Immagini della pagina
PDF
ePub

quement les archives de l'antiquité latine, que de précieux matériaux il y aurait trouvés pour l'histoire de la langue, des mœurs, et de la religion romaine 1. C'étaient (car nous pouvons encore, après tant de pertes, signaler plusieurs de ces documents) le chant des Arvales, dont Varron semble ignorer l'existence; les hymnes Saliens interprétés par Ælius Stilon l'un des fondateurs de la science grammaticale chez les Romains; le vieux poëme de Nelée, dont le sujet et l'âge ne sauraient être indiqués d'une manière précise ; le Droit Papirien, dépôt de la législation royale, à peine connu aujourd'hui par quelques fragments défigurés; les premiers traités entre Rome et Carthage, déjà difficiles à comprendre pour des savants contemporains de Polybe; la loi des Douze Tables, dont il eût fallu rechercher les vieux exemplaires, car dans les écoles, où on les apprenait encore par cœur au dernier siècle de la république, les formes archaïques devaient s'en être bien altérées; le poëme d'Appius Cæcus où quelques-uns croyaient apercevoir un reflet des doctrines pythagoriciennes ; d'innombrables dédicaces et inscriptions funéraires dont nous pouvons apprécier l'importance par les monuments de Duilius et des Scipions, et dont Cicéron a quelque

(1) Est-ce bien là le travail dont Salluste avait chargé le grammairien Ateius Philologus (voyez plus bas, p. 61, 62)? A juger par ce qui nous reste de Salluste, on en doutera peut-être.

(1) Cicéron, de Leg., II, 4 et 23.

part invoqué le témoignage1; les registres des corporations religieuses, des censeurs et des édiles; la collection enfin des grandes Annales, et des textes législatifs réunis dans les temples et les autres monuments publics.

Depuis que Rome a des écrivains de profession scribæ, comme on les appelait alors 2) et des écoles, les monuments de la langue deviennent plus nombreux et plus faciles à comprendre. Dans les hymnes de Livius Andronicus, dans les drames du même auteur et de ses élèves Ennius et Pacuvius, dans les discours de Caton, en un mot, dans toute la littérature savante des derniers temps, il y avait pour l'historien une mine inépuisable de souvenirs et de citations qui ajoutaient à la vérité comme au charme du récit. Et cependant rien de ces vicissitudes de la vie intellectuelle de Rome ne se reflète dans ses annales écrites par des Romains ou par des Grecs convertis à la cité romaine; vainement on y cherche la vive empreinte de l'esprit des hommes et des temps: partout l'art y prime la science, et ramène les traits du tableau à un idéal de convention. De là cette défiance qui nous pousse à chercher une autre histoire derrière le récit des historiens classiques; de là notre nouvelle prédilection pour les compilateurs et les archéologues, témoins naïfs de faits méconnus ou dédaignés; de là ces restaura

(1) Voyez plus bas, p. 104, n. 4.

(2) Voyez le témoignage de Festus cité plus bas, p. 284, 285.

tions hardies d'un monument plus facile à renverser qu'à reconstruire, les épopées imaginaires de Niebuhr, les travaux ingénieux et quelquefois solides de l'école sceptique que Niebuhr a fondée.

II.

L'objet du livre que je publie n'est pas de fournir des armes à l'esprit de système contre l'autorité des grands écrivains; ce n'est pas de reconstruire, avec la poussière des ruines, cette double histoire des choses et des mots, dont j'esquissais plus haut quelques traits, œuvre difficile, dirai-je impossible aujourd'hui; mais si l'intelligence du génie latin peut être vivifiée par un sentiment plus vrai de ses différents caractères et de ses formes successives, un recueil où seraient marqués, dans leur ordre chronologique et par des monuments, tous les âges de la langue, servirait beaucoup à ce progrès des études. Il offrirait à l'historien et au critique la matière de leçons utiles; en leur montrant par ses lacunes même l'étendue des pertes que nous avons faites, il les induirait à juger avec prudence et réserve d'obscurs problèmes d'archéologie littéraire.

Telle est, je crois, en quelques mots, la pensée du maître illustre qui voulut bien me conseiller ce travail, m'en tracer le plan, et me soutenir dans les difficultés de l'exécution. Il appartenait à M. Villemain de concevoir et d'encourager unė

telle entreprise, pour l'intérêt commun du monde savant et des écoles françaises. Était-ce à moi de la réaliser, lorsque diverses convenances de temps et d'espace, et plus que tout mon insuffisance, devaient réduire à des bornes modestes un projet digne de plus larges développements?

D'abord j'ai dû me renfermer entre la fondation de Rome et la fin du règne d'Auguste; époque où l'Empire atteint sa plus haute splendeur, et la langue sa pleine maturité. Dans cette période même il fallait choisir les pièces les plus intéressantes : plusieurs volumes auraient à peine suffi pour une collection complète. Cela posé, au point de vue philologique, toutes les inscriptions authentiques méritaient de figurer dans ce volume comme témoignage direct de la grammaire et de l'orthographe anciennes. Je n'ai donc, en ce genre, négligé volontairement aucun texte de quelque étendue; mais j'ai sévèrement exclu, sans en avertir toujours le lecteur, les pièces apocryphes ou suspectes, tous les pastiches anciens ou modernes, parmi lesquels il suffira de rappeler ici les prétendus fragments du journal de Rome 1 et les formules de lois rédigés par Cicéron à l'imitation des Douze Tables 2.

Entre les fragments littéraires, je n'admets en

(1) Voyez M. J. Vict. Le Clerc : Des Journaux chez les Romains (Paris, 1838, in-8°), p. 261-341.

(2) Dans les livres II et III de son traité des Lois, lequel offre d'ailleurs çà et là des débris authentiques de l'ancienne législation, et particulièrement des Douze Tables.

b

je

général que les plus complets et les plus intelligibles. J'ai cru pouvoir m'écarter de cette règle pour les fragments de l'Odyssée de Livius, d'une tragédie d'Ennius et d'une tragédie de Pacuvius; il était bon de faire connaître par quelques exemples l'état de ces oeuvres mutilées et les ressources dont la critique dispose pour en deviner le caractère et en restaurer l'ensemble. Au reste, me suis expliqué sur ce point et sur quelques autres dans les notes ou dans les introductions des principaux chapitres ; mais il convient d'ajouter ici une observation générale. Je n'ai pas soumis les textes littéraires à une recension proprement dite; sauf quelques corrections légères et que je n'ai pas toujours signalées, on trouvera ici pour chaque auteur le texte de la meilleure édition que j'ai pu m'en procurer. Quant aux variétés orthographiques qui résultent de cette méthode, le lecteur les pardonnera facilement. En effet, les plus anciennes et les plus correctes inscriptions réunies dans ce livre prouvent combien était alors capricieuse l'orthographe des copistes romains 1. Le désordre avait donc ici une sorte de vérité locale qu'il était au moins inutile de corriger 2.

Avant l'épigraphie et la littérature, se placent les

(1) Il existe sur ce point un singulier témoignage de Cicéron, qu'on peut ajouter aux textes indiqués plus haut (p. 284): Legum custodiam nullam habemus; itaque hæ leges sunt, quas apparitores nostri volunt, a librariis petimus, publicis litteris consignatam memoriam publicam nullam habemus. Græci hoc diligentius, etc. » De Leg., II, 20.

(2) Voyez plus bas, p. 208, note.

« IndietroContinua »