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fervations fuffifantes pour conftater au jufte, ni même à-peu-près, quel est le rifque qu'on court à chaque âge de mourir de la petite Vérole naturelle dans le courant d'un mois: mais quand on pourroit apprétier éxactement ce danger, pour chaque mois pris féparément, comment apprétier enfuite le risque total, résultant de la fomme de ces rifques particuliers, qui s'affoibliffent en s'éloila diftance où on les voit, gnant, non - seulement par distance qui tout-à-la-fois les rend incertains, & en adoucit la vûe, mais par l'efpace de tems qui doit les précéder, & durant lequel on doit jouir de l'avantage de vivre ? Il faudroit pouvoir déterminer fuivant quel rapport un rifque de cette espèce diminue, quand on l'envisage dans le lointain, & fuyant, pour ainsi dire, devant nous. Problême qui me paroît insoluble, & dont la folution d'ailleurs, quand elle feroit possible, seroit vraisemblablement différente pour chaque individu, eû égard aux circonftances où il se trouve (D).

Un très-grand Géometre, qui nous a donné fur l'inoculation un favant Mémoire Mathématique, a cherché à répandre fur ce fujet toute la lumiere dont il l'a cru fufceptible.

M. Daniel Bernoulli suppose d'abord, que parmi tous ceux qui n'ont pas eû la petite Vérole, & qui font de même âge, cette maladie en attaque conftamment un huitiéme chaque année; & qu'il périffe auffi un huitiéme

(D) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire.

de ceux qui en font attaqués. D'après cette hypothèse, il détermine, par une Analyse très-ingénieuse, la loi de la mortalité caufée par la petite Vérole naturelle. Il suppose enfuite que l'inoculation enleve une victime fur 200, & il en déduit la loi de mortalité dans l'hypothèse de l'inoculation: : comparant enfin les résultats que les deux hy-. pothèses fournissent, il détermine pour chaque âge le tems qu'on peut espérer de vivre de plus, en fe faifant inoculer, qu'en attendant la petite Vérole.

Quelques éloges que cette théorie mérite, par l'habileté & la finesse avec laquelle l'Auteur l'a développée, elle laiffe, ce me femble, beaucoup à defirer encore.

En premier lieu, la fuppofition que fait l'illuftre Mathématicien fur le nombre de perfonnes de chaque âge qui prennent la petite Vérole, & fur le nombre de ceux qui en meurent, paroît abfolument gratuite. Il n'eft nullement certain, il eft même plus que douteux, pour ne rien dire de plus, que la petite Vérole attaque conftamment (à quelque âge que ce foit) la huitiéme partie de ceux qui n'ont pas eû cette maladie; & il eft plus douteux encore qu'elle fasse périr constamment (à quelque âge que ce foit) la huitième partie de ceux qu'elle attaque. Il faudroit savoir de plus, fi l'inoculation emporte toujours, comme on le suppose, la même partie conftante des inoculés, à quelque âge qu'on les inocule (E). J'avouerai cependant que s'il n'y avoit que des diffi

(E) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire,

cultés de cette efpéce, qui empêchaffent de fixer par le calcul les avantages de l'inoculation, ces difficultés n'auroient lieu, que vù l'imperfection actuelle de nos connoiffances fur cette matiere, & le petit nombre d'obfervations certaines qu'on a recueillies jufqu'à préfent. En formant avec le tems des tables éxactes de ceux qui prennent la petite Vérole à chaque âge, de ceux qui en meurent, & du fort des inoculés, on parviendroit dans la fuite à une connoiffance précife de la mortalité du genre humain, dans l'hypothèse qu'on laiffe agir la petite Vérole naturelle, & dans l'hypothèse de l'inoculation; & on auroit la différence de mortalité dans les deux cas.

Mais qu'apprendra-t-on par cette différence de mortalité? On apprendra, je le veux, que la vie moyenne de ceux qui fe font inoculer, c'est - à - dire, le tems que chacun d'eux peut raisonnablement efpérer de vivre après avoir fubi l'inoculation, furpaffe la vie moyenne de ceux du même âge qui prennent le parti d'attendre la petite Vérole; on déterminera, pour chaque âge, de combien la vie moyenne dans le premier cas eft plus grande que dans le fecond; & par conféquent on aura, en compa rant ces deux rifques, le tems qu'on peut espérer d'ajou ter à fa vie en fe faisant inoculer.

Or cette connoiffance ne me paroît pas fuffire pour fixer d'une maniere fatisfaifante les avantages de l'inoculation. Afin de me faire mieux entendre, j'appliquerai à un exemple le raifonnement que je vais faire. Je

funnofe

Tuppose que la vie moyenne moyenne d'un homme de trente ans, foit trente autres années, c'est-à-dire, que, fuivant les tables de mortalité connues, il puiffe raifonnablement efpérer de vivre encore trente ans, en s'abandonnant à la nature, & en ne se faisant point inoculer. Je fuppofe ensuite, qu'en se soumettant à cette opération, fa vie moyenne foit de 34 ans (F), c'est-à-dire, de quatre ans de plus que s'il attendoit la petite Vérole. Je fuppofe enfin, avec M. Bernoulli, que le rifque de mourir de l'inoculation foit de 1 fur 200. Cela pofé, il me femble que pour apprétier l'avantage de l'inoculation, il faut comparer, non la vie moyenne de 34 ans à la vie moyenne de trente; mais le rifque de 1 fur 200, auquel on s'expose de mourir en un mois par l'inoculation ( & cela à f'âge de trente ans, dans la force de la fanté & de la jeuneffe), à l'avantage éloigné de vivre quatre ans de plus au bout de foixante ans, lorfqu'on fera beaucoup moins en état de jouir de la vie.

En un mot, fi on admet les fuppofitions précédentes, celui qui se fait inoculer, eft à-peu-près dans le cas d'un Joueur, qui rifque un contre deux cens de perdre tout fon bien dans la journée, pour l'efpérance d'ajouter à ce bien une fomme inconnue & même assez petite, au bout d'un nombre d'années fort éloigné, & lorsqu'il fera beaucoup moins fenfible à la jouiffance de cette augmentation de fortune. Or comment comparer ce rifque présent à cet

(F) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire. Opufc. Math. Tome II.

E

avantage inconnu & éloigné? C'eft fur quoi l'Analyse des probabilités ne peut rien nous apprendre. Toutes les régles de cet Analyse n'enseignent qu'à comparer un risque préfent ou proche, à un avantage également préfent ou proche, & non un rifque présent à un avantage qui diminue par fa distance même, fans qu'on puiffe eftimer au juste, ni même à-peu-près, fuivant quelle loi fe fait cette diminution (G).

Voilà, il n'en faut point douter, ce qui rend tant de perfonnes, & fur-tout tant de meres, peu favorables parmi nous à l'inoculation. Le raisonnement que nous venons de développer, elles le font implicitement: fans pouvoir comparer éxactement leur crainte à leur efpérance, elles prennent acte, fi on peut parler ainsi, de l'aveu que font les Inoculateurs, qu'on peut mourir de la petite Vérole artificielle; elles voyent l'inoculation comme un péril inftant & prochain de perdre la vie en un mois, & la petite Vérole comme un danger incertain & dont on ne peut affigner la place dans le cours d'une longue vie. Ne pouvant donc faire un parallèle éxact des deux rifques, & en fixer le rapport, la préfence du premier les frappe plus que la grandeur incertaine du se◄ cond; & l'on fait combien la préfence ou la proximité 'd'un danger qu'on craint, ou d'un avantage qu'on efpere; a de poids pour déterminer la multitude. Jouir du préfent, & s'inquiéter peu de l'avenir, voilà la Logique

(G) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire,

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