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que lon convint que tout serait bon, pourvu qu'on se divertît. Les Romains, en imitant les pièces des Grecs, profitèrent de la même liberté, et l'on souffrit, dans les divertissemens publics, ce qui était défendu dans tout autre temps. Voilà ce qu'on a trouvé de plus plausible; et il faut bien se contenter de cette explication, puisqu'il n'y en a point de meilleure.

Quoique l'obscénité des termes, si fréquente dans Aristophane, et l'indécence des mœurs que nous verrons dans Plaute, ne soient guère moins

révoltantes pour nous, il est pourtant plus aisé de s'en rendre raison. La langue d'Athènes et de Rome était moins modeste que la nôtre :

Le latin dans les mots brave l'honnêteté,

a dit Boileau, et l'on peut en dire autant du grec. Il est reconnu que, sur cet article, toutes les langues ne sont pas également scrupuleuses. La nôtre même a éprouvé sur ce point des variations, puisqu'il y a dans Molière tel mot qui revient fort souvent, qui, de son temps, n'était pas malhonnête, et qu'aujourd'hui l'on ne se permettrait pas en bonne compagnie ni sur le théâtre. La coutume et le préjugé doivent donc avoir établi en ce genre des différences sensibles. Comme il n'y eut jamais chez les Grecs, et pendant long-temps à Rome, que les courtisanes qui vécussent librement et indistinctement avec les

hommes, l'habitude genérale, parmi les jeunes gens, de vivre avec cette espèce de femmes, tandis que toutes les mères de famille se tenaient dans l'intérieur de leur domestique, ne dut pas apporter beaucoup de réserve dans le langage ordinaire et journalier. Tout ce qui a rapport aux convenances sociales n'a pu se perfectionner que chez une nation où le commerce continuel des deux sexes a dû former peu à peu l'esprit général, et épurer le ton de la société. La société ainsi composée est en effet l'empire naturel des femmes elles en sont devenues les législatrices nécessaires. Les hommes peuvent commander partout ailleurs : là seulement l'autorité appartient tout entière au sexe à qui il a été donné, par la nature, d'adoucir et de polir le nôtre. Dès que tous les deux se rassemblent, dès qu'on fait de cette réunion un moyen habituel de bonheur, il faut bien, pour leur intérêt réciproque, que le plus doux et le plus aimable donne la loi, et que celui des deux qui apporte dans ce commerce le plus d'agrémens et de douceur y ait aussi le plus d'influence. Alors a dû s'établir le principe de ne jamais prononcer devant les femmes un mot qui pût les faire rougir: de là ce respect qu'aura toujours pour elles tout homme un peu délicat; sorte d'hommage qui peut les flatter encore plus que le désir de leur plaire, parce que l'un tient à l'attrait général du sexe, et que l'autre est un

témoignage d'estime de là ces égards que l'on doit à la modestie qui leur est naturelle, et qui doit nous être à nous-mêmes d'autant plus précieuse, que c'est encore en elles une grâce de plus et un charme nouveau qui se mêle à l'expression de leur sensibilité.

Tel était l'excellent ton de la cour de Louis XIV, celui qui se fait sentir dans tous les monumens qui nous en restent, celui qui servit de modèle aux autres nations de l'Europe, et qui a fixé le caractère de l'urbanité française. C'est encore à ces traits que l'on reconnaît aujourd'hui la bonne compagnie, celle qui mérite véritablement ce nom. Sans doute la nation ne renoncera jamais à l'un des avantages les plus aimables qui l'aient distinguée jusqu'ici. On ne détruira pas le respect des convenances sociales, sous prétexte d'égalité, et l'on ne nous ôtera pas la politesse des nations civilisées ni la décence des mœurs et du langage, sous prétexte de nous rendre la gaieté. Ce serait au contraire une preuve que nous l'aurions perdue, cette gaieté dont on nous parle, si l'on n'en pouvait plus avoir qu'aux dépens de la pudeur publique. Ce genre de gaieté est heureusement celui de tous dont on se dégoûte le plus vite. Ceux qui seraient tentés d'y avoir recours y renonceront bientôt, ne fût-ce que par amour-propre. On réussit à y peu de frais, et c'est de toutes les sortes d'esprit celle dont les sots tirent le plus de

parti. Ainsi, quoique d'honnêtes gens, entraînés par la curiosité ou par la mode, puissent s'amuser un moment de ces spectacles subalternes, comme on s'arrête quelquefois dans la rue devant le théâtre de Polichinelle, ils ne croiront jamais que la gaieté française aille prendre des leçons à ces farces grossières, qui auraient été sifflées dans les cours de Versailles par les valets de pied de Louis XIV.

SECTION II.

De la Comédie latine.

Il n'y a point, à proprement parler, de come die latine, puisque les Latins ne firent que traduire ou imiter les pièces grecques; que jamais ils ne mirent sur le théâtre un seul personnage romain; et que, dans toutes leurs pièces, c'est toujours une ville grecque qui est le lieu de la scène. Qu'est-ce que des comédies latines où rien n'est latin que le langage? Ce n'est pas le sans doute un spectacle national. Le nôtre lui-même n'a mérité ce titre que depuis Molière : avant lui, toutes nos pièces étaient espagnoles, parce que Lopez de Vega, Caldéron, Roxas et d'autres, furent les premiers modèles de nos auteurs. C'est un tribut que paient en tout genre les nations qui viennent les dernières dans la carrière des arts: mais quand on arrive après les autres, il reste une ressource,

c'est d'aller plus loin qu'eux; et les Français ont eu cette gloire, qui a manqué aux Romains.

Ennius, Névius, Cécilius, Aquilius, et beaucoup d'autres, tous imitateurs des Grecs, ne sont point venus jusqu'à nous. Il nous reste vingt et une pièces de Plaute, qui écrivait dans le temps de la seconde guerre punique. Epicharme, Diphilus, Démophile et Philémon, furent ceux dont il emprunta le plus. Si l'on en juge par ses imitations, on n'aura pas une grande idée de ses modèles. Le comique de Plaute est très-défectueux; il est si borné dans ses moyens, si uniforme dans son ton, qu'on peut l'appeler un comique de convention, tel qu'a été long-temps celui des Italiens, c'est-à-dire, un canevas dramatique retourné en plusieurs façons, mais dont les personnages sont toujours les mêmes. C'est toujours une jeune courtisane, un vieillard ou une vieille femme qui la vend, un jeune homme qui l'achète, et qui se sert d'un valet fourbe pour tirer de l'argent de son père; joignez-y un parasite, espèce de complaisant du plus bas étage, et dont le métier, à Athènes comme à Rome, était d'être prêt à tout faire pour le patron qui lui donnait à manger; de plus, un soldat fanfaron, dont la jactance extravagante et burlesque a servi de modèle aux capitans, aux matamores de notre vieille comédie, qui ne reparaissent plus aujourd'hui, même sur nos tréteaux : voilà les caractères qui se représentent sans cesse

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