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reconnaît Isis dans une inscription gravée sur le pavé d'un temple de Minerve; on y lisait : « Je suis tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera; nul mor<< tel n'a percé le voile qui me dérobe à la vue. » Une inscription latine, recueillie par Gruter, porte: Tibi, una quæ es omnia, dea Isis; « à toi, qui seule es toutes «< choses, déesse Isis. » Osiris, époux d'Isis, était le Soleil, comme elle la Lune; mais il a subi des métamorphoses, qui ont fait de lui Jupiter, Bacchus, et le dieu tutélaire du Nil. Sérapis a beaucoup de rapports avec Saturne. Il n'y avait donc pas lieu de se scandaliser si fort de l'admission de ces dieux, ou plutôt de ces noms étrangers, dans la théologie romaine; et le consul Æmilius

aurait pu réserver pour de meilleures occasions son zèle

religieux et son habileté à démolir des édifices. Depuis que l'imposture et l'ignorance avaient effacé ou altéré, dans l'esprit des peuples, l'idée primitive d'un seul Dieu maître de l'univers, ses attributs, ses actes, tous les éléments, toutes les lois et tous les phénomènes de son immense empire avaient été distribués à un nombre indéfini de dieux imaginaires; et, dans la suite, pour donner plus de consistance et de corps à ces diverses. notions métaphysiques, physiques et morales, on y avait attaché les noms de quelques personnages célèbres, assez anciens pour qu'il fût possible de composer de fictions merveilleuses l'histoire traditionnelle de chacun d'eux. Les dieux, personnifiés ainsi, se diversifièrent et se multiplièrent de toutes parts, selon le vocabulaire de chaque langue et la nomenclature historique de chaque peuple. Cependant les emprunts que les nations. se faisaient l'une à l'autre de plusieurs de leurs doctrines et de leurs fables, et, d'un autre côté, la tendance

naturelle de l'esprit humain à simplifier ses idées, ramenèrent tous ces dieux, non pas à l'unité parfaite, mais à des systèmes beaucoup moins compliqués. Il y a eu, de cette manière, un maximum et un minimum de déifications, entre lesquels sont comprises, conti guës et vacillantes, toutes les mythologies de l'antiquité. Au lieu d'entrer, sur les légendes d'Isis, d'Osiris et d'Horus, dans des détails qui seraient ici déplacés, j'ai cru plus utile de vous soumettre, Messieurs, ces observa- tions générales, desquelles vous pourrez conclure que la grande colère du sénat romain contre ces dieux d'Égypte était fort aveugle, et qu'il n'y avait alors rien de plus sage, rien de plus convenable à l'état des croyances religieuses, que la tolérance de tous les cultes. Les interdictions, les exclusions, les maximes et les lois prohibitives en cette matière ne pouvaient être que des symboles d'ignorance et des manifestes de tyrannie.

La superstition grossière où les Romains croupissaient encore se manifeste dans le récit d'une aventure arrivée à Elius Pætus Tubéro. Ce n'est qu'une tradition fabuleuse; mais elle contribue à caractériser les idées du peuple et du siècle qu'elle concerne. Pætus remplissait l'une des plus hautes magistratures; il était préteur de la ville. Un jour qu'il prononçait des jugements en plein air, au milieu de la place publique, un pivert vint se percher sur sa tête. Un si timide habitant des forêts entrer dans une ville, voler autour d'un tribunal, ne pas s'effaroucher des cris de tant de plaideurs ni du bruyant babil des avocats, oser se reposer sur le vénérable front du grand juge, se laisser même prendre et caresser par lui, c'était un prodige. Rome entière en fut saisie d'admiration et d'effroi. On se souvint,

pourtant que les piverts tenaient un rang parmi les oiseaux révérés, et que leurs auspices faisaient foi, plus même que ceux des vautours. Picus, fils de Saturne et antique roi aborigène du Latium, n'avait-il pas, dans son palais, un pivert apprivoisé, qui lui servait à prévoir l'avenir? Le nom de Picus n'avait-il point passé ou du monarque à l'oiseau, ou de l'oiseau au monarque? L'apparition du pivert méritait donc une attention sérieuse : on consulta les augures sur la question de savoir si le préteur devait lui donner la liberté ou la mort. Dans leur sagesse, ils répondirent que si Pætus le laissait envoler, il s'assurerait par là, à luimême et à sa famille, une constante prospérité; et que s'il l'étranglait, ce serait la république qui arriverait au plus haut degré de gloire et de puissance, tandis que Pætus et sa race périraient misérablement. Le préteur ne délibéra point. Un si grand citoyen pouvait-il hésiter à préférer le bonheur de sa patrie au sien propre? Il saisit cette occasion d'un sacrifice héroïque de sa personne et de ses enfants, qu'il chérissait néanmoins avec toute la tendresse d'un père. Il porta la main sur ce pivert qu'il avait si doucement caressé, l'étrangla, et se mit à le déchirer à belles dents en présence des pères conscrits: « Sauvons Rome, disait-il, «et laissons faire aux dieux. » Il s'écoula trois ans sans qu'on aperçût aucun effet de ce dévouement magnanime. Mais dès qu'un oracle est prononcé, dans les annales de Rome, par des piverts ou des augures, il faut bien qu'il s'accomplisse. Vint la bataille de Cannes, le 5 septembre 216. Elius Pætus Tubéro et seize ou dix-sept autres Ælius, tous braves guerriers, y finirent leurs jours. Il est vrai que Valère-Maxime, l'un des au

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teurs qui nous ont conservé ce grand trait d'histoire, ne dit point expressément que l'ex-préteur y ait perdu la vie; il nous apprend seulement qu'il y perdit dixsept valeureux soldats de sa famille: Decem et septem milites suæ familiæ, eximiæ fortitudinis viros, Cannensi prælio amisit; expression dont on ne ferait guère usage à l'égard d'un homme qui aurait péri luimême. Il est vrai, encore, qu'en des manuscrits et des éditions de Pline et de Frontin, qui racontent aussi cette aventure, on lit Cælius et Lælius, au lieu d'Elius. Il est vrai, enfin, que la journée de Cannes ne tournait point à l'avantage et à la plus grande gloire du peuple romain. Mais les sages maîtres de ce peuple ne s'arrêtaient point à ces considérations de leur temps sans doute le nom d'Ælius était uniformément écrit. Pline dit que le prodige et l'oracle s'accomplirent dans la personne même d'Elius Pætus Tubéro: Et ille avem protinus concerpsit, nec multo post implevit prodigium. Enfin la république a triomphé, sinon à Cannes, du moins plus tard; et elle est devenue la maîtresse du monde. Cependant, Messieurs, en des temps de troubles et d'incrédulité, Sylla, Marius et Cinna se sont moqués de ce récit comme d'un tissu de sottises; c'est ValèreMaxime qui nous en informe: Hæc... Sulla et Marius et Cinna tanquam stulta riserunt. Et nous serions bien tentés d'en faire autant, s'il ne fallait plutôt s'indigner de ces viles impostures par lesquelles on dégradait et abrutissait l'intelligence des dernières classes de la société.

Pline, d'après l'historien Cassius Hémina, nous apprend qu'un Grec nommé Archagathus, fils de Lysanias, vint du Péloponnèse s'établir à Rome, et y exercer

la chirurgie; qu'il y obtint les droits de cité ; et qu'on acheta pour lui une boutique dans le carrefour Acilius, qui était fort fréquenté. L'art chirurgical ne s'était donc point encore introduit au sein de cette ville, et la médecine n'y avait fait aucune irruption durable. Archagathus ne traitait que les maladies externes, et, dans les premiers temps de sa pratique, sa méthode simple et douce lui avait attiré la confiance du public: on le surnommait le Vulnéraire, Vulnerarius, le guérisseur des plaies. Mais, peu à peu, il prit goût aux incisions et aux amputations; il se mit à trancher, couper et brûler la chair humaine; on ne l'appela plus que Carnifex, le bourreau. Selon toute apparence, on finit par le bannir de la ville, où il avait été si bien accueilli; et le souvenir de ses opérations cruelles fit prendre pour longtemps en aversion les chirurgiens. Caton, qui n'avait alors. que quinze ans, étendit cette haine à tous les médecins grecs. « Les barbares, s'écriait-il ! ils ont juré entre eux « de tuer le monde: Jurarunt inter se barbaros necare « omnes medecina. » Cabanis ñe pardonne point à Caton cette exclamation injurieuse. « Les médecins, dit-il, fu<< rent longtemps repoussés de Rome par les magistrats. « Il nous reste, à ce sujet, une lettre de Caton, curieuse << par la stupide férocité qu'elle respire. Cet esprit vio«<lent et borné voulait gouverner les possesseurs des « trésors du monde comme un couvent de moines, ou «< comme il gouvernait sa propre sa propre maison. Avare, cruel, «< capricieux, on sait qu'il y faisait tout ployer sous le joug le plus tyrannique. Pour réunir tous les genres «< de despotismes, c'était lui-même qui traitait sa famille <«<et ses esclaves malades. Les moyens dont il faisait « usage supposaient la plus dégoûtante ignorance et

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