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commune; Logique moitié bonne, moitié mauvaise, dont il ne faut pas efpérer que les hommes fe corri

gent.

Pour rendre encore plus fenfible l'impoffibilité d'appliquer à cette matiere d'une manière précife le calcul des probabilités, & pour développer même les fophifmes qu'on pourroit faire à ce fujet, je joindrai ici le raisonnement suivant, auquel je prie qu'on faffe attention. Si l'inoculation étoit avantageufe par cette confidération seule, que la vie moyenne des inoculés eft plus grande que celle des autres hommes, elle feroit d'autant plus avantageufe, & on devroit être d'autant plus empreffé de la pratiquer, qu'elle augmenteroit davantage la longueur de la vie moyenne. Or il eft aifé d'imaginer une infinité d'hypothèses, où l'inoculation augmenteroit énormément la vie moyenne, & où néanmoins on feroit très-imprudent de fe foumettre à cette opération. Voici par exemple, un de ces cas. Je fuppoferai que la plus longue vie de l'homme foit de cent ans; que la petite Vérole foit la feule maladie mortelle, & que cette maladie enleve tous les ans un nombre égal d'hommes : dans ce cas la vie moyenne de ceux qui attendroient la petite Vérole, feroit de cinquante ans, puifque tous les hommes vivroient chacun cinquante ans, l'un portant l'autre, en ne fe faifant point inoculer. Je fuppofe enfuite que l'inoculation une fois pratiquée délivre de la petite Vérole pour tout le refte de la vie ; & que par conféquent les inoculés foient fûrs de vivre cent ans, s'ils échappent

à l'inoculation; mais que cette opération enleve une vic time fur cinq, enforte qu'il n'en réchappe que les. quatre cinquièmes. Cela pofé, il est très-aifé de voir que la vie moyenne de ceux qui feront inoculés, fera les quatrecinquièmes de 100 ans, c'est-à-dire, de 80 ans, & par conféquent de 30 années plus grande que la vie moyenne de ceux qui s'abandonneront à la nature. Si donc on appliquoit à cette hypothèse le raisonnement fondé fur l'augmentation de la vie moyenne des inoculés, on en concluroit que dans le cas préfent l'inoculation seroit très-avantageufe. Cependant je doute que dans ce même cas perfonne voulût prendre le parti de fe faire inoculer; par la raison, que le rifque de mourir de l'inoculation étant un danger inftant & préfent, & fe trouvant d'un contre quatre, eft plus que fuffifant pour balancer la certitude de vivre cent ans, après avoir échappé à cette opération. Envain répondroit-on que nous avons fait une supposition arbitraire, qui n'a point lieu dans l'état actuel de la vie des hommes. Cette fuppofition fuffit pour l'objet que nous nous fommes propofé, pour montrer que l'augmentation de la vie moyenne des inoculés n'eft pas un argument fuffifant en faveur de l'inoculation; car encore une fois, fi ce principe étoit jufte, il feroit applicable à toutes fortes d'hypothèses, fur-tout à celles où la vie moyenne des inoculés feroit considérablement plus grande que la vie moyenne de ceux qui ne le font pas. Dans le cas imaginaire que nous avons pris, le rifque de mourir de l'inoculation eft.

très-grand, mais la vie moyenne eft prodigieusement augmentée; dans le cas réel, le rifque eft fans doute beaucoup moindre, mais l'augmentation de la vie moyenne est beaucoup moindre auffi. Ce n'eft donc ni la longueur feule de la vie moyenne, ni la feule petitesse du rifque, qui doit déterminer à admettre l'inoculation ; c'est uniquement le rapport entre le risque d'une part, & de l'autre l'augmentation de la vie moyenne, ou plutôt l'avantage que doit procurer cette augmentation relativement au tems & à l'âge où l'on en doit jouir. Or la difficulté eft de fixer ce rapport.

La fuppofition que nous avons faite il n'y a qu'un moment, toute gratuite qu'elle eft, peut conduire encore à une autre considération, qu'on n'a pas, ce me femble, affez faite en cette matiere. On a trop confondu l'intérêt que l'Etat en général peut avoir à l'inoculation, avec celui que les particuliers peuvent y trouver; car ces deux intérêts peuvent être fort différens. Par exemple, dans l'hypothèse que nous venons de faire, il eft certain que l'Etat gagneroit à l'inoculation, puifqu'en facrifiant un citoyen fur cinq, la fociété feroit assurée de conferver fes autres membres fains & vigoureux, jufqu'à l'âge de 100 ans; cependant nous venons de voir que dans cette même hypothèse, il n'y auroit peut-être pas de citoyen affez courageux ou affez téméraire pour s'expofer à une opération, où il rifqueroit un contre quatre de perdre la vie. C'eft que pour chaque individu, l'intérêt de fa confervation particuliere eft le premier de tous

l'Etat au contraire considére tous les citoyens indifféremment; & en facrifiant une victime fur cinq, il lui importe peu quelle fera cette victime, pourvû que les quatre autres foient confervées. Or je demande fi aucun Législateur feroit en droit d'obliger les citoyens à l'inoculation, dans la fuppofition (d'ailleurs fi favorable à l'Etat) qu'il en pérît un fur cinq, & que les quatre qui en réchapperoient, fuffent affurés de cent ans de vie? C'est une question digne d'exercer les Arithméticiens politi ques; mais on apprendra du moins par notre hypothèse, que dans cette matiere délicate, l'intérêt de l'Etat & celui des Particuliers doivent être calculés féparément. On ne pensera pas, par exemple, comme le célébre Mathéma ticien déja cité paroît l'avoir cru, que fi l'inoculation ne faifoit périr qu'une victime fur dix, elle feroit encore avantageuse, par cette feule raifon, qu'elle augmente roit de quelques jours la vie moyenne (H).

Il paroît donc que tous les calculs qu'on a faits jus qu'à préfent, pour déterminer les avantages de l'inocu lation, font infuffifans & prématurés. Mais faut-il conclure de-là que l'inoculation doive être profcrite? Je suis bien éloigné de le prétendre. Toutes nos objections contre les calculs des Inoculateurs fe réduifent à prouver qu'on n'a ni obfervations ni méthodes affez éxactes, pour appuyer folidement ces calculs, & pour arriver à un réfultat précis & fatisfaifant. Mais combien d'occasions

(H) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire.

dans la vie, où fans savoir précisément l'avantage qu'on peut espérer en prenant quelque parti, on eft déterminé par le feul motif que cet avantage peut être très-grand? Il ne s'agit plus que de favoir fi l'inoculation eft dans

ce cas.

Je fuppoferai d'abord, comme je l'ai fait jufqu'ici, d'après les Inoculateurs, que l'inoculation augmente en effet la vie moyenne des hommes ; je reviendrai dans un moment fur cette fuppofition; admettons - la d'abord pour vraie. Il est incontestable que dans cette hypothèse Pinoculation feroit avantageufe, fi on ne couroit pas quelque rifque de mourir en fe foumettant à cette opération. Si donc ce rifque étoit abfolument nul, fi tous. les inoculés, fans exception, échappoient à la mort, il n'y a point de citoyen qui dût balancer à fe faire inoculer. Or quoique l'inoculation ait fait périr quelques victimes, cependant les Inoculateurs affurent qu'aucun de ceux qui ont fubi cette épreuve avec les précautions convenables, n'y a fuccombé. Des liftes fidéles, difent ils, prouvent que de douze cens inoculés bien choisis, & traités par la même perfonne dans le même lieu, il n'en eft pas mort un feul. Il ne s'agit donc, ajoutentils , que de fe mettre entre les mains d'un Médecin habile, fage & expérimenté ; & on peut alors fe regar der comme fûr de fa guérifon.

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C'est-là, ce me femble, le point effentiel, auquel les Partisans de l'inoculation doivent s'attacher; c'est à prouver qu'on n'en meurt point, quand elle eft pratiquée &

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