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conduite avec prudence; c'est à prouver (autant què cela eft possible en Médecine) que le petit nombre d'ino, culés qui ont péri jufqu'à préfent, ont été la victime, ou de leur imprudence, ou de celle de leurs guides, ou de quelques accidens particuliers, tout-à-fait étrangers à cette maladie. Il eft certain, & c'est déja un préjugé favorable, que les Médecins fages qui ont pratiqué cette opération, n'ont jufqu'ici perdu aucun de leurs malades. Ces mêmes Médecins paroiffent perfuadés que plus ils la pratiqueront, plus il paffera pour conftant qu'on n'en meurt jamais, quand elle n'eft pas faite au hazard. Or dans une matiere qui ne peut être fufceptible de démonftrations rigoureufes, la grande probabilité du fuccès eft un argument fuffifant pour ne pas profcrire, pour encourager même des expériences utiles. C'eft pourquoi fi ces Médecins fe tiennent affurés de ne faire périr aucun malade par l'inoculation, on ne fauroit trop les exhorter à la répandre : c'eft le moyen le plus für de répondre à la principale objection contre l'inoculation, la crainte d'y fuccomber: crainte qui aura toujours beaucoup de force fur le commun des hommes, quelque peu fondée qu'on la suppose; parce que d'un côté elle a pour objet un danger préfent, que de l'autre ils ne peuvent comparer avec affez de certitude le risque qu'ils courent à l'avantage qu'ils efperent.

&

Allons plus loin. Quand même l'inoculation, faite avec les précautions convenables, emporteroit quelques victimes en très-petit nombre fur une quantité infiniment

plus

plus confidérable qui en réchapperoit, ce ne feroit pas encore une raison pour la condamner. En effet, il faut confidérer, que la petite Vérole naturelle emporte tous les ans, année commune, une certaine partie du genre humain, & par conféquent auffi une certaine partie tous les mois, c'est-à-dire, dans un espace de tems égal à celui où l'on fubit le risque de l'inoculation. Ce nombre de victimes de la petite Vérole naturelle eft à Paris d'environ un fur 6000 par mois; c'est-à-dire, que fur 6000 perfonnes vivantes, prises au hazard & à tout âge, il en meurt une par mois de la petite Vérole (1); encore faut-il obferver, que des 6000 perfonnes actuellement vivantes, & de tout âge, dont il meurt une par mois de la petite Vérole naturelle, il y en a un trèsgrand nombre qui a déja eu la petite Vérole, & qui par conféquent ne doit point être compté parmi les 6000 perfonnes dont il s'agit. Suppofons que ce nombre à retrancher ne foit que de la moitié des 6000; alors le rifque de mourir de la petite Vérole en un mois, feroit de pour tous les âges indifféremment. Il eft même certainement plus confidérable. Car on peut affurer, quoiqu'on n'ait point encore là deffus d'observations Exactes, que de toutes les perfonnes actuellement vivantes à tout âge, il y en a beaucoup plus de la moitié. qui ont déja payé le tribut à la petite Vérole naturelle (K).

I

COO

(I) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire.

(K Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire.

Opufc. Math. Tome II.

F

humain

que

Si donc l'inoculation, qui enleve déja, comme on vient de le voir, fi peu de perfonnes, fe perfectionnoit au point de n'en faire périr qu'une fur trois mille, ou fur un plus. la genre grand nombre, alors la partie du petite Vérole enleve chaque mois, ne feroit pas plus petite, ou même feroit plus grande que celle qui fuccomberoit à l'inoculation,fagement adminiftrée. En ce cas le danger de cette opération feroit réellement & abfolument nul; & perfonne au monde ne devroit craindre de s'y expofer, ou pour foi, ou pour les fiens; car alors on ne courroit pas plus de rifque, ou même on en courroit moins à fe donner la petite Vérole, qu'à attendre qu'elle vânt naturellement dans le courant du mois où on fa feroit inoculer; avec cet avantage de plus, que l'inocula tion délivreroit pour le reste de la vie de la crainte d'une maladie affreufe & cruelle.

Or fi 1200 inoculés bien choifis, & traités avec pru dence, ont échappé au danger de l'inoculation, n'y a t-il pas lieu de croire que 3000 inoculés, choisis & traités de même, en réchapperoient? On affure qu'à Conftanti nople, 10000 perfonnes inoculées avec précaution dans une feule année, ont subi heureusement cette épreuve. Quand le fait feroit exagéré du triple, c'en feroit plus que nous n'en demandons.

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Enfin, quand même le rifque de mourir de l'inocu→ lation (fagement administrée) seroit plus grand que ce→ lui de mourir de la petite Vérole naturelle dans le cou rant du même mois, ce rifque, s'il n'étoit en effet que

de 1 fur 1200, feroit encore plus petit que celui de mourir de la petite Vérole naturelle dans l'efpace de trois mois. Car, fuivant le calcul qu'on vient de faire le nombre de ceux qui meurent à Paris de la petite Vérole, année commune, eft tout au moins de 1 fur 3000 en un mois; & par conféquent de 1 fur 1000 en trois mois (a). Donc le rifque de mourir de la petite Vérole naturelle en trois mois, feroit au moins le même, & vraisemblablement plus grand, que celui de mourir en un mois de l'inoculation. Or rifquer de mourir au bout d'un mois, ou dans l'espace de trois, eft à-peu près la même chofe pour le commun des hommes. On ne devroit done pas balancer à préférer celui de ces deux rifques qui délivre de la crainte de la petite Vérole naturelle ; parlà on auroit l'avantage de s'affurer à la fois une vie plus longue & une plus grande tranquillité; avantage affez grand, pour l'emporter fur la légere probabilité de fuccomber à l'inoculation, en ne facrifiant que deux mois de fa vie (L). Lorsqu'il eft queftion d'un ayanta, ge, même éloigné, il y a une infinité de cas, fur-tout dans le cours de la vie, où une probabilité très-petite de danger, qui balance cet avantage, doit être traitée comme fi elle étoit abfolument nulle. Ce principe, pour le dire en paffant, eft très-important dans la théorie des

(a) On verra dans les Notes que ce rifque peut être porté, fans craindre de fe tromper, à fur 1500 en un mois; ce qui réduiroit abfolument à rien (dans la fuppofition préfente) le danger de l'inoculation.

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(L) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire.

jeux de hazard: il peut fervir à réfoudre des questions. épineufes & délicates, qui n'ont point été réfolues jusqu'ici, ou qui l'ont été mal, mais qui ne font F'objet de ce Mémoire: (M).

pas de

Il ne nous refte plus qu'à examiner la fuppofition que nous avons faite, que l'inoculation augmente la vie moyenne des hommes. Cette fuppofition eft fondée fur deux autres. 1°. Que l'inoculation garantisse de la petite Vérole naturelle. 2°. Que l'inoculation n'emporte après elle aucune autre maladie mortelle ou dangereufe. Les observations, felon les Inoculateurs, paroiffent favora bles jusqu'ici à la premiere fuppofition, ou du moins n'y paroiffent pas contraires. On n'a point encore, difent ils, un feul exemple incontestable d'un inoculé qui ait repris la petite Vérole; & il faut avouer au refte que quand même le cas arriveroit, il pourroit être si rare, qu'on feroit en droit de le regarder, dans la pratique, comme n'éxiftant pas (a). A l'égard de la feconde fupposition, on ne fauroit, il eft vrai, démontrer en rig gueur, que l'inoculation, en nous délivrant de la petite Vérole, ne nous rende fufceptibles d'aucune autre maladie dangereuse; mais il eft encore plus vrai qu'on n'a pas de preuve du contraire. Jufqu'ici les inoculés pa roiffent avoir joui d'une auffi bonne fanté après cette

(M) Voyez les Remarques à la fin de ce Mémoire. Voyez auffi le Mej moire précédent fur le Calcul des probabilités.

(a) Voyez la Note (D) n. 1.

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