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beautés, & de tous les élégans de Palermé. "Il règne à cette promenade l'obfcurité la plus mystérieuse & la plus refpectee, tout le monde s'y confond & s'y perd, s'y cherche & s'y retrouve.... On ne fe couche jamais à Palerme que l'on n'ait fait un "tour alla Marina: il femble que ce foit un » lieu privilégié, avec indulgence plénière » pour tout ce qui s'y rencontre, & que le Sicilien ait oublié en fa faveur son penchant » à la jaloufie, jufqu'à y défendre l'arrivée des » flambeaux, & tout ce qui peut gêner les "petites libertés clandeftines. »

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Les étrangers ne s'arrachent qu'à regret d'un féjour qui a pour eux tant de charmes. Cependant après avoir joui de ce fpectacle, après avoir vu les courfes de chevaux, & furtout les fêtes & le char de Sainte-Rofalie, Divinité tutélaire du pays, & qui a remplacé aux yeux du peuple les fêtes & le char de Cérès, nos Deffinateurs vifitent les enviro is de Palerme, que l'on peut appeler le jardin de la Sicile: ils traverfent l'ancienne Hyccare, patrie de la célèbre Laïs, qui, la première, chez les Grecs corrompus, illuftra le métier de courtilanne, & viennent à Ségefte, ville bâtie par Enée, fi l'on en croit Virgile:

Interea Eneas urbem defignat aratro.

Les Ségeftains reconnoiffans, élevèrent un Temple à leur fondateur, & lui accordèrent des honneurs prefque divins. Celui de Diane, dont parle Cicéron dans Verrès, n'étoit paš

moins célèbre; mais le Temple de Cérès l'emportoit fur tous les autres, & on en voir encore les reftes parfaitement confervés dans des lieux incultes & deferts, qui accufent l'indifference des Siciliens pour un des chefd'œuvres de l'art. Peu de monumens prélentent un afpect aufli impofant que ce Temple de Ségefte, & peuvent autant rappeler aux yeux du Voyageur cette févérité noble & majeftueule qui caractérife les premiers ouvrages des Grecs & l'origine de l'architecture, C'eft ce dont le Voyage Pittorefque nous met à portée de juger, en nous préfentant plufieurs yues de ce monument, ainfi que les détails exacts de fon architecture, rendus avec autant de fidelité que de goût & d'efprit.

En gagnant les bords de la mer, nos Deffinateurs arrivent à Trapani, jadis Drepanum, célèbre par la beauté de fes femmes, & ou l'on trouve encore, fur tour dans l'intérieur des terres, ces traits réguliers, ces beaux profils Grecs, que le cifeau de leurs artistes nous a encore plus fidèlement confervés que la na ture. On parcourt avidemment toute cette plage, illuftrée par Virgile; mais on ne retrouve ni la ville fondée par Enée, ni le tombeau d'Anchife, ni les bofquets facrés dont il étoit entouré; un désert aride & découvert a pris la place de ces lieux enchantés.

En fe détournant fur la droite, on arrive au mont Erix, où étoit ce fameux Temple dédié à Vénus Ericine, & qui rappelle tant

d'idées voluptueufes: toujours chargé des riches offrandes de la Grèce & de l'Italie, il étoit révéré comme le fanctuaire de la religion des anciens. Les plus belles femmes de I'Univers étoient les Prêtreffes de ce Temple & en faifoient tous les honneurs, ce qui ne fervoit pas peu à réchauffer la dévotion des fidèles. Pour y être admifes, & fe confacrer au culte de la déeffe, il falloit faire preuve de beauté, comme on fait aujourd'hui preuve de nobleffe pour être reçu dans quelques Chapitres d'Allemagne, & les premières n'étoient jamais équivoques; mais excepté la montagne d'Erix, rien ne fe retrouve plus que les vers de l'enchanteur qui nous a fi agréablement trompés.

Revenant de là fur la gauche, & côtoyant les bords de la mer, les Voyageurs arrivent dans les plaines où étoit Selinunte ville Grecque, l'une des plus ornées de l'antiquité," où les arts avoient été portés à leur perfection, & dont les débris renverfés fur la terre font encore fi impofans, qu'ils impriment un respect involontaire. La vue feule de ces ruines, rendues dans des deffins pleins de vérité, mais néceffairement privés de l'illufion & du charme des couleurs, fait encore la même impreflion fur les Lecteurs.

Le Voyageur Pittorefque, après nous avoir donné plufieurs de ces vues, y joint une table comparative, infiniment curieuse, des temples, des théâtres, & de plufieurs autres monumens antiques de la Sicile, où l'on peut 'd'un coup-d'œil juger de la différence & de la

grandeur relative de chacun de ces édifices.

Une réflexion qu'on a fouvent occafion de faire en parcourant tout ce pays, c'est que les Grecs ont été, dans les arts, les maîtres des Romains, qui ne les ont jamais furpaffés, ni même égalés, & qu'ils font encore aujourd'hui nos modèles les plus parfaits dans tous les genres.On peut ajouter que dans les monumens des anciens, on remarque toujours un grand refpect pour le peuple; tout y étoit fait pour lui: une fimple petite République, comme Selinunte, faifoit, pour fe procurer de l'eau, pour un temple, pour un théâtre, de ces travaux qui étonneroient le fafte mefquin des Souverains modernes. Chez eux le luxe étoit public, la modeftie privée, & ce n'eft pas en cela que nous nous fommes piqués d'imiter nos maîtres & nos modèles.

Près de-là font les thernes de Selinunte aujourd'hui Sciacca, patrie d'Agathocles, où la Fable, qui a certainement un fondement dans l'Hiftoire, a placé le tombeau de Dédale, ce génie univerfel, inventeur de tous les arts. Enfin l'on defcend vers Agrigente, maintenant Girgenti, où les Peintres Voyageurs firent une trifte épreuve de l'hofpitalité Agrigentine, autrefois fi renommée; & au lieu des palais de Gelias, & des émiffaires qu'il envoyoit au devant des étrangers, ils furent trop heureux de trouver un peu de paille & un méchant grenier pour leur fervir d'afyle.

Agrigente, patrie d'Empedocle, étoit après Syracufe, la première ville & la plus confidé rable de la Sicile, On peut encore voir dans

Diodore & dans Polybe, la defcription que ces Hiftoriens nous ont laiffée de cette ville, célèbre par le nombre de fes monumens & le luxe prodigieux de fes citoyens. Dans les temps de fa fplendeur, fa population ne montoit pas à moins de huit cent mille habitans, à peine en contient - elle aujourd'hui quinze mille; mais dans cet état même de dégradation, rien n'eft plus intéreffant que ces debris aux yeux des amateurs de l'antiquité. On citoit fur-tout le nombre & la magnificence de fes Temples: aucune ville n'étoit plus riche en ce genre. Parmi ceux qui exiftent encore, on diftingue le Temple de JunonLacinie, enrichi par Zeuxis, qui, au rapport de Pline, y avoit représenté la déeffe, d'après cinq jeunes vierges de la plus excellente beauté, en prenant de chacune d'elles ce qu'elle avoit de plus parfait pour lui fervir de modèle: celui de la Concorde, le plus confervé de tous les Temples de la Sicile, & le feul dont on ait pris quelque foin, grace à un vieux Saint qu'on y révère, & qui y fait journellement des miracles. Mais ce qu'il y a de plus miraculeux ici, dit l'Auteur, c'eft que dans un pays fujet à tant de révolutions, & fur-tout après plus de deux mille ans, ce Temple possède encore en entier toutes fes colonnes.

On voit auffi les ruines des Temples d'Efculape, d'Hercule, fur-tout celui de Jupiter Olympien, à qui fa grandeur, fa majefté, & fes immenfes proportions avoient fait donner le furnom de Temple des Géans, comine

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