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goureufement poffible, pile peut arriver foixante fois de fuite; & d'ailleurs pourquoi croix arriveroit-il nécessairement en foixante coups, plutôt qu'en cinquante-neuf ou en foixante-un? Il en fera de même de toute autre fuppofition qu'on pourroit faire. 2°. Si on dit que la fomme qui indique l'efpérance de Pierre, eft finie & indéterminée, on ne fait qu'éluder la' question; car il est évident qu'on peut fuppofer deux joueurs qui jouent enfemble aux conditions propofées; il est évident de plus que Pierre doit avoir à ce jeu un grand avantage, & il s'agit de favoir comment eftimer cet avantage inconnu; car il est évident encore que cet avantage n'eft pas infini, quoique le calcul femble le donner plus grand qu'aucun avantage fini. Voilà donc un cas, très-poffible dans les jeux de hazard, où la régle eft en défaut ; cette régle n'est donc pas générale.

V I.

En troifiéme lieu, je fuppofe que l'on joue en un nombre fini de coups, par exemple, en cent coups, on trouvera que Pierre doit donner cinquante écus à Jacques. Or il n'y a point de joueur qui voulût donner cette fomme en pareil cas; car il faudroit, pour qu'il rattrappât cette fomme en jouant, que croix ne vînt qu'au feptiéme coup; & affurément Pierre croiroit trop rifquer d'attendre que ce cas arrivât.

VII.

Un Géometre célébre de l'Académie des Sciences,

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plein de favoir & de fagacité, avec lequel je raifonnois un jour fur cette queftion, m'en donna une folution qui paroît d'abord fatisfaisante, & qui eft très-simple, quoique très - ingénieuse. » On ne doit point supposer, me dit-il, que le nombre des jets foit infini, ni même indéterminé; car Jacques, quelque riche qu'on le fuppofe, n'a pas une fomme infinie en argent à donner à Pierre; il n'a, & ne peut avoir qu'une certaine quan» tité finie d'argent. Suppofons-le riche de 299 écus, fom» me exorbitante, & qui paffe le vraisemblable; il est évident qu'il ne pourra jouer au-delà de cent coups; » & qu'ainfi l'espérance ou l'enjeu de Pierre eft cinquante écus. Voilà ce que Pierre doit donner à Jacques pour » jouer avec Jacques à jeu égal: & en genéral fi le bien » de Jacques eft 2*, ou entre 2* & 2*+1, il ne peut jamais y avoir plus dex+1 coups poffibles, & l'efpé

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Mais la remarque faite dans le §. VI, montre, ce me femble, l'infuffifance de cette folution, toute ingénieuse & toute fimple qu'elle eft. Car dans le cas propofé, où le bien de Jacques eft fuppofé 299 écus, & où l'on joue en cent coups, il est bien certain que Pierre croiroit rifquer beaucoup au-delà de ce qu'il doit, en donnant cinquante écus à Jacques. Pourquoi cela? C'eft, comme

nous l'avons dit, qu'il faudroit, pour que Pierre rattrappât fa mise & au-delà, que croix n'arrivât qu'au feptiéme coup; que, fuivant les régles ordinaires du calcul des combinaisons, il y a 127 contre un à parier que croix arrivera plutôt, auquel cas Pierre perdra fa mise en partie ou en total; & qu'une probabilité de 127 contre un est fi petite, qu'on ne doit point rifquer une fomme d'argent (même affez médiocre ) vis-à-vis de cette probabilité, quand même le gain qui en pourroit réfulter feroit immense. En voici la preuve. Qu'on propose à quelque homme que ce foit de gagner dix millions à une Loterie de 128 billets, où il n'y a que ce feul lot de dix millions; fon efpérance & fon enjeu par conféquent, ce qu'il devroit donner pour jouer au pair (fuivant les régles ordinaires des probabilités) feroit 1000020278125. Cependant quel feroit l'homme affez infenfé pour rifquer cette fomme?

I X.

I 28

Dirat-on que cette fomme ne peut pas être risquée par cette feule raifon, qu'étant trop forte, elle feroit une bréche trop confidérable aux biens du Joueur? Mais 1o. il s'enfuivra au moins de-là, que quelque grande que foit la fomme espérée (qui est ici de dix millions) la mife ne doit pas toujours y être proportionnelle, tout le refte d'ailleurs égal; & qu'ainfi il y auroit au moins à cet égard des modifications à donner à la régle, jusqu'à présent admife par tous les Analyftes, que la

que

mife doit être proportionnelle à la fomme que l'on efpere. 2°. Suppofons qu'au lieu de dix millions, le lot ou la fomme espérée ne foit que de 128 écus, il faudra le joueur donne un écu pour fa mife; & quoiqu'un des 128 billets doive fortir de la roue, & que ce billet puiffe être absolument celui qui porte le lot, il n'est perfonne qui en ce cas ne doive regarder sa mise comme de l'argent perdu, par le grand risque qu'elle court. Il eft vrai, que fi le joueur n'eft pas fort pauvre, cette perte l'incommodera peu; mais enfin c'est toujours une perte; & dans l'analyfe des jeux de hazard, on confidere la perte ou le gain d'une maniere abfolue, & indépendamment de la fortune des Joueurs.

X.

Que conclure de ces réfléxions? C'est que quand la probabilité d'un événement eft fort petite, elle doit être regardée & traitée comme nulle; & qu'il ne faut point multiplier (comme on l'a prescrit jufqu'à présent) cette probabilité par le gain efpéré, pour avoir l'enjeu ou l'espérance. Par exemple, que Pierre joue avec Jacques en 100 coups, à cette condition que fi Pierre amene croix au centiéme coup, & non auparavant, il recevra de Jacques 2100 écus: on trouve (en fuivant la régle ordinaire) que Pierre devroit donner un écu à Jacques avant le jeu. Or je dis que Pierre ne doit pas donner cet écu; parce qu'il le perdra certainement, & que croix arrivera

certainement

Certainement avant le centiéme coup, bien qu'il ne doive pas arriver néceffairement.

X I.

Pour confirmer ce que je viens de dire, je fuppofe qu'on jette une piéce en l'air cent fois de fuite : il est certain; 1°. que le nombre des combinaisons poffibles est 2100, c'est-à-dire, qu'il y a 2100 différentes combinaifons poffibles de la maniere dont croix & pile peuvent arriver, lorsqu'on jette la piéce en l'air cent fois de fuite; ce qui fait en tout 2100 x 100 coups. 2°. Que si par conféquent on jette la piéce en l'air 2100 x 100 fois de fuite, c'eft-à-dire, qu'on recommence le jeu 2100 fois, il fera arrivé 21°° combinaisons de croix & pile pris dans cent jets confécutifs. 3°. Que par conféquent chacun des 2100 événemens fe trouvera une fois, ou quelqu'un plufieurs fois, parmi les 2100 combinaifons que croix ou pile doivent produire dans ce cas. Or je dis qu'on peut parier fans rien craindre, que de ces 2100 combinaisons, celle qui amenera croix cent fois de fuite, ou pile cent fois de fuite, n'arrivera pas une feule fois dans les 2100 qu'on a (hyp.) recommencé le jeu, en jettant à chaque jeu la piéce en l'air cent fois de fuite; par conféquent quelqu'une ou plufieurs des combinai fons, où croix & pile se trouvent mêlés, arriveront néceffairement plufieurs fois dans ces 2100 fois. J'ajoute que les combinaisons qui arriveront le plus fouvent, feront celles où croix & pile fe trouveront le plus mêlés, Opufc. Math. Tome II.

B

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