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1860, Oct. 27.

Gray Fund 18 vol.) $8.02

AVANT-PROPOS.

De toutes les difficultés qui se présentent quand on aborde les annales de l'Espagne, depuis la conquête arabe jusqu'au seizième siècle, la plus grave est inhérente au sujet même : c'est le manque d'unité. C'est là, du reste, un vice commụn au début de toutes les monarchies européennes : l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France même, sont, pendant les quatre ou cinq premiers siècles de leur histoire, presque aussi morcelées que la Péninsule.

Vouloir tous la même chose, et la vouloir pendant huit siècles, avec cette indomptable persévérance qui caractérise la race ibérique, telle est la véritable

unité de l'Espagne. Ajoutez à ce lien commun d'une nationalité scellée par la guerre une même langue, une même religion; le courage, qui est, avec la ténacité, la plus vieille vertu des Espagnols; la foi en Dieu, la méfiance des hommes, propres aux peuples qui ont beaucoup souffert, et la patience, humble héritage que les générations se transmettent en attendant des jours meilleurs: tel est le patrimoine commun à toute la race espagnole, l'unité morale qui soude l'une à l'autre toutes les provinces, malgré tant et de si profondes dissemblances.

En étudiant l'influence du sol de l'Espagne sur le caractère de ses habitants, on est frappé tout d'abord d'une étroite analogie entre l'unité compacte de cette péninsule et ses penchants monarchiques si prononcés. D'un autre côté, les barrières de montagnes qui la divisent en six ou sept états bien distincts expliquent mieux encore ce penchant à l'isolement, qui a de tout temps caractérisé le peuple espagnol. Or, après une longue lutte, le résultat de ces deux penchants si opposés a été une transaction: la royauté castillane, depuis Ferdinandle-Catholique, n'a été, quelque absolue qu'elle paraisse, autre chose qu'une royauté fédérale, avec des formes monarchiques au faîte, mais des habitudes républicaines à la base. A chaque secousse,

vous voyez quelqu'un des membres de ce corps mal joint chercher à s'en détacher, et le vieux levain du fédéralisme fermenter dans ces provinces qui se souviennent d'avoir été des royaumes.

Certes, la monarchie a fait bien du mal à l'Espagne; mais tous ses torts sont compensés peut-être, car elle lui a donné l'unité: unité factice et incomplète, il est vrai, puisqu'elle avait à lutter contre une loi de nature plus forte qu'elle; mais enfin la monarchie n'en a pas moins travaillé depuis trois siècles à réunir en une seule les six ou sept Espagnes cachées dans les replis de ces sierras, et dans les profonds bassins de ces fleuves; elle seule a été le lien qui serrait ce faisceau toujours prêt à se rompre. De là ce cachet de fédéralisme empreint même sur la grande monarchie de Charles-Quint et de Philippe II. Alors que cette monarchie quasi-universelle semble à son apogée, on sent encore qu'elle vacille à sa base. Toutes ces royautés secondaires qui lui ont délégué leurs pouvoirs, comme des vassaux jaloux de leur suzerain lui marchandent leur obéissance; Charles-Quint, empereur d'Allemagne, et maître de la moitié de l'Europe, ne peut pas arracher d'impôts à la catholique Espagne pour faire la guerre aux huguenots, et le souverain des deux mondes n'a pas le droit de destituer un alcalde de Biscaye.

L'histoire d'un pays si singulièrement façonné par la nature ne doit pas ressembler à une autre. Dans la France ou l'Allemagne du moyen âge, si morcelées qu'elles soient, vous avez pour guide la monarchie qui existe au moins de nom, et lie, ne fût-ce que par un fil, les tiges éparses du faisceau féodal; mais vous n'y avez pas, comme en Espagne à la même époque, cinq souverainetés chrétiennes indépendantes, sans compter les vingt à trente rejetons qui poussent sur les débris de la souche des Ommiades; vous n'y avez pas ces deux histoires dans une seule, ces deux versions contradictoires de chaque fait, ce perpétuel antagonisme des deux races et des deux religions.

ans,

En passant ainsi en revue toutes les difficultés d'une histoire d'Espagne, nous n'avons pas pour but d'exagérer l'audace de l'entreprise, mais de nous faire pardonner les lenteurs de l'exécution. Dans ce pénible travail, poursuivi sans interruption depuis dix une nouvelle édition, retardée à dessein, nous a permis de corriger les imperfections de la première. Des lacunes importantes ont été comblées dans l'Espagne romaine; le récit des faits, dans les premiers volumes, a été resserré, de manière à devenir à la fois plus net et plus rapide; enfin la double histoire des deux Espagnes, arabe et chrétienne, trop divisée peut-être, a été confondue dans la trame du même

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