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Que vous l'aimez de même, et fuirez avec nous.
Ce mot me l'a rendu si traitable et si doux,
Que j'ai bien reconnu qu'un peu de jalousie
Touchant votre Clindor brouilloit sa fantaisie,
Et que tous ces détours provenoient seulement
D'une vaine frayeur qu'il ne fût mon amant.
Il est parti soudain après votre amour sue,
A trouvé tout aisé, m'en a promis l'issue,
Et vous mande par moi qu'environ à minuit
Vous soyez toute prête à déloger sans bruit.

ISABELLE.

Que tu me rends heureuse!

LYSE.

Ajoutez-y, de grace,

Qu'accepter un mari pour qui je suis de glace,
C'est me sacrifier à vos contentements.

Aussi...

ISABELLE,

LYSE.

Je ne veux point de vos remerciements : Allez ployer bagage; et, pour grossir la somme3, Joignez à vos bijoux les écus du bon-homme. Je vous rends ses trésors, mais à fort bon marché; J'ai dérobé ses clefs depuis qu'il est couché, Je vous les livre.

VAR. Et que tous ces délais provenoient seulement
2 VAR. Qu'il alloit y pourvoir, et que, vers la minuit,
Vous fussiez toute prête à déloger sans bruit.

3 VAR. Allez ployer bagage, et n'épargnez en somme
Ni votre cabinet, ni celui du bon-homme.

ISABELLE.

Allons y travailler ensemble'.

LYSE.

Passez-vous de mon aide.

ISABELLE.

Eh quoi! le cœur te tremble?

LYSE.

Non, mais c'est un secret tout propre à l'éveiller;
Nous ne nous garderions jamais de babiller.

Folle, tu ris toujours.

ISABELLE.

LYSE.

De peur d'une surprise

Je dois attendre ici le chef de l'entreprise;

S'il tardoit à la rue, il seroit reconnu;

Nous vous irons trouver dès qu'il sera venu.

C'est là sans raillerie....

ISABELLE.

Adieu donc. Je te laisse,

Et consens que tu sois aujourd'hui la maîtresse.

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SCÈNE III.

LYSE.

Ainsi, Clindor, je fais moi seule ton destin;
Des fers où je t'ai mis c'est moi qui te délivre,
Et te puis, à mon choix, faire mourir, ou vivre.
On me vengeoit de toi par-delà mes desirs;
Je n'avois de dessein que contre tes plaisirs.
Ton sort trop rigoureux m'a fait changer d'envie;
Je te veux assurer tes plaisirs et ta vie;

Et mon amour éteint, te voyant en danger,
Renaît pour m'avertir que c'est trop me venger.
J'espère aussi, Clindor, que, pour reconnoissance,
De ton ingrat amour étouffant la licence'....

SCÈNE IV.

MATAMORE, ISABELLE, LYSE.

ISABELLE.

Quoi! chez nous, et de nuit !

1 VAR. Tu réduiras pour moi tes vœux dans l'innocence.

Ici, Corneille a supprimé ces quatre vers:

Qu'un mari me tenant en sa possession,
Sa présence vaincra ta folle passion,
Ou que, si cette ardeur encore te possède,
Ma maîtresse avertie y mettra bon remède.

MATAMORE.

L'autre jour....

ISABELLE.

Qu'est ceci,

L'autre jour? est-il temps que je vous trouve ici ?

LYSE.

C'est ce grand capitaine. Où s'est-il laissé prendre?

ISABELLE.

En montant l'escalier je l'en ai vu descendre.

MATAMORE.

L'autre jour, au défaut de mon affection,
J'assurai vos appas de ma protection.

Après?

ISABELLE.

MATAMORE.

On vint ici faire une brouillerie;

Vous rentrâtes voyant cette forfanterie,

Et, pour vous protéger, je vous suivis soudain.

ISABELLE.

Votre valeur prit lors un généreux dessein.
Depuis?

MATAMORE.

Pour conserver une dame si belle, Au plus haut du logis j'ai fait la sentinelle.

ISABELLE.

Sans sortir?

MATAMORE.

Sans sortir.

LYSE.

C'est-à-dire, en deux mots,

Que la peur l'enfermoit dans la chambre aux fagots'.

MATAMORE.

La peur?

LYSE.

Oui, vous tremblez; la vôtre est sans égale.

MATAMORE.

Parcequ'elle a bon pas, j'en fais mon Bucéphale;
Lorsque je la domptai, je lui fis cette loi;

Et depuis, quand je marche, elle tremble sous moi.

LYSE.

Votre caprice est rare à choisir des montures.

MATAMORE.

C'est pour aller plus vite aux grandes aventures.

ISABELLE.

Vous en exploitez bien: mais changeons de discours. Vous avez demeuré là-dedans quatre jours?

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2

MATAMORE.

De nectar, d'ambrosie 2.

LYSE.

cette viande aisément rassasie?

VAR. Qu'il s'est caché, de peur, dans la chambre aux fagots.

De peur ?

MATAMORE.

L'orthographe de ce mot n'étoit pas encore fixée. Dans la pre mière édition, Corneille avoit écrit ambroisie, et dans la dernière il l'a corrigé tel qu'il est ici : peut-être a-t-il voulu se rapprocher de l'étymologie. Quoi qu'il en soit, ambroisie a prévalu.

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