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nous étaient offertes par quelques images d'un manuscrit infiniment précieux, malheureusement détérioré depuis par l'incendie, les Heures de Turin.

L'exposition comprenait donc deux cent quarante-deux numéros, répartis chronologiquement en vingt-huit vitrines et un grand meuble de milieu. A côté des manuscrits de la Bibliothèque nationale, d'autres avaient été prêtés par la bibliothèque Sainte-Geneviève, la bibliothèque de l'Arsenal et la bibliothèque Mazarine, de Paris; par la bibliothèque Méjanes, d'Aix; par les bibliothèques de Besançon, de Bourges, de Poitiers, de Verdun, de Soissons, par Mme Jacquemart André, de Paris; par M. Gallice, d'Épernay; par M. Tancrède de Scitivaux de Greische; par le très noble marquis de Bute, et par M. Henry Yates Thompson.

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(Miniature en tête du Psautier du duc de Berry. Ms. français 13091 de la Bibliothèque nationale).

On avait réuni également, exposé sous verre des fac similés de manuscrits de premier ordre qu'il n'était pas possible de mettre sous les yeux des visiteurs; par exemple: le Registre des hommages du comté de Clermont, disparu depuis le XVIIIe siècle; les Heures de Charies V et celles du duc de Berri, détruites dans l'incendie de la bibliothèque de Turin; les Heures du duc de Berri de la bibliothèque royale de Belgique; les Heures du duc de Berri et plusieurs autres manuscrits du musée Condé, à Chantilly; et des facsimilés de manuscrits de la bibliothèque de Munich, du British Museum, du musée Meermanno-Westreenen, à La Haye, etc. Le catalogue était rédigé par M. Léopold Delisle, administrateur de la Bibliothèque nationale: c'est tout dire !

Et maintenant que l'on a donné la physionomie de l'exposition, entrons un peu dans le détail et résumons les eléments qu'elle nous apporte pour l'étude de l'art français primitif. On remonte, pour commencer, jusqu'au XIIIe siècle, au temps de saint Louis, à cette époque où les arts, comme les livres, vont se séculariser, et où le peintre, ayant à intéresser un public plus nombreux et moins raffiné, va abandonner le symbole et, avant tout, parler aux yeux. C'est la fin de la convention; l'œuvre des miniaturistes va cesser d'être une œuvre de pure décoration; l'étude de la nature va commencer à apparaître.

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Quant au point de vue du métier, il est déjà merveilleux les cinq mille petits tableaux de la Bible moralisée, (ms. latin 11560) encore noyés dans le texte, mais si richement et si finement traités, ceux de l'évangéliaire de la Sainte-Chapelle (latin 17326) où le bleu des fonds est d'une qualité remarquable, ceux du Psautier de saint Louis (latin 10525), véritables joyaux qui se détachent sur des fonds d'or vif et s'encadrent de riches ornements architectoniques, suffisent à le prouver.

Si nous passons d'un coup au premier tiers du XIV siècle et que nous nous arrêtions, par exemple, au Bréviaire de Belleville (latin 10283-10284), exécuté pour Olivier de Clisson et sa femme Jeanne de Belleville, confisqué au profit du roi après la condamnation

d'Olivier, en 1343, et ayant appartenu ensuite à Charles VI, à Richard II, roi d'Angleterre, à Jean, duc de Berri, etc., un peu de réalisme nous apparaît dans certaines figurines, et non pas seulement dans l'observation des poses et des gestes, mais aussi dans la notation, timide encore, mais déjà très visible, du modelé. Les miniaturistes deviennent des peintres, et, par chance, on sait les noms des trois principaux artistes qui ont collaboré à l'illustration de ce Bréviaire: Jean Pucelle, Ancelet ou Anciau de Cens, et Jacquet Maci ou Maciot.

Le programme d'enluminure d'après lequel ont été illustrés les calendriers et psautiers du Bréviaire a été suivi pour nombre d'autres précieux manuscrits, dont certains sont également attribués aux trois artistes que l'on vient de citer les Heures de Jeanne de France, reine de Navarre, par exemple (collection Yates Thompson); et encore, à une époque plus tardive, le Très beau bréviaire de Charles V (latin 1052), les Grandes et les Petites Heures du duc de Berri (latin 819 et 18014) qui ont été sans doute exécutées par des artistes formés à leur école. Il faut mentionner aussi une Bible latine, copiée en 1327, par Robert de Billyng (latin 11935), et où les trois enlumineurs précités ont fait connaître leurs noms dans une note si finement écrite qu'elle semble se dissimuler à dessein, comme il est arrivé pour tant de ces maîtres modestes dont les noms sont à jamais perdus pour nous.

Autre chose indique encore l'observation de la nature dans le Bréviaire de Belleville les toutes petites figures dont il est historié sont encadrées d'ornements d'un goût exquis, où les artistes ont introduit des fleurs, des animaux (singes, oiseaux, papillons, escargots, libellules, etc.) traités avec une fidélité et une habileté parfaites. Nous retrouvons cet amour de la nature et la mise en œuvre de semblables éléments dans les marges du Bréviaire de Charles V, dû, comme nous l'avons indiqué, à un élève de Jean Pucelle et de ses collaborateurs.

Un autre spécimen remarquable de la peinture parisienne au milieu du XIVe siècle nous est fourni par un Fragment de la Bible glosée en français par Jean de Ty (français 15397), où beaucoup de tableaux sont restés à l'état d'ébauches: c'est merveille de voir courir dans les marges inférieures tous ces petits personnages, déja si vivants dans la simplicité et la précision du trait des esquisses. Pour ceux qu'intéresse particulièrement la technique des miniaturistes, nous rapprocherons de ce fragment de Bible une Bible latine du commencement du XIVe siècle (Arsenal, ms. 664) qui contient encore les esquisses que les chefs d'atelier ou directeurs de l'illustration traçaient dans les marges des manuscrits pour guider le travail des enlumineurs. Très nombreux et très curieux, les dessins de ce genre, dont M. Henry Martin a signalé récemment l'importance, dans un mémoire adressé à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres (11 mars 1904), ont ceci de particulièrement intéressant qu'ils nous montrent le premier travail de composition du maître et sont, en général, bien supérieurs aux dessins des miniatures, parfois exécutées par des élèves ou des aides.

Nombreux seraient les manuscrits à citer pour l'époque de Charles V, ce « lettré couronné », ami des beaux livres et des belles miniatures, qui employa d'excellents peintres et dont la précieuse « bibliothèque » excite encore aujourd'hui l'admiration des plus profanes c'est une traduction par Nicole Oresme des Politiques et des écono

miques d'Aristote (Collection de M. de Waziers), exemplaire du roi exécuté après 1372, orné de dix-sept peintures, dont l'une représente « la sédicion ou conspiracion occulte », et << la sédicion apperte », où l'on voit « le demagogue qui presche au peuple contre le prince; c'est la Cité de Dieu de saint Augustin, traduite par Raoul de Presles (français 22912-22913), exécuté vers 1371. C'est encore la Traduction du livre des propriétés des choses, de Barthélemi l'Anglais, faite en 1713, par Jean Corbichon pour le roi Charles V (français 16993): le frontispice quadrilobé a été reproduit sur quatre exemplaires du même ouvrage, dont l'un se trouvait, en 1903, dans la collection de M. Leo S. Olschki. C'est enfin l'admirable exemplaire des Grandes Chroniques de France (français 2813), ouvert, pour l'exposition, au chapitre 18 qui « parle comment François descendirent des Troyens et commence par une peinture représentant une scène de guerre, pleine de

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JACQUES COENE. LE JARDIN DU VIEUX DE LA MONTAGNE.

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(Ms. français 2810 de la Bibliothèque nationale).

mouvement et de vie : les personnages y sont traités en grisaille, les plans commencent à s'indiquer dans le paysage, mais l'horizon et le ciel n'existent pas encore et sont remplacés par des fonds à décors dorés. Citons enfin les Heures de Savoie autrement dites Très belles grandes heures de Charles V, dont il ne reste, hélas ! que des facsimilés depuis l'incendie de la Bibliothèque de Turin.

Quant à mettre des signatures au bas de ces œuvres, il n'y faut pas songer. Sans doute, on connait les noms de quelques enlumineurs de cette époque: nous en avons déja cité plusieurs, auquels on pourrait ajouter Jean Susanne, Jean de Montmartre et Jean Lenoir, employés par le roi; Jean d'Orléans, fils du peintre Girard d'Orléans, et Jean de Bruges, qui travaillèrent pour Charles V; Étienne Lannelier et Jean de Beaumetz, qui furent engagés par les frères du roi, le duc Jean de Berri et Philippe le Hardi, duc de Bour

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