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l'examen de tout ce que cet homme unique a su ajouter à ceux qui l'ont précédé; mais je dois le réserver pour cette partie de mon travail qui regardera les modernes. Ajourd'hui, pour ne pas anticiper sur l'avenir, je ne m'arrête sur ces différens genres de poésie qu'autant qu'il le faut pour caractériser les auteurs anciens. Le développement ne peut être complet que lorsque, parvenus au moment de la renaissance des lettres en Europe, et descendant de cette époque jusqu'à nos jours, nous verrons comment chaque genre a été modifié par des peuples nouveaux, restreint ou étendu, affaibli ou surpassé; et c'est ainsi que les deux parties de ce Cours, se rejoignant l'une à l'autre, achèveront de mettre dans tout leur jour des objets qui se tiennent par euxmêmes, mais que le plan qu'il a fallu suivre m'a forcé de partager.

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Quintilien dit, en propres termes, que la sa-, tire appartient tout entière aux Romains: Satira quidem tota nostra est. Sans doute il veut dire seulement qu'en ce genre ils n'ont rien emprunté des Grecs; car il ne pouvait pas ignorer qu'Hipponax et Archiloque ne s'étaient rendus que trop fameux par leurs satires, qui pouvaient plutôt s'appeler de véritables libelles, si l'on en juge par les effets horribles qui en résultèrent, et par la punition de leurs auteurs. Hipponax fut chassé de son pays, et Archiloque fut poignardé. Ce dernier avait si cruellement diffamé Lycambe, qui lui avait refusé sa fille, que le malheureux se donna la mort. Archiloque fut l'inventeur du vers ïambe, dont les Grecs et les Latins se servirent dans leurs pièces de théâtre. Mais dans ses mains

ce fut, dit Horace, l'arme de la rage'. Le lyrique latin avoue qu'il s'est approprié cette mesure de vers dans quelques-unes de ses odes; mais il ajoute avec raison qu'il est bien loin d'en avoir fait un si détestable usage. Ses satires, ainsi que celles de Juvénal et de Perse, sont écrites en vers hexamètres. Ainsi, l'assertion de Quintilien se trouve suffisamment justifiée, puisque les satiriques latins n'imitèrent les Grecs, ni dans la forme des vers, ni dans le genre des sujets.

La satire, suivant les critiques les plus éclairés, est un mot originairement latin. Il n'a rien de commun avec le nom que portent dans la Fable ces êtres monstrueux qu'elle représente entièrement velus et avec des pieds de chèvre. Il vient du mot satura, qui, dans les auteurs de la plus ancienne latinité, signifiait un mélange de toutes sortes de sujets. Dans la suite on l'appliqua plus particulièrement aux ouvrages qui avaient pour objet la raillerie et la plaisanterie. Enfin Ennius et Lucilius déterminèrent la nature de ce genre d'écrire, et l'on ne donna plus le nom de satires qu'aux poésies dont le sujet était la censure des mœurs. Lucilius surtout s'y rendit très-célèbre, et quoiqu'il eût écrit du temps des Scipions, il avait encore dans le siècle d'Auguste des partisans si

1 Archilochum proprio rabies armavit iambo.

(De Art. poët., v. 79.)

zélés, qu on murmura beaucoup contre Horace, qui, en louant le sel de ses écrits et sa courageuse hardiesse à démasquer le vice, avait comparé son style incorrect, diffus et inégal, à un fleuve qui roule beaucoup de fange avec quelques parcelles d'or. Quintilien lui-même trouve ce jugement d'Horace trop sévère. Il nous est impossible de savoir au juste à qui l'on doit s'en rapporter: il ne nous reste que quelques vers de Lucilius.

Heureusement nous sommes à portée de confirmer l'opinion de ce même Quintilien sur Horace, qui, selon lui, est infiniment plus pur et plus châtié que Lucilius, et a excellé surtout dans

la connaissance de l'homme.

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a dit Gresset; et il est vrai qu'on ne peut, ni railler plus finement, ni louer avec plus de délicatesse. Sa morale est à la fois douce et pure; elle n'a rien d'outré, rien de fastueux, rien de farouche. Nul poëte n'a mieux connu le langage qui convient à la raison; il ne prêche pas la vérité, il la fait sentir; il ne commande pas la sagesse, il la fait aimer. Il connaît les dangers du rôle de censeur, et il trouve en lui-même de quoi les éviter tous. Vous ne pouvez l'accuser de morgue; car, en peignant les travers d'autrui, il commence par

avouer les siens, et s'exécute lui-même de la meilleure grâce du monde. Vous ne pouvez vous plaindre qu'il prêche, car il converse toujours avec vous. Il a trop de gaieté pour être taxé d'humeur ni de misanthropie. Enfin, le plus grand inconvénient de la morale, c'est l'ennui; et il a tout ce qu'il faut pour y échapper: une variété de tons inépuisable, des épisodes de toute espèce, des dialogues, des fictions, des apologues, des peintures de caractères, et l'usage le plus adroit de cette forme dramatique, toujours si heureuse partout où elle peut entrer, et dont, à son exemple, Voltaire, parmi les modernes, a le mieux senti tous les avantages. C'est à lui qu'il appartenait de bien apprécier Horace; c'est à lui qu'il sied bien de dire dans cette charmante épître, l'un des meilleurs ouvrages de sa vieillesse :

Jouissons, écrivons, vivons, mon cher Horace.

Sur le bord du tombeau je mettrai tous mes soins
A suivre les leçons de ta philosophie,

A mépriser la mort en savourant la vie,

A lire tes écrits pleins de grâce et de sens,

Comme on boit d'un vin vieux qui rajeunit les sens.
Avec toi l'on apprend à souffrir l'indigence
A jouir sagement d'une honnête opulence,
A vivre avec soi-même, à servir ses amis,
A se moquer un peu de ses sots ennemis,

A sortir d'une vie ou triste ou fortunée,

En rendant grâce aux dieux de nous l'avoir donnée.

Voilà le meilleur résumé de la lecture des sa

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