : « Étant libre à l'égard de tous, dit l'apôtre ", je me « suis fait esclave de tous pour en gagner un plus << grand nombre : Cùm liber essem ex omnibus, om«nium me servum feci ut plures lucrifacerem. Quelle grandeur se présente ici de tous côtés! Je vois une maison qui remplissoit déja le trône impérial il y a près de quatre cents ans. Elle a donné à l'Allemagne deux empereurs, et deux branches qui jouissent de la dignité électorale. Elle regne dans la Suede, où un prince, au sortir de l'enfance, est devenu tout-àcoup la terreur du Nord. Je n'apperçois que les plus hautes alliances des maisons de France et d'Autriche: d'un côté, vous êtes petit-fils de Henri le grand,

(1) I Cor. c. 9.

dont la mémoire ne cessera jamais d'être chere à la France; de l'autre côté, votre sang coule dans les veines de nos princes, précieuse espérance de la nation. Hélas! nous ne pouvons nous souvenir qu'avec douleur de la princesse à qui nous les devons, et qui fut trop tôt enlevée au monde !

Oserai-je ajouter, en présence d'Emmanuel, que les infideles ontsenti et que les chrétiens ont admiré sa valeur? Toutes les nations s'attendrissent en éprouvant sa douceur, sa bonté, sa magnificence, son aimable sincérité, sa constance à toute épreuve, sa fidélité qui égale dans ses alliances la probité et la délicatesse des plus vertueux amis dans la société privée. Avec un cœur semblable à celui d'un tel frere, prince, il ne tenoit qu'à vous de marcher sur ses traces. Vous étiez libre de le suivre, vous pouviez vous promettre tout ce que le siecle a de plus flatteur: mais vous venez sacrifier à Dieu cette liberté et ces espérances mondaines. C'est de ce sacrifice que je veux vous parler à la face des saints autels. J'avoue que le respect devroit m'engager à me taire; « mais l'amour, comme « saint Bernard le disoit au pape Eugene", n'est point « retenu par le respect... Je vous parlerai, non pour « vous instruire, mais pour vous conjurer comme « une mere tendre. Je veux bien paroître indiscret à

(1) De Consid. prolog.

« ceux qui n'aiment point et qui ne sentent pas tout « ce qu'un véritable amour fait sentir ». Pour vous, je sais que vous avez le goût de la vérité, et même de la vérité la plus forte. Je ne crains point de vous déplaire en la disant : daignez donc écouter ce que je ne crains point de dire. D'un côté, l'église n'a aucun besoin du secours des princes de la terre, parceque les promesses de son époux tout-puissant lui suffisent; d'un autre côté, les princes qui deviennent pasteurs peuvent être très utiles à l'église, pourvu qu'ils s'humilient, qu'ils se dévouent au travail, et qu'on voie reluire en eux toutes les vertus pastorales. Voilà les deux points que je me propose d'expliquer dans ce discours.

PREMIER POINT.

LES enfants du siecle, prévenus d'une politique profane, prétendent que l'église ne sauroit se passer du secours des princes et de la protection de leurs armes, sur-tout dans les pays où les hérétiques peuvent l'attaquer. Aveugles qui veulent mesurer l'ouvrage de Dieu par celui des hommes ! « C'est s'ap<< puyer sur un bras de chair (1): c'est anéantir la << croix de Jésus-Christ». Croit-on que l'époux tout puissant et fidele dans ses promesses ne suffise pas à (2) I Cor. 1, 17.

(1) Jerem. 17, 5.

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